France- Cameroun: La lettre du Collectif diasporique des Associations de l’opposition politique et de la société civile camerounaise à François Hollande

Enveloppe:Camer.beA Son Excellence François Hollande, Président de la République Française, Palais de l’Elysée, Paris.

Objet : Observations et doléances à propos de la réception annoncée de M. Paul Biya, Président de la République du Cameroun, le 30 janvier 2013 au Palais de l’Elysée, Paris.

Votre Excellence, Informée de la probabilité d’une réception le 30 janvier 2013 prochain de M. Paul Biya, président de la république du Cameroun, par vous-même au palais de l’Elysée,

Nous, Collectif diasporique des associations de l’opposition politique et de la société civile camerounaise citées au terme de ce courrier, venons respectueusement et solennellement par le présent courrier porter à votre connaissance les observations et les doléances suivantes :

1) En date du 21 juillet 2009, un collectif dont nous coordonnions l’action s’est regroupé Place Herriot à Paris, près de l’Assemblée Nationale Française, pour manifester contre la réception indue de M. Paul Biya par l’ancien président français, M. Nicolas Sarkozy. A cette occasion, notre collectif a fait valoir le déni de démocratie, le mépris des droits de l’Homme, la corruption chronique, la violence arbitraire et les pratiques extra ou pseudo-judiciaires du régime trentenaire de M . Paul Biya, véritable despote, au Cameroun. Il nous souvient du reste que ce 21 juillet 2009, vous intervîntes dans notre manifestation en vous engageant à mobiliser le Groupe Socialiste à l’Assemblée Nationale pour que le gouvernement Sarkozy parle un langage de vérité à M. Paul Biya. Nous souhaitons donc que cette exigence soit rappelée et publiquement raffermie au cours et à l’issue de votre entretien avec M. Paul Biya.

2) Nous n’avons eu cesse de rappeler , au moins depuis 2005, que le Cameroun de Paul Biya est un pays pauvre très endetté en raison principale des détournements de fonds publics dont M. Biya et son régime se sont notoirement rendus coupables en 30 années d’une gabegie absolue qui a conduit à la rupture du lien social entre le Gouvernement et les citoyens, qui ne se rencontrent depuis lors que sur le terrain de la confrontation tragique. Le Cameroun par plus de deux fois, a été classé pays le plus corrompu au monde par Transparency International.

3) Nous n’avons eu cesse de présenter aux autorités françaises les faits de violations flagrantes des droits humains depuis l’accession de M. Paul Biya au pouvoir, en continuité funeste avec le régime de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo,

connu pour la barbarie de sa police politique et la prospérité des mouroirs de Tcholliré, Mantum, Yoko, New Bell et Kondengui, où furent éliminés des centaines de Camerounais et de Camerounaises engagés dans notre lutte démocratique nationale. En dernière date, lors des émeutes de la faim de Février 2008, le régime de M. Biya s’est rendu coupable de l’assassinat de sang froid de près de 200 citoyens qui manifestaient dans les rues des principales villes du pays. Le gouvernement Biya a daigné reconnaître l’assassinat par tirs à balles réelles de 39 personnes, mais aucun soldat ni policier, ni responsable politique camerounais n’a été jugé ou sanctionné à ce jour pour ces faits typiques de « crimes contre l’humanité. »

4) Nous n’avons eu cesse de présenter aux autorités françaises le désastre citoyen provoqué par 62 années passées sans consultation électorale démocratique au Cameroun. M. Biya, déterminé à s’éterniser au pouvoir ne s’est pas contenté de sa tailler une Constitution sur mesure qu’il a ensuite du reste allègrement piétinée. Il s’est octroyé, à travers l’organe ELECAM dont 90% des membres sont du partis au pouvoir et alliés, le contrôle total du mécanisme de consultation électorale des citoyens, créant une désaffection de près de 80% des Camerounaises et Camerounais envers les différents scrutins qu’ils savent d’emblée truqués.

5) Nous n’avons eu cesse d’indiquer aux autorités françaises qu’avec une diaspora de près de 4 millions de personnes, dont de nombreux bi-nationaux exclus de la participation citoyenne au Cameroun en raison de lois archaïques maintenues contre le bon sens par le régime, le Cameroun s’achemine vers une grande crise politique, avec le triple risque désormais avéré de débordements militaristes, ethno-génocidaires et fondamentalistes. Il n’est pas tard pour éviter le pire !

6) Nous n’avons eu cesse d’indiquer qu’avec près de 60% de la population vivant en deçà du seuil de pauvreté et face au chômage de près de 70% des jeunes qui constituent pourtant la majorité de la population, la liquidation de l’opposition politique camerounaise par la violence du régime et par ses ruses prébendières augurait d’une grande déstabilisation des intérêts français en Afrique centrale, si le Cameroun venait à devenir davantage incontrôlable en raison du délitement aggravé du tissu social ou si la guerre successorale qui couve au cœur du régime venait à éclater au grand jour.

7) Nous n’avons eu cesse d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale que le caractère fallacieux de la prétendue lutte contre la corruption menée sous le nom d’Opération Epervier par le régime de M. Paul Biya. Cette opération, pure poudre aux yeux du monde, a davantage servi à l’épuration des rivaux politiques du despote de Yaoundé qu’à la réduction de la prédation des fonds publics. Car si près d’une vingtaine de ministres, secrétaires généraux de présidence, directeurs de sociétés publiques et parapubliques croupissent en prison, de nombreux autres corrompus notoires jouissent de leur liberté au Cameroun, dont M. Paul Biya et sa famille aux-même, le Chef de l’Etat n’ayant jamais daigné respecter l’article 66 de la Constitution qui lui fait obligation de déclarer ses biens. Entre temps du reste, un scandale financier a éclaté en fin 2012, impliquant le fils du Chef de l’Etat, M. Franck Biya, dans l’achat manifestement frauduleux de bons du trésor public national, pour une centaine de nos milliards de CFA de ristourne indue.

