FACE AUX URNES : LE DESENGAGEMENT POLITIQUE AU CAMEROUN

 10.05.2009 - FACE AUX URNES : LE DESENGAGEMENT POLITIQUE AU CAMEROUN

La peur, le refus ou l’abandon de l’engagement politique des jeunes générations de nos jours est la preuve de la résurgence des frustrations historiques dont ont été victimes les Camerounais. La dépolitisation de la vie nationale ou le désengagement politique est le fruit d’une lassitude populaire compréhensible. Depuis le retour de la république du Cameroun au multipartisme en 1990, nous vivons le très grand paradoxe suivant ; les partis politiques sont de plus en plus nombreux mais les militants sont de moins en moins nombreux. C’est ainsi qu’il existe au Cameroun des partis politiques dont le bureau directeur est constitué essentiellement des membres de la famille du promoteur.

Le multipartisme est véritablement en vigueur au Cameroun depuis 1990, suite à la promulgation par le Chef de l’Etat de la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990, sur la liberté des associations et des partis politiques.
D’un seul parti en 1985, 58 en 1992, 179 en 2002, ce nombre qui est allé croissant et a atteint un niveau assez élevé, a commencé à chuter, pour se stabiliser depuis quelques temps. Cette évolution pourrait témoigner d’un manque de conviction, d’un tâtonnement et d’une certaine hésitation. Aujourd’hui, 19 ans après le retour au multipartisme, le Cameroun compte environ 168 partis politiques. Pour une population évaluée à près de 20 millions d’âmes parmi laquelle moins de 5 millions s’inscrivent sur les listes électorales et 3 millions seulement prennent effectivement part au vote. Situation très surprenante et paradoxale.

Comment les jeunes générations doivent-elles marquer leur engagement politique, afin de dépasser les interminables discours et aller au-delà des paroles ?

Quelle est la nature ou le sens de notre engament politique dans le contexte camerounais actuel ?

Le grand dédain pour la chose politique qui caractérise les camerounais de nos jours, n’est pas le fruit d’une génération spontanée. C’est un processus bien monté et bien huilé par l’occident et son prolongement en terre africaine qui est constitué des présidents-rois en charge des affaires de nos Républiques bananières. C’est une technique, une stratégie bien ficelée ayant pour finalité d’éloigner les populations de la gestion de la chose publique.

Au Cameroun la vie politique est un domaine réservé à une certaine élite et le peuple ne doit y prendre part que lorsqu’il Doit aller donner ses voix aux candidats, contre quelques kilos de viande et quelques bouteilles de vin. Les populations sont traitées comme des moutons de panurge dans nos Républiques pendant les élections parce qu’elles troquent leurs voix contre des denrées alimentaires.

Cette situation de dépolitisation psychologique des populations est une véritable gangrène dans la société Camerounaise. Elle est très évidente et même officiellement reconnue dans les propos du Chef de l’Etat lorsqu’il affirmait haut et fort dans l’un de ses discours : « l’école aux écoliers et la politique aux politiciens ». Pourtant au sein des établissements scolaires et des Universités il existe des organisations de jeune des partis politiques. Au-delà de ces organisations de jeune des partis, il existe aussi plusieurs mouvements de jeunes créés sur la base de l’apologie et du nom du chef de l’Etat (PRESBI) ou de la première Dame (JACHABI).
Ainsi lorsque tout le peuple aurait abandonné la politique aux spécialistes de la politique politicienne, il sera plus aisé d’instaurer une monarchie démocratique apaisée.

La preuve de cette dépolitisation silencieuse des masses est encore perceptible dans la marche et la messe organisées en 1990 par les détenteurs du pouvoir, contre le multipartisme et la mise aux arrêts des Camerounais qui ont tenu la réunion de lancement d’un des tous premiers partis politiques en 1990.

