Et si Paul Biya quittait le pouvoir d'ici 2014!

Et si Paul Biya quittait le pouvoir d'ici 2014!

Cameroun : Et si Paul Biya quittait le pouvoir d'ici 2014!En s’offrant un autre bail à la tête de l’État, sous le regard à la fois atterré et  attendri  de la communauté internationale, Paul Biya sait qu’il est surveillé et ne manque plus d’occasion pour afficher sa détermination à laisser des traces positives pour la postérité. Le temps lui est désormais compté. Le rendez-vous pris avec l’histoire l’oblige à sortir du bois à la manière d’un avant-centre combatif qui entend contenir l’adversaire dans ses cinq mètres cinquante.

Une manière de garder et l’initiative des réussites  et la main haute sur la partie qui se joue très serrée. Mais sept années suffiront-elles? Admettons que par extraordinaire, en déployant l’énergie du désespoir, il s’implique résolument à redresser le Cameroun sinistré et  déstructuré par un laisser-faire éhonté. Ce ne serait pas une mince affaire. Il faudrait à tout prix dans l’urgence éviter de confondre précipitation et vitesse, surtout à un âge peu enclin à permettre des libertés avec des débauches d’énergie.

Pour reprendre une expression bien camerounaise, l’acteur risque de mourir dans son propre film. Pour que cela n’arrive pas il faudrait, comme on dit dans le sport de haute compétition, transformer l’essai du passage en force de la dernière élection, en renonçant à la gouvernance d’affichage, devenu au fil du temps sa marque de fabrique. Surtout qu’il faut se rendre à l’évidence  que des précautions ont été suffisamment prises pour institutionnaliser son irresponsabilité face à son bilan médiocre pendant son long et interminable règne.

De la sorte, le  grand chantier à lancer à partir de janvier  tel qu’annoncé doit éloigner des grandes endémies et grandes sécheresses de robinet  ou d’intempestifs délestages d’énergie électrique, générateur de choléra et d’obscurité, n’en déplaise au porte-parole du gouvernement. Les prochaines échéances électorales sont décisives à plus d’un titre.

Sortir les camerounais de la torpeur et de la lassitude afin de prendre en main leur quotidien qui leur échappe du fait de leurs choix antérieurs. Telle semble être la ligne de démarcation à franchir pour s’approprier l’avenir du Cameroun.

Mais, Paul Biya est-il encore capable d’agir?

Et même s’il le voulait, son état de santé et sa condition physique le permettent-ils? Il reste à espérer qu’il laisse le Cameroun en paix comme il l’avait reçu au moment où des informations récurrentes et inquiétantes affirment qu’il a encore au plus 2 années au pouvoir.

A 80 printemps sonné, Paul Biya prend visiblement la posture du laboureur et ses enfants de Jean de La Fontaine, qui sentant sa mort prochaine fit venir ses enfants et leur parla sans témoin. Mais, les Camerounais se demandent si leur pays est (ou sera laissé) entre de bonnes mains !

Dans un ouvrage qui avait fait sensation à la fin des années 70, « Ces malades qui nous gouvernent », Dr Pierre Rentchnick et Pierre Accoce analysaient dans les détails les pathologies qui ont miné la vie des grands dirigeants contemporains. Franklin Roosevelt était malade à Yalta.

Mais on ignorait que sa tension artérielle atteignait alors trente à son maximum, troublant sa lucidité dans la négociation capitale qu’il engageait avec Staline sur le partage du monde.
Personne n’avait révélé que le président John F. Kennedy passait la moitié de ses journées alité, atteint d’une grave maladie des glandes surrénales, à l’époque même où Khrouchtchev installait les fusées soviétiques à Cuba.

D’autres grands de ce monde ont souffert de graves problèmes de santé durant l’exercice de leurs fonctions comme le chinois Mao Tse Tung, le Russe Léonid Brejnev, le pape Pie XII.
Quel Français, enfin, pourrait oublier le calvaire des derniers mois de Georges Pompidou ou de François Mitterrand ?

Des dirigeants moins importants, mais qui ont marqué le siècle dernier par la longévité de leur présence, comme le portugais Antonio Salazar ou l’espagnol Francisco Franco, ont connu des déboires de santé qui ont marqué l’histoire de leur pays.

En 1991, Dr Pierre Rentchnick et Pierre Accoce lançaient un nouvel opus dans lequel étaient mises à nu les maladies dont souffraient les dirigeants des États moins importants : l’Ayatollah iranien Khomeiny, le guide de la révolution libyenne Mouammar Kadhafi, le dictateur roumain Nicolae Ceausescu, l’algérien Houari Boumediene, l’Israélienne Golda Meyer ou le Guinéen Sékou Touré, le Palestinien Yasser Arafat, l’Ivoirien Houphouët Boigny et récemment, le Bissau Guinéen Malam Bacai Sanha.

Tous ces dirigeants politiques ont subi des malaises pathologiques qui ont eu des répercussions plus ou moins grandes sur la marche du monde ou du moins sur la marche de leur pays et/ou des pays voisins.

