Equilibre Régional : Un machin pour tuer le mérite

 

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Sous nos cieux, les nominations obéissent à un réalisme étrange : le partage du gâteau national. Ailleurs, seul le mérite compte.

 

Si le Cameroun veut devenir émergent à l’horizon 2035 tel que prévu dans son document - guide conçu par le gouvernement de la République, il aura véritablement besoin de la compétence de tous ses fils. Certes vrai, le pays de Paul Biya est un cas sui generis. Peuplé de plus de 200 ethnies, sa gestion nécessite beaucoup de doigté pour maintenir son équilibre. C’est ainsi que le tout premier président, Ahmadou Ahidjo avait développé et appliqué ce qu’il est convenu d’appeler la politique de l’équilibre régional. Elle consiste à impliquer toutes les ethnies à la gestion des affaires publiques.

 

Au moment où Ahidjo l’instaure dans les années 60, le niveau de scolarisation est surtout élevé dans la région du Centre-Sud et dans le Littoral, en raison d’une plus forte pénétration européenne et de la proximité de Yaoundé et Douala. Cette façon de voir et de faire, si elle contribue à atténuer les mécontentements, freine cependant le développement du pays par le simple fait que l’homme qu’il faut n’est pas toujours à la place qu’il faut. Pour trouver les origines lointaines et les raisons de cette discrimination sélective, il faut remonter à l’époque coloniale au Cameroun, quand un certain Jean Lamberton, colonel et administrateur français, fait une déclaration qui aura des conséquences fâcheuses pour les populations du Cameroun : « Le Cameroun s’engage sur le chemin de l’indépendance avec dans sa chaussure un caillou bien gênant. Ce caillou, c’est la présence d’une minorité ethnique, les  Bamiléké en proie à des convulsions dont ni l’origine ni les causes ne sont claires pour personne».

 

Cette remarque de Lamberton a coûté, entre 1958 et 1972, l’assassinat d’au moins 15% de la population camerounaise, c’est-à-dire 500 000 personnes d’origine bamiléké et bassa, et ce à une époque où le Cameroun ne comptait que 3 500 000 âmes. Il apparaîtra ensuite au Cameroun le système des quotas. Les différents gouvernements d’Ahmadou Ahidjo et de Paul Biya se sont accrochés à ce système. L’application de cette pratique, qui est devenue, selon certains acteurs de la société civile, l’expression d’une haine viscérale entretenue par le pouvoir politique contre des ethnies, a des conséquences désastreuses sur le développement du Cameroun. On parle de la médiocrité dans diverses administrations et sociétés d’Etat (Administration, Magistrature, Armée, Police, Enseignement, etc.) ; de la disparition du principe de la saine compétitivité et du mérite au détriment d’une discrimination qui laisse passer les paresseux et les tricheurs, ce qui a favorisé de nos jours l’émergence des frustrations qui feront inévitablement l’effet d’une bombe.

 

A qui profite ce crime ?

 

Certainement pas au Cameroun. C’est une communauté camerounaise homogène et unie, où l’éducation et l’excellence seront les leviers de l’émancipation et du progrès social, qui pourra porter le flambeau d’un Cameroun fort. Il faut dire que le déséquilibre causé par la sous-scolarisation de certaines régions n’a pas encore été résorbé. Pour le compenser au nom du fameux équilibre régional, l’on est contraint à nommer des «cadres» mal formés ou pas du tout formés à des postes de responsabilités.

Au total, l’on observe un faible rendement et des résultats pas toujours atteints. Qui plus est, dans un pays multiethnique comme le nôtre, il serait fastidieux de faire jouer à fond la carte de la compétence ou encore celle du mérite, pourtant, seul gage de réussite. Parfois l’on a peur de se retrouver avec une minorité parce qu’on aurait suscité des mécontentements et des grincements de dents. Les Lions Indomptables, équipe fanion de football du Cameroun, en sont la parfaite illustration malgré la noria des contreperformances du moment. Il nous souvient que la nomination de François Omam Biyick et Jacques Céleste Songo’o comme entraineurs adjoints de l’équipe nationale et la confirmation de Samuel Eto’o Fils comme capitaine (ils appartiennent à une même sphère ethnique) avait, en son temps, été mal appréciée par certains au point où de mauvaises langues avaient tôt fait d’anathématiser l’alors ministre des Sports arguant de ce qu’il avait remis l’équipe nationale aux Bassa. Une balourdise.

 

Chez nous malheureusement, au lieu de capitaliser ces atouts, certaines personnes les utilisent plutôt comme l’arme de la division. La voix la plus autorisée du Cameroun, a souvent, dans ses adresses à la nation, mis l’accent sur le renforcement de l’intégration nationale. Cela est loin d’être un acquis. Tant s’en faut. En introduisant dans la loi fondamentale les concepts d’autochtones et d’allogènes, le législateur a démontré à suffire que le Cameroun n’était pas du tout un et indivisible. Toute chose qui constitue une chape de plomb à l’intégration nationale. Et qui pis est, chaque fois qu’un individu est nommé à un poste de responsabilité, personne ne cherche à savoir ce qu’il peut apporter à l’édification de la maison Cameroun. Ce qui passe en premier, c’est de connaitre sa tribu et s’il aurait des affinités avec la personne qui l’a nommé. Entre temps, le pays continue sa course folle vers l’abîme. Pour sauver les meubles, un choix s’impose entre le mérite et ce vaseux concept.

 

© La Nouvelle Vision : Guy Parfait Ohana


24/08/2015
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