Eto’o au banc, Le Guen dans l’avion et Zoah au quartier

Eto’o au banc, Le Guen dans l’avion et Zoah au quartier

«De temps en temps, les hommes tombent sur la vérité. La plupart se relèvent comme si de rien n’était.»
(Winston Churchill)

Avant toute chose, je vous prie de croire qu’il est des jours où il est difficile d’avoir raison.

Il y a trois mois, j’écrivais une tribune intitulée « Les trois plaies des Lions indomptables », que j’avais identifiées en les personnes du capitaine Samuel Eto’o, du sélectionneur Paul Le Guen et du ministre des Sports et de l’éducation physique, Michel Zoah. Un trimestre plus tard, alors que le Cameroun vient de disputer son premier match lors de la première coupe du Monde à se dérouler sur le sol africain, l’heure du bilan a sonné.

Entre temps, il y a eu un droit de réponse grandiloquent de Samuel Eto’o, un clash Eto’o/Milla, la non participation du capitaine au stage bloqué des Lions, 7 buts encaissés lors des trois matches de préparation, la mise à l’écart d’Alexandre Song, et, last but not least, la défaite de lundi contre le Japon.

D’emblée, j’affirme que Roger Milla a tort. Samuel Eto’o a bel et bien apporté quelque chose à l’équipe du Cameroun : le désordre, la zizanie, les intrigues. Sinon, sportivement, c’est effectivement le néant. Certes, il a fait partie des équipes qui ont gagné les Jeux Olympiques et la Coupe d’Afrique des Nations en 2000 ainsi que la compétition-reine africaine en 2002, mais il n’en était pas le leader. Le leadership de ces équipes, qui ont contribuées au rayonnement international de notre football, était alors assuré par Patrick Mboma, Rigobert Song, Marc-Vivien Foé. C’est comme si Paul Biya voulait qu’on mette à son crédit les réalisations d’Ahmadou Ahidjo, tout simplement parce qu’il était directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la culture en 1965 ! C’est en 2004/2005, après la retraite de Magic Mboma et le décès du regretté Marc-Vivien Foé que SEF devient un cadre de l’équipe. Et force est de constater, comme l’a si bien fait Roger Milla, que depuis ce temps là, Samuel Eto’o n’a rien apporté à l’équipe du Cameroun. Pas un titre, rien. Sa « prestation » contre le Japon, symptomatique, en est encore une fois une bonne illustration. Jugement sans appel de la Gazetta dello Sport : « Un slalom, un tir et le match d’Eto’o s’est arrêté là. Un flop. ». C’est sans ironie que l’on se pose la question de savoir si Aboubakar Vincent, seul joueur local à participer à l’épopée sud-africaine, n’aurait pas fait mieux, après tout.

Alors, à voir ce même individu se permettre d’intimer l’ordre à l’emblématique Roger Milla de « fermer sa gueule », en tapant sur la table et en agitant la menace de sa non-participation à la coupe du monde comme une piteuse tentative de chantage, l’on s’interroge. Il est donc à ce point convaincu de son indispensabilité ? Mais pour qui donc se prend-il ? Samuel Eto’o ne se pose-t-il pas la question de savoir comment Roger Milla, « le petit aigri » qui n’a pas gagné trois Champion’s Leagues, ni joué au FC Barcelone ou à l’Inter de Milan, ni bénéficié de pointures d’entraineurs comme Pep Guardiola ou Jose Mourinho, en arrive à être désigné « Meilleur Footballeur Africain du siècle » ?

Comment admettre qu’un Alexandre Song soit mis au banc, simplement parce qu’il a eu le courage de demander à Paul Le Guen de prendre ses responsabilités pour assainir l’atmosphère de la tanière ? Comment accepter qu’il ne soit pas au terrain parce qu’il subit la rancœur du latéral droit de l’Inter de Milan qui ne digère pas de voir Alexandre Song bénéficier d’une exposition médiatique planétaire grâce au juteux contrat de publicité que ce dernier a signé avec l’un des principaux sponsors de la coupe du Monde ? Comment espérer une mobilisation des Lions autour d’un capitaine qui, il y a à quinze jours, les insultait en mondovision, qui passe son temps à les menacer, à tenter de les dresser les uns contre les autres, à dire tout et son contraire ? Comment tolérer que le brassard soit porté par un personnage qui, il y a à peine deux semaines, menaçait de ne pas défendre le drapeau camerounais en Afrique du Sud parce qu’une voix autorisée avait osé critiquer son inaction sur le terrain et ses actions nuisibles dans le vestiaire des Lions?

