Gabegie: Odeurs de malversations au Conseil National de la Jeunesse

Yaoundé, 03 avril 2013
© Sylvain Andzongo | Repères

Le compte bancaire de cette structure est débiteur de 3 374 FCFA. Le Président du bureau du Conseil, M. Abdoulrazack, refuse de soumettre son bilan financier à un audit.

Ce qui se passe au Conseil National de la Jeunesse du Cameroun (CNJC) peut être inscrit dans le registre des dépenses folles. D'après l'historique bancaire de cette structure dont «Repères» a pu obtenir copie, le solde d'ouverture du CNJC dans l'établissement de micro finance, Crédit Communautaire d'Afrique, disposait de 40 004 418 FCFA au 15 décembre 2012.

Pratiquement un mois plus tard, au 31 janvier 2013, il est débiteur d'un montant de 3 374 FCFA. La structure mise sur pied par l'Etat pour servir d'interface entre le Gouvernement et les jeunes est donc au rouge. Que s'est-il passé?

Dans le rapport de la réunion des 14 et 16 décembre 2012, les membres du Bureau national dénonçait déjà des micmacs ayant cours dans cette structure: «Déficit dans les procédures de gestion en la matière; absence de présentation de pièces justificatives dans certains cas; argent effectivement débloqué mais inexécution de la dépense (cas de la conférence de presse, de l'achat des chaises et de l'imprimante); la rétention jusqu’à ce jour de la subvention de 2 500 000 F octroyée aux Régions à hauteur de 250 000 F par région; non domiciliation des 2 500 000 F dans le compte du CNJC conformément à l'historique du 13 décembre 2012».
Plusieurs autres compte-rendu de réunion et correspondances diverses accablent M. Abdoulrazack, le Président du CNJC et Mme Julienne Sandrine Atsama, tous deux disposant d'un droit de signature sur le compte bancaire. Le 20 décembre 2012, les Présidents régionaux relèvent que: «rien ne justifie la rétention de leur subvention (1 680 000 FCFA : Ndlr) par la Trésorière, du moment où le Bureau national dans son ensemble a décidé de la clé de répartition». Plus loin : «Les Présidents des Régions de l'Ouest, du Sud-ouest, du Nord-ouest et du Littoral ont déclaré avoir respecté les textes du CNJC dans la procédure de leur compte bancaire et ont communiqué lesdites domiciliations à la Trésorière générale cependant, jusqu'à ce jour aucun virement n'a été fait malgré plusieurs démarches entreprises auprès de la trésorière et du Président national».


Détournement de fonds

Si le CNJC dispose d'un siège pour lequel il débourse annuellement 2,4 millions de FCFA, la structure n'est pas connectée à internet. Et pourtant, 720 000 FCFA ont été débloqués pour l'installation d'une connexion internet. Pas de téléphone. Les 240 000 FCFA affectés au paiement de l'électricité pour l'exercice 2013 ont pris une destination inconnue. Une source au CNJC montre même au reporter comment le CNJC «avec la complicité du bailleur» est connecté frauduleusement sur des installations électriques de AES-SONEL.

Quid des 6 millions de FCFA retenus pour l'organisation d'une assemblée générale devant permettre le renouvellement du Bureau du CNJC? Or, depuis le 12 mars 2013, date à laquelle a expiré le mandat de l'actuel Bureau, le Ministère de la Jeunesse et de l'Education Civique (MINJEC), tutelle du CNJC, attend la tenue de ladite assemblée générale. Au point où M. Bidoung Mpkatt, le MINJEC a sommé M. Abdoulrazack «de convoquer l'Assemblée générale les 04 et 05 avril 2013».

Mais le Ministère de tutelle ne se fait pas d'illusion quant à la tenue effective de cette assemblée à la date indiquée, car il a été saisi le 5 février 2013 par le Secrétaire général du CNJC, M. Patrick Pang, qui faisait remarquer qu'au 17 janvier, leur solde bancaire s'élevait seulement à 2 038 138 FCFA. Soit, trois fois moins que le budget d'organisation initialement arrêté. Pis, deux semaines plus tard, les 2 millions ont aussi été décaissés pour des besoins inconnus.


Obstruction à l'audit

Le règlement intérieur du Conseil National de la Jeunesse dans son article 29 précise que les commissaires sont chargés du contrôle interne de la gestion financière du bureau exécutif et présentent à chaque session de l'Assemblée générale un rapport. A cet effet, ils sont fondés à demander aux personnels impliqués dans la gestion tout document administratif et financier. Seulement, depuis la mise en place du CNJC en 2010, les Commissaires aux comptes, M. Gabriel Nogue Kamga et Mme Astallai Bia épouse Hamadou, n'ont jamais pu exercer leur droit de contrôle.

Le 26 février 2013, ces deux auditeurs écrivent à M. Abdoullay Abdourazack: «Monsieur le Président, en notre qualité de Commissaire aux comptes du Conseil Nationale de la Jeunesse du Cameroun, nous venons respectueusement près de vous faire part de la mission que nous souhaitons effectuer dans l'institution sous votre haute responsabilité afin d'effectuer un contrôle interne de synthèse pour les exercices 2010, 2011 et 2012.

Nous avons trouvé opportun de l'effectuer du 13 au 16 mars 2013, ce d'autant plus que notre mandat s'achève le 12 mars 2013».

Lorsque la mission se rend au CNJC, il n'y a personne pour la recevoir. D'après l'entourage du Président du CNJC, ce dernier n'était pas informé de cette mission. Les auditeurs rédigent un rapport de mission à l'attention toujours de M. Abdourazack qui relève que, «suite à notre mission du 26 février 2013 portant mission d'audit devant se dérouler du 13 au 16 mars 2013, nous venons par la présente vous signifier faute de documents nécessaires à nos travaux le report de ladite mission pour les 29 et 30 mars 2013». Au soir du 30 mars, une source proche du CNJC confirme qu'une fois de plus l'audit n'a pas eu lieu. «Le Président dit qu'il n'était pas informé», ironise notre interlocuteur.

Sollicité par «Repères», le Président du CNJC, laconique, répond: «Allez poser toutes ces questions à votre source. Je ne suis pas un polémiqueur [sic]. Je ne suis au courant de rien». Le reporter relance: «Est-il vrai que les auditeurs de compte n'arrivent pas à effectuer le travail faute d'être reçu par le Bureau que vous dirigez?». Réponse : «Est-ce que je suis financier? Je ne suis pas de la CONAC (Commission Nationale Anticorruption, Ndlr) ou de l'ANIF (Agence Nationale d'Investigation Financière, Ndlr) ou du Ministère de la Jeunesse. Mon frère, publie ce que tu veux. S'il faut que j'attaque, je vais attaquer. Tu es un journaliste d'investigation, publie ce que tu veux».


03/04/2013
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