Grogne au sein de la Garde présidentielle

Cameroun : Grogne au sein de la Garde présidentielle Pour dénoncer la distraction des primes des soldats, un élément de ce corps a menacé de tirer sur le cortège du chef de l’Etat.
On n’a pas souvent l’habitude de voir les éléments du Bataillon d’intervention rapide (Bir), unité d’élite créée pour traquer les bandits de grand chemin, faire partie de l’escorte du président de la République. Vendredi dernier, lors du retour de Paul Biya de Malabo, où il prenait part au 7ème sommet des pays Acp (Afrique-Caraïbes-Pacifique), des agents du Bir étaient pourtant postés tout le long de l’itinéraire présidentiel, de l’aéroport de Nsimalen au centre ville de Yaoundé.

Armes au poing, ils semblaient plutôt bien équipés. Sereins, le regard mauvais et machinalement baladeur comme s’ils redoutaient un éventuel danger. Ces soldats ont investi les coins stratégiques où sont généralement couchés ou juchés les éléments de la Garde présidentielle, lors des sorties ou retours du chef de l’Etat.

Pour les observateurs avertis, ce déploiement du Bir à l’occasion du retour du président Biya n’avait rien d’anodin, surtout lorsque l’on sait que le couple Paul et Chantal Biya, pour son départ à Malabo, a dû emprunter un hélicoptère depuis le palais de l’Unité, alors que les routes qui mènent à l’aéroport, comme à l’accoutumée, ont été barrées pendant plusieurs heures, attendant vainement le passage du cortège du chef de l’Etat. Autre fait inhabituel, et qui a dû attirer l’attention de plus d’un habitant de la capitale politique : l’effectif réduit des éléments de  la Garde présidentielle ce vendredi-là, jour de retour de Paul Biya de Malabo. Que s’est-il donc passé pour qu’on en arrive là ?

De sources internes aux forces de défense camerounaises, ces faits inaccoutumés observés lors de la dernière sortie du président Biya, sont la conséquence du malaise ambiant au sein de la Garde présidentielle, malaise qui a conduit la sécurité présidentielle à réduire au maximum l’implication des éléments de la Gp dans le dispositif sécuritaire du chef de l’Etat, afin de parer à toute éventualité. «La veille de la dernière visite du président équato-guinéen à Yaoundé, un soldat de la Gp a envoyé de son téléphone portable, un message au commandant de la Gp pour le mettre en garde», souffle une source en service dans la «grande muette». Et de poursuivre : «le soldat a prévenu son commandant [celui de la Gp, ndlr] que s’il arrivait que son unité soit retenue pour le jalonnement à l’occasion de la sortie du chef de l’Etat du lendemain, il allait dégainer sur le véhicule du boss». La menace sera alors prise très au sérieux par le colonel Atangana Nsoe, commandant de la Gp.

Le libérateur
Ce dernier ordonnera immédiatement l’arrestation du soldat «rebelle», qui sera auditionné par un lieutenant de la Sécurité militaire (Semil). Mais le soldat réussira à embarrasser l’enquêteur par son calme et sa sérénité en acier trempé, confie notre source. En effet, apprend-on, le soldat fera savoir, séance tenante, à l’agent de la Sémil qu’il aurait bien pu expédier son message sous anonymat, mais que s’il a choisi de le faire de son téléphone portable, c’est bien parce qu’il voulait qu’on le découvre et qu’on l’identifie. Sur ces entrefaites, il accepte d’assumer  l’acte qu’il a posé pour, dira-t-il, dénoncer le mauvais traitement dont sont victimes les éléments de la Gp, notamment le détournement de leurs primes par les responsables de ce corps. Face à la froideur et l’assurance affichées par le soldat, l’enquêteur de la Semil, dans son rapport, va indiquer que ce soldat soit «gardé aux arrêts afin de voir plus clair. Car, poursuit-il, son calme et sa confiance laisse croire qu’il a des soutiens extérieurs».

D’après nos informations, le soldat «rebelle» se trouve actuellement dans une cellule sécrète dans la ville de Yaoundé. Malgré les tentatives d’étouffement et de verrouillage de cette affaire par le haut commandement de la Gp, afin de ne pas créer de remous au sein de la troupe, la nouvelle s’est très vite répandue chez les «bérets violets», qui ont tôt fait de surnommer leur camarade d’arme «Longuè Longuè, le libérateur».
Certains de ces éléments, sous cape, n’hésitent d’ailleurs plus à qualifier le soldat qui a tout déclenché de «héros». «Il a  su dire tout haut ce que nous pensons tout bas», s’enthousiasme un élément de la Gp. De sources internes à cette unité d’élite, le calvaire des gardes de Paul Biya a pris du galon avec l’arrivée du colonel Atangana Nsoé à la tête de la Gp. «Nous n’avons plus de primes. Nos avantages sont constamment détournés. Nos chefs s’engraissent, pendant que nous souffrons. Nous en avons marre. Seulement, nous ne pouvons pas protester par peur de représailles. Notre camarade à fait ce que nous tous devrions faire», déclare, courroucé, un soldat de la Gp.

© Mutations : Albert Biombi


18/12/2012
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