Samuel Eto’o n’a pas changé. Mais à l’époque, il était canalisé par les tauliers de l’équipe. Les exégètes de la sélection nationale savent donc pourquoi l’une des premières actions d’Eto’o suite à la nomination de Paul Le Guen a été de tout faire pour n’être entouré que de joueurs sur lesquels il peut avoir un ascendant. Notre drame, c’est que l’individu qui nous sert d’entraineur a une seule tactique, une seule stratégie : exécuter les desideratas de Samuel Eto’o.

Techniquement, Paul Le Guen est médiocre, insipide, un encéphalogramme plat. Des experts le disent depuis belle lurette. Roger Milla, la sentinelle de « l’esprit Lion », a tiré la sonnette d’alarme en premier, suivi de Patrick Mboma, André Kana Biyik etc. Résultat des courses : Roger Milla a été banni de la tanière des Lions, Patrick Mboma, à qui l’on avait proposé d’accompagner les Lions en tant que « grand frère », n’a plus jamais entendu parler de cela et Kana a été désinvité illico presto des états généraux du football camerounais par le ministre. Michel Azriah, rédacteur de l’hebdomadaire politique français Marianne n’écrivait-il pas déjà en 2008 que « Paul le Guen est nul et plonge son équipe dans un interminable mouvement de régression ? » Maintenant que même ses collègues de Canal + (Pierre Menes, Christophe Dugarry) ont attesté de sa fadeur et de sa nuisance à la tête des Lions indomptables, peut-être pouvons-nous enfin espérer que l’on nous débarrasse rapidement de cet incompétent. Mais avant cela, il faudra quand même que quelqu’un lui demande des comptes sur les décisions managériales et techniques questionnables qu’il a mises en œuvre depuis sa prise de fonction en juillet 2009.

La destitution du capitaine Rigobert Song ; l’entêtement à faire évoluer nos joueurs ailleurs qu’à leurs postes naturels et de prédilection (Eto’o, Mandjeck, Mbia, Nkoulou) ; la titularisation de jeunes talents comme Matip, Choupo-Moting, Mbia sans leur assurer le back up de joueurs expérimentés rompus à ce genre de compétition; la décision de dispenser SEF de participer aux dix premiers jours du stage de préparation (alors que tous les autres joueurs ayant disputé la finale de la Champions League et retenus pour participer à la coupe du monde par leurs pays respectifs ont immédiatement rejoint leurs sélections), sous le fallacieux prétexte de lui accorder une semaine de repos, alors que le but de la manœuvre consistait à le libérer pour qu’il puisse se mettre à la disposition de ses sponsors; le stage de préparation à la Rambo IV où le paquet a été mis sur un entrainement ultra physique avec pour conséquence une fatigue des joueurs qui sortaient quasiment tous de championnats ; l’abracadabrantesque décision de mettre Alexandre Song au banc pour confier l’animation du milieu de terrain à un Makoun hors-sujet depuis la campagne de qualification ; son incapacité depuis 11 mois à dégager une équipe-type et à lui donner le temps de jouer ensemble pour développer des automatismes… tout ceci (et bien d’autres choses encore) est constitutif d’une faute lourde qui justifie sans difficulté la rupture unilatérale des chaines qui nous lient à Paul Le Guen.

Mais il n’est pas arrivé aux commandes de l’équipe tout seul. Un homme est allé le chercher. Le plus coupable de tous : Michel Zoah. Que dire à son sujet sans succomber à l’envie d’user d’un vocabulaire irrespectueux? Alors que le bateau « Lions indomptables » prend l’eau de toutes parts, ce monsieur ne trouve rien de mieux à faire que de se rendre au Portugal, pour menacer d’interdire aux joueurs l’usage de leurs téléphones portables parce qu’à Monaco, des informations sur les dissonances internes et ses « recommandations » quelque peu surprenantes avaient fuité. Il entérine également allégrement les dépenses somptuaires d’Alexandre Ribeiro, dont les locations d’avions privés immobilisés sur les tarmacs des aéroports pendant les séjours de l’équipe sont un exemple très caractéristique.

