Evocation : Les chemins escarpés vers la transparence électorale

Evocation : Les chemins escarpés vers la transparence électorale

En dépit de la volonté politique affichée, l'organisation des élections n'offre toujours pas des gages d'impartialité.

Quelle transparence électorale pour la Présidentielle 2011 ?
L'élection présidentielle aura lieu dans moins de sept mois. Pourtant, on note une effervescence bien moins importe que pour la Présidentielle française dont le premier tour aura lieu en avril 2012, c'est-à-dire cinq mois plus loin. En dehors de quelques grosses sorties de Kah Walla entre fin 2010 et le début de cette année 2011, en dehors d'apparitions quasi méthodiques de Vincent Fouda qui tente de toucher à tous les thèmes, on note comme un calme plat qu'il est difficile d'interpréter. Même le Rdpc, qui vient de célébrer dans une relative tiédeur ses 26 ans d'existence et qui s'apprête à présenter, sans surprise, son éternel champion connu de tous, ne présente pas une stratégie particulière, en dehors de s'assurer que ses militants (réels ou supposés) puissent s'inscrire massivement sur les listes électorales.
Ce sera, précisément, l'un des enjeux majeurs de cette présidentielle annoncée : la maitrise des listes et, de manière générale, la conduite d'ensemble du processus électoral qui sera, pour Elecam, le baptême du feu. Pourra-t-il avoir des coudées franches ? Quelle place occupera le Minatd ? Quid des formations politiques ? Sur toutes ces questions et bien d'autres, Mutations vous propose son regard désormais mensuel, appuyé d'éclairages de son expert-consultant en la manière, le Dr Manasé Aboya Endong.


S'il y a un combat qui a pendant longtemps coagulé l'unanimité de l'opposition camerounaise, c'est bien celui de l'organisation d'élections libres et transparentes au Cameroun par un organe neutre et indépendant. Entre mémorandums, lobbying auprès des partenaires au développement et marches de protestation, des leaders de l'opposition avaient pratiquement poussé le pouvoir a accédé à cette revendication vers la fin des années 90. En effet, jusqu'en l'an 2000, les élections au Cameroun étaient organisées par le ministère de l'Administration territoriale (Minadt). Ce département ministériel avait ainsi la haute main sur l'ensemble du système électoral. Cette forte emprise du Minat sur l'organisation et la supervision des joutes électorales, porteuse de contentieux, était régulièrement dénoncée par les partis d'opposition. Lesquels accusaient le gouvernement et partant le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti au pouvoir, d'être juge et partie.

Afin d'aplanir ces divergences, le pouvoir et l'opposition avaient alors élaboré chacun des propositions. Mais tandis que les premiers étaient favorables à un observatoire des élections, les seconds militaient pour une commission électorale nationale indépendante (Ceni). La première option prendra définitivement le dessus. Le 6 décembre 2000, le projet de loi portant création de l'Observatoire national des élections (Onel) est déposée devant le Parlement par le gouvernement. Elle sera malheureusement votée par les parlementaires du Rdpc (majoritaire) et de l'Undp (parti allié), en l'absence de cinq partis de l'opposition siégeant au Palais de verres. En effet, Les députés du Social democratic front (Sdf), de l'Union démocratique du Cameroun (Udc), du Mouvement démocratique pour la défense de la République (Mdr), de l'Union des populations du Cameroun (UPC) et du Mouvement pour la libération du Cameroun (Mldc) quitteront l'hémicycle de l'Assemblée juste après l'ouverture de la séance plénière consacrée à l'examen de cette loi.

Consensus
«Nous avons voulu protester contre cette loi anticonstitutionnelle qui va encore entretenir, en même temps que le flou, des réseaux de fraude », avait alors déclaré Adamou Ndam Njoya, président de l'Udc. Selon Ni John Fru Ndi, le chairman du Sdf «l'Onel est une coquille vide utilisée par le pouvoir pour arnaquer les Camerounais ». Pour sa part, Grégoire Owona, ministre chargé des Relations avec les Assemblées, avait estimé que «la loi sur l'Onel a été examinée en commission en présence de tous les partis de l'opposition et des amendements ont même été effectués sur leur demande». En fait, la loi sur l'Onel stipulait que cet « organe neutre de régulation de l'ensemble du processus électoral », sera composé de 11 membres nommés par décret présidentiel et choisis pour leur indépendance et leur intégrité morale. L'organisation matérielle des élections demeurait toutefois sous contrôle administratif. Quant au contrôle, à la proclamation des résultats et au contentieux électoral, ils restaient du ressort des instances juridictionnelles.

D'inspiration sénégalaise [une structure du même type y avait supervisé en 2000 l'élection présidentielle qui avaient conduit à une alternance réussie dans ce pays, ndlr], l'Onel avait par ailleurs des missions précises : «Contribuer à faire respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, l'impartialité, l'objectivité, la transparence et la sincérité des scrutins, en garantissant aux électeurs, ainsi qu'aux candidats en présence, le libre exercice de leurs droits ». Des missions auxquelles elle s'acquittera sous un épais halo de soupçons et ce malgré des replâtrages. Cependant, en dépit du boulet de récriminations qu'il traînait dès le berceau, les différentes élections (municipales, législatives, présidentielles) jusqu'aux municipales partielles de 2008 s'étaient déroulées sous l'égide de l'Onel I et II.

Le 29 décembre 2006, une loi promulguée par le président de la République portant création, organisation et fonctionnement d'Elections Cameroon (Elecam) sonne le glas de l'Onel II. Selon le texte présidentiel, l'avènement d'Elecam part du constat selon lequel «depuis le retour au pluralisme politique, et depuis les premières élections disputées en 1992, le système électoral camerounais est en quête d'une formule institutionnelle acceptée de manière consensuelle et garante, non seulement du souci de performance technique, mais aussi d'équité et d'indépendance à l'égard de tous les acteurs du jeu politique».
Mais les décrets signés par le chef de l'Etat le 30 décembre 2008 nommant les membres du Conseil électoral d'Elecam viendront crucifier les espoirs suscités par la création de cette structure. L'essentiel de l'opposition et la société civile va qualifieront ce Conseil de «comité ad hoc du Comité central du Rdpc» alors que du côté du pouvoir, l'on soutient mordicus qu' «Elecam porte en lui-même son indépendance. Ce d'autant plus que les anciens hauts cadres du Rdpc qui y siègent ont démissionné du parti». Une troisième voie proposera de juger le nouveau maçon au pied du mur. La première épreuve est connue. Ce sera l'élection présidentielle prévue en octobre prochain.

Georges Alain Boyomo



29/03/2011
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