Les camerounais doivent se réveiller de leur long sommeil pour s’intéresser à la façon dont la chose publique se gère et s’engager véritablement dans des actions susceptibles d’apporter des changements qualitatifs au Cameroun.
Les Camerounais doivent s’engager politiquement pour changer la superstructure qui est à l’origine de tous les maux du Cameroun.
Certains spécialistes à la suite de Tchuijang Pouemi soutiennent l’idée selon laquelle, c’est l’économie qui gouverne le monde et que par conséquent, le problème de l’Afrique est d’abord économique avec sa dépendance monétaire. La conviction de ce propos repose plutôt sur une idée contraire, celle selon laquelle, c’est le politique qui crée et organise toutes les sphères de la vie nationale : la politique économique, la politique éducative, la politique étrangère, la politique sociale etc. La volonté politique est la base de toute réforme possible. Ce n’est aucunement l’économiste qui pourra changer la politique économique du Cameroun. Ce n’est nullement l’économiste qui décidera un jour de rompre le cordon ombilical qui lie les pays francophones d’Afrique à la monnaie française.
Lorsque la volonté politique tarde à se manifester ou ne se manifeste pas du tout, alors, le seul recours qui reste au peuple n’est pas une stratégie économique, mais une bonne stratégie révolutionnaire. Une révolution pacifique (la non violence Ghandi) ou violente (Marx et la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie).

On ne peut s’en sortir qu’en repolitisant les masses et en s’engageant effectivement dans les luttes sociales. Il s’agit de remettre au goût du jour l’éducation civique et politique des populations afin qu’elles deviennent des masses critiques et non des masses passives ou encore des « foules qui ne savent pas faire foules », comme l’a si bien dit aimé Césaire.
Cette stratégie de la repolitisation des populations prend appui fondamentalement sur l’éducation, la sensibilisation et l’encadrement du peuple.

Pour ceux qui désirent militer dans un parti politique ou créer leur propre parti, il est juste et bon que chaque citoyen parcours en profondeur la loi de 1990 sur les partis politiques et s’en fasse une idée :
Loi n° 90/56 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques

L`assemblée nationale a délibéré et adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

CHAPITRE PREMIER : DES DISPOSITIONS GÉNÉRALES

ARTICLE 1er : Les partis politiques sont des associations qui concourent à l`expression du suffrage.

ARTICLE 2 : Les partis politiques se créent et exercent librement leurs activités dans le cadre de la constitution et de la présente loi.

ARTICLE 3 :

(1) Nul ne peut être contraint d`adhérer à un parti politique.

(2) Nul ne peut être inquiété en raison de son appartenance ou de sa non-appartenance à un parti politique.

(3) Nonobstant les dispositions des alinéas précédents du présent article, il est interdit aux personnels des Forces armées et de la Police en activité de service d`adhérer à tout parti politique.

(4) Nul ne peut appartenir à plus d`un parti politique.

CHAPITRE II : DE LA CRÉATION

ARTICLE 4 :

(1) La demande de création d’un parti politique se fait par le dépôt d’un dossier complet auprès des services du gouverneur territorialement compétent.

(2) Une décharge mentionnant le numéro et la date d’enregistrement du dossier est délivrée au déposant.

ARTICLE 5 :

(1) Le dossier à déposer comprend :

* La demande timbrée indiquant les nom, adresse ainsi que l’identité complète, la profession et le domicile de ceux qui sont chargés de la direction et/ou de l’administration du parti ;
* Le bulletin n° 3 du casier judiciaire des dirigeants ;
* Le procès-verbal de l’assemblée constitutive en triple exemplaire ;
* Les statuts en triple exemplaire ;
* L’engagement écrit avec signature légalisée de respecter les principes énumérés à l’article 9 ci-dessous ;
* Un mémorandum sur le projet de société ou le programme politique du parti ;
* L’indication du siège.

(2) Tout changement ou toute modification dans ces éléments ainsi que les pièces le constatant doit être communiqué au gouverneur territorialement compétent.

ARTICLE 6 : Le gouverneur dispose d’un délai de quinze (15) jours francs pour transmettre au Ministère chargé de l’Administration territoriale tout dossier comportant l’ensemble des pièces énumérées à l’article 5 ci-dessus.

ARTICLE 7 :

(1) La décision autorisant l’existence légale d’un parti politique est prise par le ministre chargé de l’Administration territoriale.

(2) En cas de silence gardé pendant trois (3) mois à compter de la date de dépôt du dossier auprès des services du gouverneur territorialement compétent, le parti est réputé exister légalement

ARTICLE 8 :

(1) L’autorisation visée à l’article 7 ci-dessus ne peut être refusée que si le dossier ne remplit pas les conditions énumérées aux articles 5, 9, 10 et 11, de la présente loi.

(2) Tout refus d’autorisation doit être motivé et notifié au déposant par tout moyen laissant trace écrite.

Le déposant peut, le cas échéant, saisir le juge administratif dans les conditions prévues par la loi.

(3) Par dérogation aux dispositions de l’article 12 de l’ordonnance n° 72-6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême, le refus de l’autorisation prévue à l’alinéa 2 ci-dessus est susceptible de recours, sur simple requête devant le président de la juridiction administrative.