On savait que les ministres des Sports au Cameroun avaient tous l’exécrable habitude de se réincarner en « ministres des Lions indomptables ». L’actuel tenant du titre a refondé le genre. Avec lui, nous avons droit maintenant au « ministre d’un Lion indomptable ». Michel Zoah est le ministre de Samuel Eto’o. Son travail consiste à protéger son complice dans l’opération de destruction des Lions, même quand celui-ci se met dans les situations les plus inacceptables. Comment ce membre du gouvernement a pu prendre la défense de Samuel Eto’o suite aux propos vexatoires et insultants que celui-ci a eu à l’encontre de l’ambassadeur Roger Milla et du peuple camerounais demeure à ce jour un véritable mystère.

Dernière frasque en date : au lieu d’emmener les 23 Lions de 1990, véritables icônes du continent à l'exploit desquels l'Afrique doit les cinq places en Coupe du Monde dorénavant accordées à elle par la FIFA, le ministre a préféré remplir sa délégation officielle pour l’Afrique du Sud avec 20 danseurs du Ballet National ! Après les pasteurs, les cousines et les marabouts de la CAN, c’est le pompon !

Les solutions à cette situation qui semble inextricable ?

Dans l’immédiat, il est grand temps de mettre le holà aux dérives de ceux qui ont le destin de l’équipe nationale entre leurs mains et qui en font un usage si calamiteux. Le retrait du brassard de capitaine à Samuel Eto’o doit intervenir avant le match de samedi. Il n’est pas digne de le porter. En sus, il doit être mis au banc. Ses prestations lors des dernières sorties des Lions, son manque de préparation, son impact inexistant au terrain et négatif en coulisses exigent qu’on lui applique le même traitement que celui que lui a administré Jose Mourinho pendant 5 matchs, et qui a contribué à calmer sa star attitude et à rebooster son ardeur au travail. Le contrat avec Paul Le Guen doit être rompu avant la rencontre contre le Danemark, son accréditation retirée et l’ersatz électionneur doit être mis dans le premier avion en partance pour l’Hexagone. Jacques Songo’o peut parfaitement le remplacer au pied levé d’ici la fin de la compétition. Enfin, ordre doit être donné à Michel Zoah de rentrer immédiatement au Cameroun afin de s’expliquer sur les conditions d’embauche de Paul Le Guen et d’Alexandre Ribeiro, sur la réalité délétère de la tanière alors qu’il est de tous les déplacements des Lions, sur la composition des délégations officielles qu’il conduit, le manque de résultats, toutes choses qui devraient conduire au limogeage rapide de celui qui a, en un temps record, dépassé certains de ses tristement célèbres prédécesseurs en terme de médiocrité.

A moins brève échéance, il est indispensable de développer une stratégie à long terme. Ouverture de centres de formation, mise à niveau de ceux existants ; unification des programmes d’entrainement dans lesdites institutions etc. Pour cela, il n’est pas nécessaire de réinventer la roue : il suffit de s’inspirer de ce qui existe déjà aux Pays-Bas ou en Allemagne. Inéluctable également, le choix rapide d’un sélectionneur de haut niveau, au curriculum professionnel incontestable et aptitudes managériales avérées, dont les objectifs à l’embauche devront s’inscrire dans la durée (reconstruction de l’équipe, développement d’un style de jeu homogène, adapté, rigoureux et efficace, transfert de compétences), dont l’on ne se séparera pas avant l’issue de la Coupe du Monde au Brésil en 2014. Il semble évident que la Fédération camerounaise de football et le Président de la République ont des difficultés à trouver les personnes idoines. Nous pouvons les aider à mettre en place un comité d’évaluation qui se chargera de leur fournir une liste des profils les plus professionnels, engagés et intègres, aptes à prétendre aux diverses fonctions essentielles qui seront, inch’Allah, bientôt à pourvoir : ministre des Sports, sélectionneur, coordonnateur sportif ou encore capitaine des Lions indomptables.
Il ne sert à rien de faire de son mieux, il faut juste réussir à faire ce qui est nécessaire.

Jacques Zanga
Expert en management des Ressources Humaines
jacqueszanga@gmail.com



25/06/2010
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