Guerre contre Boko Haram: Paul Biya «fuit» le front de l’Extrême-Nord

DOUALA - 17 SEPT. 2014
© Souley ONOHIOLO | Le Messager

 

Près de deux semaines après son retour pour un autre «bref séjour» au Cameroun, le chef des armées, président de la République qui a pourtant déclaré la guerre à l’ennemi sur le perron de l’Elysée, ne s’est toujours pas décidé d’aller au front où, les troupes l’attendent pour un supplément de motivation.

 

 

Bien avant son départ pour l’Occident où, il a passé de longues semaines d’absence du Cameroun, le chef de l’Etat Paul Biya, président de la République, chef des armées, était attendu à Maroua, chef lieu de la région de l’Extrême-Nord. De hauts gradés de l’armée, quelques dinosaures et caciques de son appareil politique, affirmaient avec beaucoup d’emphase, qu’au niveau des préparatifs, tout était bouclé ; que la descente du chef des armées à Maroua, n’était plus qu’une question d’heures. « La ville a fait sa propreté des grands jours ; les populations sont mobilisées, les forces de sécurité, les autorités administratives et traditionnelles aussi. Plusieurs missions de découverte et d’inspection des lieux sont déjà venues. Ce sont là des signes avant-coureurs qui démontrent à l’évidence que le président de la République est en route» serine un membre de l’élite de la région. Des jours et des semaines sont passés, le chef de l’Etat Paul Biya, ne s’est toujours pas rendu au septentrion.

 

A ce jour, tout le monde a donné sa langue au chat. Toutes les certitudes sont couvertes de voile. Il devient difficile de sonder l’agenda du chef de l’Etat. Mêmes les affidés du régime du Renouveau qui clamaient avec triomphalisme, la descente du chef des armées au front, ont perdu de l’aplomb. Depuis l’élection présidentielle d’octobre 2011, deux catastrophes d’égales intensités, ont frappé et même foudroyé les populations de l’Extrême-Nord, sans que celles-ci, ressentent la solidarité de celui à qui, elles ont toujours accordé des résultats favorables, le meilleur des scores électoraux aux différents types d’élections. Il y a eu les inondations de 2012. La moitié de la région avait les pieds dans l’eau ; les dégâts et les pertes énormes ; la sollicitude de Paul très attendue. Le Sénat étant encore en gestation, la région lourdement frappée, étaient celle, natale du président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguié Djibril, alors 2ème personnalité de la République. Le temps a passé, les populations de cette partie du septentrion ont plié un doigt.

 

Deux années après cette catastrophe naturelle, l’Extrême-Nord est de nouveau sur la sellette, attaquée ; sous l’étreinte de l’ennemi invisible et asymétrique populairement connu sous « Boko Haram ». La région est sous la peur et une frayeur inestimable. Coups de feu, démobilisation, dispersion des populations, incertitudes et lendemains qui déchantent, la région est sous mauvaise étreinte. En cette 2ème semaine de la rentrée des classes, l’école buissonnière bat son plein. A peine commencée, pointe à l’horizon une année blanche et sèche. Du fond des casernes, les sarées et autres maisons d’habitation d’où, l’on entend des feux nourris de la soldatesque du « Boko Haram », les oreilles sont tendues vers l’arrivée de Paul Biya…

 

Aller à Maroua

« La région de l’Extrême-Nord, s’est toujours considérée comme la fille du régime du Renouveau. Elle se sent à l’aise dans la peau du bétail électoral de Paul Biya » avoue un analyste politique, cadre du Rdpc, sous anonymat.  Comme lui, nombreux sont ceux qui affirment, qu’au sein du Rdpc, aucune élection n’est véritablement considérée comme perdue ou gagnée tant qu’on n’a pas les résultats du dépouillement de l’Extrême-Nord. Informé des sévices, les pertes énormes et les morts d’hommes, bien avant de marquer un arrêt pour comprendre la situation et « ramasser » ses victimes tombées sur le champ d’honneur, Paul Biya est allé en France d’où, on l’a entendu dire sur le perron de l’Elysée : « Nous sommes venus déclarer la guerre aux « Boko Haram ». En interne, personne n’a vu Paul Biya. Le chef suprême des armées, n’a pas mesuré la nécessité d’organiser ses troupes pour une expédition punitive au front. Depuis là, malgré les différents exploits et des victoires par le biais des actes de bravoure qu’ils comptent sur le terrain, il n’y a aucune trace de Paul Biya ; on dirait que ce sont des orphelins qui sont au front. Durant son absence du pays, certains apparatchiks, se sont laissés aller dans des (é) motions de soutien. L’on a vu une passe d’armes entre le Pan et les caciques de la Lékié. Chacun voulait occuper le vide laissé par le prince. Paul Biya est revenu ; il n’a dit mot.

 

Face à l’appel à l’union sacrée des populations, les forces vives de la nation…, contre l’ennemi invisible, le président de la République qui doit donner de la voix, le timing, le rythme et la cadence, reste sourd et muet. A ce jour, le chef suprême des forces armées, nommé Président de la République, n’a toujours pas fait une sortie officielle, pour dire par le biais d’une adresse à la nation et à son peuple que le pays est en guerre, attaqué par « Boko Haram ». Comment peut-on réussir à une mobilisation tous azimuts des populations camerounaises contre un ennemi commun, si le chef de l’Etat en premier, n’a pas pris la mesure de la gravité de la guerre ?

 

Jeudi 28 août déjà, Paul Biya était absent à la cérémonie d’hommage aux soldats tombés au front. A l’occasion de la cérémonie de levée de corps des 21 militaires et cinq gendarmes tombés sur le champ d’honneur alors qu’ils étaient en mission commandée dans le cadre des opérations « Emergence », « Alpha » et « Serbeouel », aucune des trois principales personnalités à qui le peuple a confié son mandat, par les urnes n’était venu incliner son buste sur les dépouilles des vaillants combattants. Outre le chef de l’Etat qui avait décampé, les présidents du Sénat et celui de l’Assemblée nationale, avaient brillé par leur absence à la cérémonie. «De par sa qualité de chef des armées, le président de la République, devrait pouvoir aller galvaniser, soutenir ses troupes au front. On ne lui demande pas d’être, ni d’aller en ligne de mire au front. Mais de partager la proximité et la chaleur des soldats qui sont à l’épreuve de la survie, pour la défense de la République». A Maroua, Paul Biya pourrait se rattraper en faisant d’une pierre, plusieurs coups. Le réconfort aux soldats en guerre ; l’adresse à la nation ; l’appel au calme dans les rangs de son parti… Et surtout, laver le linge sale avec les populations de l’Extrême-Nord qui, meurtries par le chagrin, la solitude, le manque de compassion et de solidarité par la présence physique de Paul Biya à leurs côtés, attendent ce dernier au tournant de l’histoire. « Man no run »…

 

Souley ONOHIOLO



18/09/2014
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