Il se trouve que le Cameroun et son leadership n’échappent pas à cette réalité.

En effet, à son arrivée à Nsimalen vendredi 17 mars 2006 en provenance de Bata où il a pris part au 7e Sommet de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac), Paul Biya, chef de l’État camerounais, a confié à la Crtv sa version des faits sur le malaise dont il a été victime à Bata en ces termes : « Dans la nuit du 14 au 15, a confié le chef de l’État, j’ai eu une gastro-entérite grave. De sorte que je n’ai pas pu assister à la clôture. Mais j’ai été pris en mains par l’équipe des médecins chinois du président Obiang Nguema, et puis par notre propre équipe. Je crois que nous sommes pleinement rétablis. Je voudrais que de ce point de vue, vous n’ayez aucun doute. »

Mais les doutes sur sa santé ont tout de même persisté, car, après avoir pris part au Sommet de la Francophonie, le chef de l’État camerounais a officiellement dit au revoir aux autorités suisses le 25 octobre 2010. Annoncé pour présider la finale de la Coupe du Cameroun, le président Biya a répondu aux abonnés absents. Le président de la République n’a finalement pas présidé, comme annoncé dans divers communiqués officiels, dont celui du ministre de la Communication (Mincom), Issa Tchiroma Bakary, la finale de la 51e de la Coupe du Cameroun. Et pourtant, la clôture de la saison sportive au Cameroun a été retardée pour cause du calendrier surchargé du président de la République.

Mais après cet incident, Paul Biya était de retour au Cameroun et d’aucuns ont tôt fait d’y voir « Encore une rumeur sur Paul Biya en Suisse. » Dans un geste d’offuscation, ils se sont exclamés en disant : « Vous en avez fini de lui souhaiter la mort en 2004 ? Las d’attendre ses funérailles qu’il vous a promises dans 20 ans, vous en êtes à anticiper sur sa grave maladie, pour épiloguer sur la vacance de pouvoir à Yaoundé… »

Malheureusement pour cette catégorie de citoyens camerounais, la santé du président de la République est affaire d’État. Il s’en suit que la presse est tenue de s’en occuper et de s’en soucier. L’enjeu n’étant rien d’autre que la dévolution du pouvoir suprême au sein de ladite République. Le président, vieillissant, connu pour ses absences répétées de la scène politique nationale et pour ses « courts séjours privés » en Europe ira-t-il au bout de ce sixième mandat ?

Ce sujet sans doute le plus tabou du pays est particulièrement prisé des Camerounais à l’heure des débats politiques. On se souvient encore de la fuite controversée attribuée par l’un des télégrammes de WikiLeaks à l’ex puissant ministre de la Justice sur la succession de Paul Biya, vue sous le prisme « ethnique et régional ». Amadou Ali aurait ainsi affirmé en mars 2009 à l’ambassadrice américaine que le successeur du président Biya (de l’ethnie bulu) ne saurait être de la même ethnie ni de l’ethnie bamiléké (dans l’ouest du pays), très puissante sur le plan économique.

Des confidences qui font resurgir sur le devant de la scène le délicat débat ethnique sur l’après-Biya et la règle non écrite qui voudrait que le pouvoir repose sur un accord tacite entre les peuples du nord d’un côté et les Bulu-Betis du Sud de l’autre.

Restent alors le Cameroun et les Camerounais. Pour eux, le septennat qui s’ouvre et qui s’achèvera en 2018 (Biya aura alors 85 ans) s’apparente à la fois à un éternel recommencement et à un saut dans l’inconnu. Paul Biya ira-t-il jusqu’au bout de son mandat et, dans le cas contraire, quel dauphin ce président qui en a épuisé tant, et n’en a au fond jamais toléré, sortira-t-il de sa manche?

Que se passerait-il si demain l’homme qui les dirige depuis près de trois décennies venait à disparaître? Ces questions hier taboues, tous les Camerounais se les posent désormais légitimement. L’intéressé, lui, est muet sur ce point, au risque d’alimenter les angoisses et les fantasmes.

Nous apprenons cependant des câbles de WikiLeaks que le président aurait confié à l’ambassadeur Garvey que « Les batailles internes empêchent le bon fonctionnement du gouvernement ». Biya a d’ailleurs rappelé ce jour-là au diplomate américain les dispositions que prévoit la Constitution en cas de vacance de pouvoir. À savoir que le président de l’Assemblée nationale assure la transition jusqu’à l’organisation des élections 40 jours plus tard. « [Ce qui] est intenable et pourrait susciter une intervention militaire », a-t-il fait savoir à Garvey.

Celle-ci précise que pour autant que « Biya n’a pu décrire le vice-président de la République comme son successeur évident ou comme le candidat du parti [Rassemblement démocratique du peuple camerounais, Ndlr] en 2011 ». Mais il estime la création d’un poste de vice-président comme étant un changement « plus significatif » que la non-limitation du mandat présidentiel. Mais cela est-il encore à l’ordre du jour ?

© germinalnewspaper.com : Jean-Bosco Talla et Maheu


23/01/2012
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