Fécafoot: Comment M Joseph Owona a trahi la normalisation

Yaoundé, 16 Avril 2014
© Jean Robert Fouda | Repères

Proposé par le pouvoir pour nettoyer les écuries d'Augias, l'ancien Ministre des Sports n'est pas pressé de rompre l'ordre établi à Tsinga. Au contraire.


Joseph Owona
Photo: © Archives


A l'image d'un étudiant distrait qui n'a pas pu valider ses unités de valeur lors de la session normale des examens, le Pr. Joseph Owona a été admis en session de rattrapage. Le président du Comité de normalisation de la Fédération camerounaise de football a pu obtenir une prorogation de mandat jusqu'au 30 novembre, décision prise par la Fédération internationale de football association (Fifa) le 22 mars 2014.

Mais une vive contestation accompagne cette rallonge, qui, du coup, porte la marque de l'opprobre et apparaît comme la preuve que rien n'a changé à Tsinga et que le coup de Jarnac dont l'ancien président Iya Mohammed a été victime n'a été 'qu'un coup d'épée dans l'eau.

Le système et ses acteurs majeurs sont restés en place. Et c'est justement sa perpétuation, source de sempiternelles divisions au sein des Lions qui constituent la garantie d'un échec programme au prochain Mondial, que semblent redouter aussi bien MM. Roger Milla et Samuel Eto'o que le pouvoir.

Ancien Ministre, qui a, tour à tour dirigé les différents départements des Sports, de l'Education nationale, de la Fonction publique ou du Contrôle supérieur de l'Etat, pendant près de trente (30) ans, avec en prime une promotion comme secrétaire général de la présidence de la République, M. Joseph Owona semblait pourtant avoir le profil de l'emploi. Arrivé en pleine crise électorale à la Fécafoot au mois de juillet 2013, l'enseignant de Droit constitutionnel avait huit mois pour relire et mettre en forme les textes de la fédération, organiser de nouvelles élections sur la base de ces nouveaux statuts au plus tard le 31 mars 2014 et, entre temps, gérer les affaires courantes.

Invité de l'émission Le Club du dimanche sur Beln Sports à l'occasion du classico espagnol, Barcelone — Real Madrid en mars dernier, Samuel Eto'o, le capitaine de l'équipe nationale, est revenu sur prorogation du mandat du Comité de normalisation et les scandales qui empêchent le football camerounais d'évoluer. «Chacun a son business dans cette histoire. Les gens ne travaillent jamais pour le pays, mais pour se remplir les poches», a révélé Samuel Eto'o. Se rappelant l'après Coupe du monde 2010 pour la France, où le président de la Fédération française de football avait démissionné après l'échec des Blues, sans que la Fifa ne se soit «jamais mêlée». Samuel Eto'o déplore tout de même le fait que «chez nous on passe de comité en comité, on prolonge des mandats».

Roger Milla, ancienne gloire du football camerounais, n'en pense pas moins. Ambassadeur itinérant qui fait office de conseiller en matière de football du Chef de l'Etat, il est amer dans une interview accordée à RSI, un radio sportive basée à Douala. Ces deux avis indiquent clairement le mécontentement du pouvoir, qui paraît très déçu de la tournure des événements à Tsinga, loin du nettoyage des écuries d'Augias qui avait été prévu. Le Ministre des Sports, Adoum Garoua, est muet, impressionné par la stature de Joseph Owona, ponte du système en longue disgrâce, mais qui conserve des griffes au bout de l'intelligence. Cet agrégé de droit bénéficie d'une grâce d'absence de critiques, qu'il ne doit qu'à sa filiation au régime Biya, qui ne veut pas l'affaiblir plus qu'il ne l'est déjà.

Qu'à cela ne tienne, la prorogation de mandat conforte la posture des membres du Comité de normalisation accusés d'avoir délibérément retardé le processus électoral. Le renvoi sine die des élections à la présidence de la Fécafoot permet ainsi à M. Joseph Owona et ses collaborateurs d'accompagner l'équipe nationale A à la 20e édition de la Coupe du monde prévue du 12 juin au 13 juillet au Brésil. Ce qui était, d'après des sources bien informées, l'objectif visé. Dès la fin de l'année 2013, ces sources indiquaient que le secrétaire général de la Fécafoot avait montré au président du Comité de normalisation tout l'intérêt à gérer la participation des Lions indomptables au mondial brésilien et les retombées associées. M. Joseph Owona s'était rangé à ces arguments, comme le montre la suite des événements.


