Gestion: La CRTV au bord de l’asphyxie financière

A l’issue de la session du conseil d’administration de la Cameroun Radio and Télévision (CRTV), qui s’est tenue à l’immeuble siège de cette entreprise à capitaux publics, sis au quartier Mballa II, le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary, et président dudit conseil n’a manifesté aucun état d’âme. A l’entendre s’exprimer devant les médias soigneusement sélectionnés pour couvrir cet évènement, les travaux se sont déroulés dans une ambiance de sérénité. Issa Tchiroma Bakary s’est même voulu optimisme quand au fonctionnement et aux méthodes de gestion conduit par la direction générale de la CRTV. Le PCA-MINCOM a ainsi entre autres annoncé l’adoption d’un nouvel organigramme, et la nomination dans les prochains jours « des bonnes personnes aux  bonnes places ».

Pourtant, approchés, la plupart des membres du conseil d’administration ne semblent pas absolument partager cet optimisme du ministre de la Communication. Plus grave encore, certains estiment que « le ministre Tchiroma soutient le directeur général dans ses fautes de gestion, en plus des mépris à l’endroit des membres du conseil d’administration », dénonce un administrateur qui a préféré garder l’anonymat. Parlant de mépris, la grande majorité des administrateurs n’ont pas du tout digéré le fait qui leur a paru troublant. Alors qu’ils étaient déjà en salle de conseil, des documents importants du conseil d’administration qui devaient leur être soumis 15 jours avant la date de la tenue dudit conseil selon les dispositions légales, étaient encore entrain d’être photocopiés au cabinet du directeur général. Une attitude qui a rendu extrêmement nerveux certains administrateurs.

Le plus déroutant encore pour les membres du conseil d’administration de la CRTR, est arrivé lorsque le président de la commission financière Bayiha Valentin a lu le rapport de contrôle et des états des finances de l’entreprise. Il y ressort en en effet des énormités et de fautes de gestion suffisamment graves.

Tchiroma cautionne la gabegie

Commençons par le sous chapitre 1 -3 concernant les immobilisations corporelles. La commission financière a fait observer aux membres du conseil d’administration que, la CRTV n’a jamais confectionné un Inventaire général de base. Ce qui fait que tout « fichier réglementaire » des Immobilisations corporelles produit par cette société pose un problème de crédibilité. Il faut rappeler que les immobilisations corporelles ont débuté à la CRTV en vue de la confection d’un inventaire général de base. La commission financière a ainsi pris bonne note de ce disfonctionnement. Elle a aussi continué ses observations en abordant le chapitre des dettes. Les administrateurs ont ainsi appris que les dettes de la CRTV se composent au 31 décembre 2009 comme suit : 1) dette fiscale : 2.117.348.647 Fcfa contre 1.372.658.413 Fcfa en 2008. 2) dettes sociales (argent dû aux personnels et autres cotisations sociales) 6.121.055.088Fcfa contre 5.838.343.054 Fcfa en 2008. 3) Autres dettes : 56.615.230 Fcfa contre 105.367.583 Fcfa en 2008. Cela fait un total de 14.416.074.080 Fcfa. La commission Financière de la CRTV a ainsi fait observer aux membres du conseil d’administration que cette dette est en augmentation en 2009.

Doubles emplois ?

Abordant maintenant le chapitre des comptes ce gestion, la commission financière de la CRTV s’est attardée sur les charges calculées. Notamment pour ce qui est des provisions et amortissements. Elle a fait remarquer que les dotations aux amortissements et aux provisions sont de 1.057.729.895 Fcfa en 2009, contre 1.211.013.605 Fcfa en 2008. Pour la Commission financière en l’absence d’un fichier d’inventaire réglementaire des immobilisations corporelles, toute dotation aux amortissements n’est pas fiable, le calcul essentiellement des informations provenant naturellement desdit fichiers. C’est alors que la Commission Financière est arrivée aux constatations spécifiques à la tutelle. Dans l’observation n°14, elle fait constater aux membres du conseil d’administration qu’il existe à la CRTV, des appuis financiers à la tutelle, à savoir le ministère de la communication, sans base légale. Que le ministre de la Communication reçoive (et encore !) des appuis qualifiés d’exorbitants, on pourrait comprendre ou alors relativiser en disant qu’il en est aussi président du conseil d’administration. Mais que d’autres hauts responsables du MINCOM aient des appuis sur aucune base légale, laisse songeur. C’est le cas de l’actuel secrétaire général du MINCOM, Medjo Mintom dont le rapport de la commission financière signale que l’entretien de son véhicule a quelquefois été supporté par la CRTV. C’est le cas de deux factures réglées en avril 2009 pour des montants respectifs de 561.667 Fcfa et de 250.450 Fcfa. De plus affirme la commission financière , les véhicules et le personnel de la CRTV (mis en mission) ont souvent été mis à la disposition du Sg du Mincom pour des convenances personnelles. Tout comme la CRTV a engagé en décembre 2009 1.450.000 Fcfa pour payer l’hébergement des journalistes de la presse privée faisant partie de la délégation du ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary dans son fief politique de la région du Nord. Ceci selon une décision du directeur général n°379/Crtv/Dg/Srn/cs. La commission financière poursuit dans son observation n°15 par la perception d’indemnités de session par le directeur général dans le cadre du fonctionnement de la commission des marchés en violation de l’article 120 alinéa 3 du Code des marchés publics. Le montant total indûment perçu de l’année 2009 s’élève à 11.450.000 FCFA. Il en est de même des perceptions du carburant toujours dans le cadre du fonctionnement de la commission de passations des marchés, les signatures des ordres de mission du Dg par lui-même avec des frais que la commission financière dénonce…, le fonctionnement nébuleux de la fameuse CMCA, la tenue irrégulière de la comptabilité. Mais il n’y pas que le Dg Amadou Vamoulké qui est épinglé par le rapport de la commission financière. Son adjoint Francis Wete est aussi accusé de multiples doubles emplois dans son traitement. Cas de l’entretien de ses véhicules personnels par le garage de la CRTV alors qu’il a une dotation mensuelle y afférente.

Au final, il s’agit d’un rapport volumineux qui montre à suffisance des nombreuses fautes de gestion relevées par la commission financière. Un rapport qui indique qu’il y a des risques d’asphyxie financière à la Radio et télévision d’Etat au Cameroun, si rien n’est fait. Nonobstant toutes ces remarques, le conseil d’administration suffisamment mis sous pression a donné son quitus à la gestion du directeur général. C’est tout dire…




04/07/2010
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