Ce recours doit intervenir dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification à personne ou à domicile.

Le président statue par ordonnance dans un délai de 30 jours.

L’exercice des voies de recours n’a pas d’effet suspensif.

ARTICLE 9 : Ne peut être autorisé, tout part politique qui :

* porte atteinte à l’intégrité territoriale, à l’unité nationale, à la forme républicaine de l’Etat, à la souveraineté nationale et à l’intégrité nationale, notamment par toutes sortes de discrimination basées sur les tribus, les provinces, les groupes linguistiques ou les confessions religieuses ;
* prône le recours à la violence ou envisage la mise sur pied d’une organisation militaire ou para-militaire ;
* reçoit les subsides de l’étranger ou dont l’un des dirigeants statutaires réside à l’étranger ;
* favorise la belligérance entre les composantes de la Nation ou entre des pays.

ARTICLE 10 : Il est formellement interdit à un parti politique de recevoir des financements de l’extérieur.

ARTICLE 11 : Nul ne peut être dirigeant d’un parti politique s’il ne remplit les conditions suivantes :

* être de nationalité camerounaise d’origine ou d’acquisition depuis au moins dix (10) ans ;
* être âgé de 21 ans au moins ;
* jouir de ses droits civiques ;
* ne pas appartenir à un autre parti politique ;
* résider sur le territoire national.

CHAPITRE III : DES DROITS

ARTICLE 12 : Tout parti politique autorisé peut :

* acquérir à titre gratuit ou onéreux et disposer des biens meubles et immeubles nécessaires à ses activités ;
* fixer librement le taux des cotisations et les percevoir ;
* ouvrir des comptes bancaires exclusivement au Cameroun ;
* créer et administrer des journaux et des instituts de formation conformément aux lois en vigueur ;
* ester en justice ;
* tenir des réunions, et organiser des manifestations dans les conditions prévues par loi ;
* percevoir le produit de ses activités culturelles ou économiques.

ARTICLE 13 :

(1) Tout parti politique peut recevoir les dons et legs mobiliers provenant exclusivement de ses membres ou des personnes installées au Cameroun.

(2) Les quantum annuels maximum de ces dons et legs et les modalités pratiques de leur perception sont fixés par voie réglementaire.

ARTICLE 14 : L’État participe, en tant que de besoin, dans les conditions fixées par la loi, à certaines dépenses des partis à l’occasion des consultations électorales locales ou nationales.

ARTICLE 15 : Les partis politiques ont accès aux médias audio-visuels de service public dans les conditions fixées par voie réglementaire.

ARTICLE 16 : Toute perquisition au siège d’un parti politique est interdite, sauf en cas de procédure judiciaire, sur réquisition du juge ou pour des motifs d’ordre public.

CHAPITRE IV : DES SANCTIONS

ARTICLE 17 :

(1) Le ministre chargé de l’Administration territoriale peut d’office suspendre par décision motivée sur une durée de trois (3) mois l’activité de tout parti politique responsable de troubles graves à l’ordre public ou qui ne satisfait pas aux dispositions des articles 5,6,9,10 et 11 ci –dessus.

(2) cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif dans les conditions prévues à l’article 8 alinéa (3).

ARTICLE 18 :

(1) Tout parti politique peut être dissous :

* par la volonté de ses membres conformément à ses statuts ;
* par décision du ministre chargé de l’Administration territoriale agissant en vertu de l’article 17 ci-dessus.

(2) La décision de dissolution du ministre chargé de l’Administration territoriale est susceptible de recours devant la Cour Suprême dans les conditions prévues à l’article 8, alinéa (3).

ARTICLE 19 : En cas de dissolution d’un parti politique par le ministre chargé de l’Administration territoriale, celui-ci saisit le tribunal de première instance pour sa liquidation.

ARTICLE 20 : La dissolution d’un parti politique ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires qui peuvent être engagées contre ses dirigeants.

CHAPITRE V : DES DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

ARTICLE 21 : Les partis politiques qui existent légalement à la date de promulgation de la présente loi n’ont pas à demander une nouvelle autorisation.

ARTICLE 22 : Sont abrogées toutes dispositions antérieures concernant les partis politiques.
ARTICLE 23 : La présente loi sera enregistrée, publiée selon procédure d’urgence, puis insérée au journal officiel en français et en anglais.


M.BLAISE HAMENI
Camerounlink-Bertoua


10/05/2009
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