Entre tentative d’ingérence et tentations nostalgiques de la France, Le Cameroun résiste

YAOUNDE - 30 NOV. 2012
© ERIC ESSONO TSIMI | Correspondance

François Zimmeray, un haut responsable du Quai d’Orsay (le Ministère français des Affaires étrangères), était au Cameroun où, le 27 septembre dernier, il a voulu s’octroyer les compétences d’un contrôleur général des prisons. Le gouvernement camerounais a su tempérer les prétentions de ce fonctionnaire au titre si solennel d’« ambassadeur des droits de l’homme »…

Si, en 1979, le philosophe Jean-François Revel a inventé la notion d’ «ingérence humanitaire », c’est sans doute Bernard Kouchner (fondateur de Médecins Sans frontière et ancien ministre français) qui l’a popularisée. C’est donc que la France n’a pas attendu les bombardements du palais présidentiel ivoirien ou l’exécution de Mouammar Kadhafi pour se croire le destin de marcher sur les plates-bandes d’autres nations souveraines.

La France a toujours cru au caractère universaliste de la révolution française. Et même si les Africains en ont profité à plus d’un titre, ce qui nous reste à tous en travers de la gorge, c’est le cynisme des dirigeants français successifs. La France en tant que société est souvent jugée individualiste, en tant qu’Etat, on la trouve égoïste. Il est juste et bon que leurs intérêts nationaux aient toujours guidé ces dirigeants, il reste scandaleux que ces intérêts aient écrasé les droits économiques minimaux des colonies ainsi spoliées.

La France a été mise en cause par la Suisse pour l’empoisonnement de Félix MOUMIE. De même sa responsabilité a-t-elle été établie dans la répression brutale souvent imputée au président Ahidjo : village rasé, prisonniers exécutés, utilisation de la torture, bombardement au Napalm. Contrairement à l’Algérie ou l’Indochine, on n’aura jamais droit à une reconnaissance officielle de tous les crimes de la colonisation, et par suite aucune « allocation de reconnaissance » ne peut être entrevue par les victimes de ces abus historiques.

« Pauvre Afrique, hier on lui imposait ses dictateurs, aujourd’hui, on lui choisit ses démocrates !» Ces mots désespérés de l’écrivain guinéen Tierno Monénembo résume l’impopularité grandissante (ou du moins constante) de la France dans ses anciennes colonies. Hier, la France avait une mission civilisatrice, aujourd’hui elle a une mission humanitaire, ces oripeaux conceptuels ont l’air d’utopie naïve mais ne sont rien moins que de puissants outils de la realpolitik française.

La justice, dont l’administration pénitentiaire n’est qu’une annexe, est l'un des prés carrés de la souveraineté de tout Etat, fût-il fantoche ou…observateur ! Si une campagne d’opinion ou de lobbyisme en est arrivée à faire dévier François Zimmeray de la légalité internationale, lequel a essayé de s’introduire dans les prisons camerounaises, c’est en raison de ce que la France semble naturellement disposée à outrepasser ses droits pour violer ceux des nations souveraines. Cet interventionnisme se voit dans le traitement qu’elle fait de la guerre civile syrienne et dans le parti pris des médias français quant à l’affaire des Pussy Riots qui fait actuellement grand bruit alors que, pas loin, Julian Assange est pourchassé pour avoir rendu le monde moins ignorant de ce que l’Amérique disait dans son dos.


Sortir de la confrontation et du déni

Au-delà de la polémique, il y a une question qui émerge, celle de savoir lesquels des détenus, dans le cadre de l’opération épervier, ont jamais sollicité la « grâce » du Chef de l’Etat. Dans une affaire aussi politisée que celle-ci, si de telles procédures ont eu lieu, elles doivent être médiatisées et le Chef de l’Etat camerounais gagnerait à exercer le pouvoir que lui reconnaît notre droit de dispenser les recourants de leur peine. La grâce, comme l’amnistie, peut dispenser de la peine, mais contrairement à cette dernière, elle n’en efface pas le souvenir (dans le casier judiciaire notamment). C’est une porte de sortie de « crise » appropriée pour le Cameroun.

Il faut les laisser payer ce que la justice les a condamnés à payer, inciter leurs avocats à introduire des recours en grâce et les libérer, non pas parce que la France parasite le cours de notre justice, mais parce que cela écorne inutilement l’image du Cameroun et créé un « préjudice d’anxiété » au sein des membres du Gouvernement. Et des détenus qui bénéficient d’une grâce sont peut-être en liberté, mais aux yeux de la justice restent des coupables. L’hypothèse d’une déstabilisation du gouvernement en place du fait d’un tel élargissement est donc farfelue. Pardon… ! Que Thierry Michel Atangana demande pardon !

ERIC ESSONO TSIMI


01/12/2012
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