Fuite du coton vers le Nigeria: Des suspicions pèsent sur certains responsables de la Sodécoton

Douala - 25 Novembre 2011
© Peter Kum | La Nouvelle Expression

Le gouverneur de la région du Nord vient de mettre sur pied un comité ad hoc pour lutter contre la sortie frauduleuse du coton vers les pays voisins. Le comité a pour but de prendre toutes les mesures aptes à prévenir et à empêcher l’exportation du coton graine vers les pays voisins.

En installant le comité ad hoc, le gouverneur de la région du Nord, Gambo Haman, a déclaré que: «Certains responsables de la Sodecoton sont soupçonnés de faciliter l’évasion du cotonnière vers les pays voisins». Selon le gouverneur, les mêmes suspicions vont à l’endroit de certains responsables postés sur les frontières de la région du nord. Gambo Haman ne voudrait pas rester les bras croisés et voir mourir la Société du développement du coton du Cameroun (Sodecoton). Cette société qui, jusqu’à présent, reste le poumon économique du Nord et de l’Extrême-Nord. Il a, à cet effet, signé un arrêté régional créant un comité ad hoc, composé des hauts responsables des forces de maintien de l’ordre de la région, le procureur, le directeur général de la Sodecoton et de certains délégués régionaux du Nord.

Au moment où la Sodecoton avait prévu que la saison cotonnière 2010/2011 devrait être celle de sa relance après le passage de la crise financière qui a presque conduit la société en faillite, le Nigéria se trouve fortement intéressé par cet or blanc. Les cours du coton fibre sur le marché mondial sont devenus très intéressants depuis décembre 2010.

Au cours de la campagne de commercialisation 2010/2011, la vente frauduleuse du coton graine vers le Nigéria a pris des proportions très inquiétantes, plus de 30 000 tonnes ont ainsi traversé la frontière, provoquant des pertes importantes pour la Sodecoton. Sur les 171.000 tonnes produites dans les différentes régions, seules 135.000 tonnes ont été commercialisées par la Sodecoton et environ 16% de la production nationale sont exportés frauduleusement vers le Nigéria. Les acheteurs offrent aux planteurs des prix plus avantageux que la Sodecoton. «En effet, ces spéculateurs-acheteurs n’ont jamais fait des avances des campagnes aux planteurs. Ils ne les assistent pas, ne les aident pas et ne les encadrent pas pendant la campagne cotonnière. Ces spéculateurs qui ne viennent récolter là où ils n’ont jamais semé, ne fournissent ni engrais, ni semences de qualité aux planteurs. Ils n’ont jamais ouvert des pistes de collecte du coton, ni camion pour transporter le produit. Ces assassins de l’économie camerounaise n’amènent aucune action sociale qui puisse améliorer les conditions de vie de ces pauvres planteurs, ils ne paient aucun impôt ni aucune taxe au trésor camerounais», précise Gambo Haman.

En somme, ce sont des simples profiteurs qui prennent avantage sur la naïveté des cotonculteurs. Dès que le cours du coton baisse, ils repartent aussi vite qu’ils étaient venus, laissant derrière eux le planteur devant sa famille et ses problèmes. Le planteur est perdant, car l’acheteur ne lui reverse aucun dividende. Ce n’est pas un jeu de gagnant-gagnant. Selon le gouverneur, «le planteur qui se fait prendre par ces contrebandiers ne sait pas qu’il scie la branche sur laquelle il est assis». Certains planteurs privilégient l’instant présent, en voyant les billets brandis devant leurs yeux par les contrebandiers, oubliant les crédits qu’ils ont prit auprès de la Sodecoton et, par conséquent, les oblige à vendre leur coton à la Sodecoton. «Ces planteurs véreux peuvent faire objet d’une poursuite pour rupture abusive du contrat et escroquerie. Ils peuvent également faire l’objet d’un recouvrement forcé de créance. A cet instant, les amis contrebandiers ne seront plus auprès d’eux pour intervenir», dit le gouverneur.

Les contrebandiers venus des pays voisins organisent une opération main basse sur le coton camerounais, en utilisant des Camerounais même pour piller leur propre pays. En effet, le modis operandi de ces pirates économiques est simple. Les commanditaires restent tranquillement dans leur pays, au niveau de leur douane et attendent que des Camerounais leur livrent la marchandise. Pour cela, ils se contentent de recruter des émissaires camerounais qui font le boulot à leur place, moyennant une forte récompense. Ces émissaires aussi montent des commandos-acheteurs véreux. Ces émissaires se mesurent aux «coxeurs» du café et du cacao. Ils achètent le coton et le stockent dans des villages complices, choisis d’avance, et trouvent des motocyclistes qui les transportent pour traverser les frontières en longs convois d’une dizaine à une vingtaine de motos chargées chacune du coton à outrance.

Complicité de certains fonctionnaires

Ces motocyclistes armés des bâtons, des couteaux, des fusils artisanaux et de plus en plus d’armes de guerre franchissent tous les obstacles. Selon le gouverneur, la réussite de ces différentes étapes suscitées plus haut s’effectue avec la complicité de certains travailleurs de la Sodecoton et même certains fonctionnaires camerounais. «Certains responsables de la Sodecoton, et même certains fonctionnaires de l’Etat sont soupçonnés de faciliter l’évasion cotonnière vers les pays voisions. Nous ne le permettrons pas. Le gouverneur que je suis déploiera tout l’arsenal mis à sa disposition par les textes en vigueur pour barrer la route à tout fauteur de trouble de quelque nature qu’il soit», insiste Gambo Haman.

Les conséquences de cette situation sont nombreuses. Au plan local, faute de matière première suffisante, la Sodecoton est obligée de fermer certaines usines et réduire la main d’œuvre en mettant en chômage une partie de son personnel. La production de l’huile Diamaor a connu une baisse de près de 3 000 000 litres, qui provoque une hausse de prix de cette denrée alimentaire. Le gouverneur estime que: «Si la Sodecoton est en ruine, c’est la région du Nord qui s’enrhume. Ou encore, si le moustique pique la Sodecoton, c’est le Nord qui meurt de paludisme».
La tâche de ce comité ad hoc est complexe est dangereuse. Au regard de la porosité des frontières, les engins utilisés comme moyen de transport et la détermination des «coxeurs» qui n’hésitent pas à faire usage de leurs armes.

Selon le gouverneur, le comité ad hoc est composé du «procureur général qui saura mettre en marche la machine judiciaire pour que la loi s’abatte sur les contrevenants, les forces de maintien de l’ordre qui traiteront les fraudeurs qui marchent en bandes armées comme des coupeurs de route»



27/11/2011
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