Votre Excellence, M. Le Président,

Forts de toutes les observations qui précèdent, nous vous demandons de bien vouloir engager une révision de la politique étrangère de la France au Cameroun et plus largement, dans toute l’Afrique francophone. En ce qui concerne le cas de notre pays, il nous plairait que le communiqué qui sanctionnera la réception éventuelle de M. Biya à l’Elysée indique, de manière plus résolue que le Communiqué du 25 juillet 2009 publié par le gouvernement Sarkozy :

1) Que la France se désolidarise de toutes les violations des droits humains dont le régime de M. Paul Biya s’est rendu coupable depuis 1982, et notamment des crimes de masses du mois de février 2008, à ce jour impunis. La France soutiendrait et recommanderait alors l’ouverture sans délai des procès qui doivent sanctionner les forces criminelles du régime Biya, à ce jour entretenues dans leur illusion d’irresponsabilité alors que les familles camerounaises endeuillées depuis février 2008 pleurent encore leurs nombreux morts. Le dernier rapport d’Amnesty International sur le Cameroun rappelle utilement la gravité de la situation, véritable prélude à une insurrection de résistance citoyenne en légitime défense.

2) Que la France condamne l’instrumentalisation politicienne de la lutte contre la corruption au Cameroun, notamment la justice kafkaïenne organisée sous le nom de l’Opération dite Epervier, qui s’avère être un moyen d’épuration politique au service de la perpétuation arbitraire du régime illégitime de M. Biya. Ainsi, il urge que la France requière au régime Biya le respect des règles de droit et la libération sans autre forme de procès de tous les prisonniers politiques camerounais, tels MM. Enoh Meyomesse, Thierry Michel Atangana, Urbain Olanguena Awono, Paul Eric Kingué, Titus Edzoa, et bien d’autres encore.

3) Que la France demande au parti-Etat RDPC de M. Paul Biya d’engager sans délai des consultations nationales inclusives avec toutes les forces de la sociétés civiles et tous les partis politiques, afin de définir un cadre démocratique commun, notamment à travers l’instauration d’une CEI ( Commission Electorale Indépendante) qui sera assistée dans ses missions par la CEMAC, L’UNION AFRICAINE et notamment l’ONU, dont la certification électorale sera la clé de crédibilisation de l’ensemble du processus électoral camerounais.

4) Que la France demande instamment et clairement à M. Paul Biya de démissionner des fonctions de Président de la République du Cameroun qu’il occupe indûment depuis 1982 et sans l’aval du peuple camerounais, afin que des consultations électorales consensuelles dotent le pays d’institutions démocratiques. Cette démission de M. Biya ouvrirait clairement le processus de transition du pays vers la démocratie, alors que sa persistance insensée au pouvoir serait la garantie certaine de l’ouverture imminente de la boîte de Pandore dans ce pays.

5) Qu’une délégation de notre collectif d’associations de l’opposition camerounaise et d’associations de la société civile camerounaise soit reçue en audience par vous, M. Le Président de la République Française, afin que vous mettiez résolument un visage sur la génération qui s’engage, coûte que vaille, à appliquer au Cameroun votre maxime « Le Changement, c’est maintenant ! »

Plaise, M. Le Président de la République Française, que les présentes observations et doléances trouvent une oreille attentive en votre haute instance, afin que ce que vous dîtes de la situation camerounaise le 21 juillet 2009 sur la place Herriot ne soit pas renié dans ce que vous direz et ferez pendant et après votre entretien du 30 janvier 2013 avec M. Paul Biya qui, nous le réitérons, incarne la Françafrique que la proposition 58 de votre Programme « Changer la France » a décidé d’éradiquer définitivement de l’histoire franco-africaine. Comme vous le savez, de nombreux franco-camerounais, membres de notre collectif, regarderont avec attention l’application avec laquelle vous tiendrez les promesses pour lesquelles ils se sont personnellement engagés pour votre élection réussie à la tête de la République Française.

Salutations distinguées et respectueuses.

Pour le collectif diasporique des associations de l’opposition et de la société civile camerounaise,

Fait à Paris, le 25 janvier 2012.

Le Mpodol (Porte-parole) du collectif

Franklin NYAMSI, Professeur Agrégé de philosophie
Rouen, France.

0033 671 83 08 61

Franklin.nyamsi@gmail.com


Ont signé, les associations et personnalités suivantes :

- La section de France de l’UPC (Union des Populations du Cameroun), représentée par son Président, Josué YETNA, Paris, France.

- L’association Cercle belgo-africain pour la Promotion Humaine (Asbl Cebaph), représentée par son président, Elie KADJI

- Dr. Thierry AMOUGOU, personnalité indépendante.

- MBATKAM Adèle, Collectif National contre l'Impunité au Cameroun (CNI)

- ROUFAOU OUMAROU, (Association pour la Promotion de la Justice et de l'Éducation)

- Marcel TCHANGUE, Mouvement de Février 2008 (MF 2008)

- Jean Marie MOUKAM, Comité Citoyen pour la Libération des Prisonniers Politiques au Cameroun (CCL Libération)

- Guy FOKOU, Fondation Moumié (FM)

 Ci-dessous la Déclaration du Porte Parole du Collectif (Vidéo)

© Correspondance : Le Collectif diasporique des Associations de l’opposition politique et de la société civile camerounaise


28/01/2013
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