Fichier Elecam: 70% de Camerounais vont être privés du droit de vote

Douala, 08 avril 2013
© Edouard Kingue | Le Messager

Avec la fin des opérations de refonte du fichier électoral qui pointe a un peu plus de 5 millions d’inscrits, Elecam peut se frotter les doigts abusivement car environ 70% de Camerounais vont être privés du droit de choisir leurs représentants dans les affaires publiques.

Drôle de coïncidence. La refonte biométrique des listes électorales s’est achevée, Elecam alors que commençait la campagne électorale pour les sénatoriales. Si cette opération ne concerne nullement la campagne, cet enchevêtrement a permis à Elecam de ranger en douce son équipement biométrique, pour s’occuper activement des sénatoriales. De toutes les façons, les Camerounais n’avaient plus la tête aux inscriptions depuis la convocation des grands électeurs pour les sénatoriales. Unilatéralement, Elecam qui avait annoncé la fin des opérations pour fin mars a donc remballé son matériel alors qu’aucune compétition électorale n’est programmée. Selon la loi, seule la convocation du corps électoral devait sonner la fin des inscriptions sur les listes électorales. Les municipales ou les législatives devraient se tenir au mieux en juillet, au pire en …2014.

L’arrêt des opérations par Elecam enlève donc aux potentiels électeurs le droit de vote, alors que selon la loi, les retardataires avaient encore du temps pour s’inscrire avant la convocation du corps électoral. Cela est d’autant plus dramatique que sur une estimation de 20 millions de Camerounais, moins de six millions de personnes se sont inscrites à la date butoir du 29 mars dernier. C'est-à-dire que 70% de Camerounais vont être privés du droit de choisir leurs représentants dans les affaires publiques. On se souvient que la décision d’opérer une refonte du fichier électoral, réclamés par les partis politique et la société civile, a été prise après l’élection présidentielle d’octobre 2011. En effet, de nombreux doublons ont pu être observés sur les listes électorales gérées par le ministère de l’administration territoriale alors en charge du fichier. Le choix de l’opérateur allemand Giesecke & Devrient intervenant dans la biométrisation d’un nouveau fichier a été sujet à controverse. Une seconde controverse était liée au nombre des kits mis à disposition, soit 1200, jugés insuffisants par rapport au Ghana, dont la population avoisine la même taille, et qui en avait reçu 40 000. Malgré tout, Elecam annonçait à qui voulait l’entendre que plus de 7 millions d’inscrits étaient attendus au terme de quelques mois. Pourquoi ce chiffre ‘fétiche’ ? Pour s’arrimer à l’ancien fichier du Minatd très controversé ou pour se crédibiliser ? Assurément les mauvais comptes d’Elecam ne sont pas de nature à redorer son blason, d’autant plus qu’avant la date butoir, compte tenu du peu d’engouement de la population désabusée par des dizaines d’années de tripatouillage électoral, le marchandage est venu à la rescousse : un cadeau pour une inscription. Et dans le but de booster l'engouement des citoyens en âge de voter pour les opérations, le président Paul Biya avait annoncé, le 31 décembre dernier, l'entrée en vigueur de la gratuité de l'établissement des cartes nationales d'identité, une pièce dont le prix élevé était considéré par beaucoup comme un blocage aux inscriptions.

En attendant on s’interroge sur les chiffres d’Elecam qui font état de 5 millions d’inscrits à la clôture. Cela ne peut manquer d'étonner l'observateur. Début janvier dernier, Elecam ne revendiquait qu'un peu plus de 2,5 millions de personnes enrôlées à travers tout le pays. Fin mars, les inscrits ont presque doublés miraculeusement. La clôture du processus devra toutefois être suivie du nettoyage et de la consolidation du nouveau fichier électoral, qui ne manquera pas de faire jaser avant sa promulgation.

Edouard Kingue


08/04/2013
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