BILAN D'ÉCHEC

Après huit mois, si une mouture des textes a bien été transmise à la Fifa, rien n'a encore été rendu public. En réalité, le Comité de normalisation a échoué sur plusieurs points, à en croire un président de club qui a requis l'anonymat. Au niveau des affaires courantes par exemple, affirme ce président de club, il a outrepassé ses prérogatives. M. Owona a engagé la Fécafoot dans des projets, il a recruté des cadres à la fédération, ce qui n'était pas inscrit dans son cahier de charges. Il se comporte comme le président d'un exécutif élu. Pis encore, il a décidé, de manière unilatérale, de changer la formule du championnat professionnel. Le nombre de clubs de première division est passé de 14 à 19 clubs alors que la deuxième division est passée de 14 à 18 équipes.

En outre, la situation dans les Ligues régionales est plus catastrophique qu'il y a un an. Le Pr Owona refuse d'appliquer un verdict de la Chambre de conciliation et d'arbitrage du Comité national olympique et sportif du Cameroun, qui demande la réhabilitation de cinq clubs (Eugène Ekeke Académie, Authentic de Douala, Bandjoun FC, Jeunesse de Banamoussadi et Oryx de Bali) relégués de deux divisions en raison de leur forfait lors de la dernière journée du championnat régional de football du Littoral.


LA CANDIDATURE DE TOMBI À ROKO

Parmi les rares personnes à avoir la mouture des textes envoyés à la Fifa au mois de décembre par le Comité de normalisation, M. Tombi à Roko Sidiki peaufine sa candidature pour les prochaines élections à la présidence de la fédération, avec la bénédiction de M. Owona. Pour conquérir son électorat, l'actuel secrétaire général de la Fédération camerounaise de football essaye, selon de sources crédibles, de convaincre M. Joseph Owona d'amener au Brésil tous les présidents des Ligues régionales. Numéro deux de la Fécafoot il partage la signature avec M. Owona M. Tombi à Roko n'est pas concerné par l'inéligibilité qui frappe les membres du Comité de normalisation. Mais son implication dans la gestion de la maison en fait un maillon essentiel et sa candidature apparaîtra comme une faute morale indéniable. Surtout au regard de la proximité et de la complicité affichées avec le Pr Joseph Owona.

Si, dans un entretien paru le 21 mars 2014 sur le site internet Camfoot.com, M. Abdouraman Hamadou portait un jugement assez sévère sur le président du Comité de normalisation de la Fécafoot. «Le Pr Owona a perdu sa neutralité. Nous n'avons plus confiance en Owona parce qu'il est établi qu'il travaille pour un groupe, qu'il a un parti pris», indiquait cet ancien chef de cabinet de l'ex-président de la Fécafoot Mohammed Iya, incarcéré depuis juin 2013 à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé pour détournement présumé de fonds publics au sein de la société de développe¬ment de coton, entreprise para¬publique qu'il a dirigée pendant près de 30 ans.

Toutefois, l'éventualité d'une candidature de Tombi à Roko Sidiki ne fait pas peur aux autres membres de la Fécafoot. «Il ne suffit pas seulement d'être candidat. Il faut encore être capable de remporter cette élection», a précisé un membre du que «Tombi à Roko Sidiki n'a pas l'étoffe nécessaire». Cet avis pourrait sembler bien faible au regard du dessein du secrétaire général de la Fécafoot. Homme lige de M. Iya Mohammed, il est la garantie de la perpétuation du système mis en place par l'ancien président de la Fécafoot. Aussi va-t-il bénéficier du soutien de la Caf et de la Fifa, où est logé le compte de la Fécafoot pour le financement de la construction du nouveau siège, confié à un fils de M. Issa Hayatou.

M. Joseph Owona tente de, donner un coup de pouce à l'un des rescapés de l'ancienne équipe de la Fécafoot sur lequel pèsent malheureusement de graves soupçons pillage des ressources du football camerounais durant plus d'une décennie. En effet, Bouba Ngomna, présentateur de l'émission «Sports on The Hertz» sur Radio Tiémeni Siantou (Rts), Ernest Obama de la chaîne de télévision Vision 4 et Théophile Awana, directeur de publication de Chrono sport, ont révélé le 25 septembre 200 que M. Tombi à Roko Sidiki avait détourné 30 000 euro (20 millions de FCFA environ), issus de l'organisation du match amical Cameroun - Italie à Monaco, le 3 mars 2010, du transfert de Stéphane Mbia et de l'acquisition d'un véhicule de service.



16/04/2014
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres