Grandes Ecoles: La corruption gagne les feuilles de concours

YAOUNDÉ - 18 Juin 2012
© Monique Ngo Mayag et Pascal Dibamou | Mutations

Le trafic d’influence et l’arnaque rythment l’accès dans les centres de formations publics.

En février 2006, Benjamin Amama Amam alors, ministre de la Fonction publique (Minfopra) ordonne l’annulation des résultats des concours d’entrée à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) pour le compte de l’année académique 2005/5006. Une décision motivée par le rapport effectué en janvier 2006 par la commission d’enquête et de clarification des conditions d’organisation des concours d’entrée à l’Enam. Alors qu’il tentait ainsi de rattraper la fraude constatée lors de ces examens, Benjamin Amama Amam sera désavoué plus tard par le premier ministre. En effet, le 15 février 2006, Jules Doret Ndongo, alors le secrétaire général des services du Premier ministre, adresse une note à Benjamin Amama Amam, lui demandant de revoir sa décision d’annulation. Les résultats de ces concours furent plus tard validés par le directeur général de l’Enam de cette année là, Benoît Ndong Soumhet. Un revirement qui n’occulte visiblement pas l’existence de réseau mafieux d’entrée dans les grandes écoles au Cameroun.

En 2009, le Pr Charles Awono Onana, à l’époque, directeur de l’Ecole nationale supérieure polytechnique fait interpeller des arnaqueurs. Ces derniers ont fait miroiter l’entrée à cette école d’ingénierie à des candidats et leurs familles, en échange de millions de francs Cfa. Pour cela, ils se faisaient passer pour des proches collaborateurs du directeur.

L’entrée à la Faculté de Médecine et de Sciences biomédicales de Yaoundé (Fmsb- défunte Centre universitaire des sciences de la santé-Cus. ndlr), à l’Ecole militaire inter-armées (Emia), à l’Institut sous-régional de statistique et d'économie appliquée (issea), Institut national de la jeunesse et des sports (Injs) entre autres grandes écoles, est toute aussi entachée de corruption et de trafic d’influence, apprend-on. «Des listes de futurs lauréats proviennent généralement des ministres, des cadres du parti au pouvoir, des directeurs généraux, des cadres de la présidence de la République», martèle une source sous anonymat.

«L’entrée dans les facultés de médecine des universités de Yaoundé 1 et de Douala, relève de l’exploit, assure un enseignant d’Université qui a requis l’anonymat. On y parvient à faire réussir les candidats ayant obtenu une moyenne inférieure à 5. Et c’est ceux-là qui, malheureusement auront nos vies entre leurs mains», déplore-t-il.


Millions

Dans des groupes de préparations aux concours d’entrée dans les grandes écoles, situés à non loin de l’école du centre de Yaoundé, école publique de Ngoa Ekellé et l’école publique de Biyem-assi, à Yaoundé, certains encadreurs admettent, sous anonymat, l’existence des réseaux parallèles d’accès aux grandes écoles. Certains révèlent par exemple que pour entrer dans les écoles normales supérieures de Yaoundé et Maroua, il faut débourser entre 500 000 francs Cfa et 1.500 000 Fcfa au moins.

Des sommes qui, apprend-on, transitent premièrement par des intermédiaires. Lesquels se recrutent parmi les propriétaires des tournedos, cargotes, situés et à l’extérieur de ces écoles, ou proches des ministères assurant la tutelle académique et technique, et aussi parmi certains propriétaires de groupes d’études. Mais dans le lot des montants exigés par les entregents pour la réussite au concours dans els grandes écoles, l’Enam semble se tailler la part du lion.

Benoît Ndong Soumeht, en son temps, directeur de l’Enam, fait publier dans un communiqué le 7 mai 2008, dans lequel, il met en garde la population. Ledit communiqué mentionne alors que des individus sans foi, ni loi, écument les quartiers, extorquent des fonds aux braves citoyens et prétendent leur assurer une entrée facile au sein de l’Enam. Le même communiqué relevait que la justice s’était saisi du cas d’un individu qui aurait extorqué 14 millions Fcfa à une famille pour faire entrer trois enfants à l’Enam à raisons de 4.5 millions Fcfa par personne. «Comment comprendre qu’un candidat vienne s’inscrire au cours de préparation à moins d’une semaine du lancement des épreuves écrites du concours d’entrée dans l’une des écoles dont nous assurons la préparation, et qu’à la fin, il réussisse. Pourtant, lors des travaux pratiques il n’apportait pas toutes les garanties de succès?» s’interroge un encadreur d’un des groupes de préparation aux concours d’entrée dans les grandes écoles.

Ce dernier dit avoir plusieurs fois été admissible aux concours d’entrées à l’Enam dans les filières Division administrative des régies financières (Darf), cycle A et B. Mais passé l’oral, son nom disparaît des listes d’admission définitive.

Une atmosphère de suspicion que le nouveau directeur de l’Enam entend faire disparaître. Linus Toussaint Mendjana s’engage en effet à assurer la transparence et le mérite pour les concours d’entrée à l’Enam en 2012. «Je n’ai aucun appel à lancer aux familles. Notre premier rendez-vous, c’est lors de la publication des premiers résultats. Chacun jugera si prochainement, il faut faire confiance ou non à l’Enam», lance-t-il. Les épreuves écrites de l’examen d’entrée à l’Enam s’achève en août prochain.

La rentrée dans toutes les grandes écoles est fixée pour octobre 2012 d’après les textes du ministère de l’Enseignement supérieur. Le rendez-vous est donc pris. La Commission nationale anti-corruption (Conac) vient par ailleurs de lancer un plaidoyer pour qu’on supprime la l’équilibre régional comme condition d’établissement des listes définitives des admis aux concours d’entrée dans les grandes écoles nationales.


19/06/2012
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