Entourage présidentiel et conséquences pour le Cameroun

YAOUNDE - NOVEMBRE 2009
© Pauline BIYONG | La Cité
Dans cette bataille feutrée au sommet de la République et de l’Etat, la victime, au même titre que lorsque des éléphants se battent les herbes en pâtissent, c’est, tout naturellement, "le peuple, c’est-à-dire, les couches populaires de la population, les petites gens, les gagne-petit, en un mot, la plèbe... "
Dieu est bon, les Anges sont mauvais»: telle est la thèse que défendent généralement d’innombrables Camerounais qui se sont convaincus du fait que, tôt ou tard (même si c’est tard qui est en train de prendre véritablement le dessus), leur talent et leur compétence finiront par être reconnus et récompensés par Paul Biya. Alors, ce dernier ne manquera pas de faire, enfin, appel à eux. C’est pourquoi ils affirment, avec le plus grand sérieux du monde : « Paul Biya est mal entouré », où encore, « on trompe le président ». Entendez, ceux qui sont là, en ce moment, et exercent de hautes fonctions dans la République, ne nous valent pas. C’est une bande de nuls.


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Photo: © Archives


Les plus ingénieux affirment: « Paul Biya fait confiance à des individus qui le trahissent, systématiquement, ne pensent qu’à s’enrichir, au détriment du pays ». D’autres déclarent, avec le plus grand sérieux du monde : « le pauvre ne sait plus où donner de la tête, tellement les Camerounais l’ont déçu ».

Malgré tout, quelle que soit l’opinion que l’on peut se faire au sujet de ces déclarations, on ne peut, non plus, passer sous silence la réalité des fameux « collaborateurs » du président de la République. Tous ne sont guère, loin s’en faut, des hommes vertueux, évidemment, ou corrompus. Mais, intéressons-nous à ceux qui sont peu scrupuleux de la fortune publique. Ceux-ci ont l’habitude de répondre, lorsque l’on se retrouve estomaqué par la rapidité et l’immensité de leur richesse par cette formule désopilante : « ce sont les avantages de service ». Entendez, « placez là où je me trouve, je n’ai guère besoin de détourner le moindre centime de l’Etat, je jouis de très nombreux privilèges d’ordre financier ».

Cet argument, il va sans dire, ne convainc pas grand monde. Il est, comme on dit, trop facile. Il noie véritablement le poisson. Les choses ne sont pas aussi limpides que ces personnages les présentent. En vérité, les reproches qu’adressent les Camerounais aux collaborateurs du président de la République et hauts fonctionnaires de la République, ne sont nullement dénués de fondements.


MONSIEUR EST MINISTRE: MADAME RAFFLE TOUS LES MARCHES

C’est connu, aussitôt qu’un décret présidentiel fait d’un individu un membre du gouvernement ou un directeur général d’une société d’Etat, Madame son épouse devient, ipso facto, le fournisseur numéro un de cette administration. Elle s’accapare de tous les marchés : fournitures de bureaux, réfection des locaux, livraisons diverses. Bien mieux, elle se lance dans une surfacturation effrénée, avec, naturellement, la bénédiction de son ministre d’époux. Elle livre les automobiles du ministère ou de la société d’Etat, en lieu et place des concessionnaires connus de tous, et qui se trouvent dans la ville. Elle livre jusqu’aux billets d’avions du personnel du ministère envoyé en missions aux quatre coins de la terre. Aussitôt que Madame est entrée en activité autour des marchés du ministère ou de la société d’Etat, M. le ministre entame rapidement la construction d’une somptueuse résidence quelque part dans la ville de Yaoundé, et en construit également une seconde dans son village natal. Parfois même, Madame est si exigeante qu’il se retrouve obligé d’en construire une troisième dans le village natal de celle-ci, pour « la belle famille ». C’est dans celle-ci que couchera M. le Ministre lorsqu’il viendra combler de cadeaux ses beaux-parents. En tout cas, une fois membre du gouvernement ou DG, sa préoccupation principale ne sera plus du tout celle de servir, scrupuleusement, l’Etat, mais, plutôt, de « ne pas avoir à regretter un jour, car Dieu ne regarde une personne, de cette manière, qu’une seule fois ». En conséquence, il se met à vivre avec en esprit l’obsession d’une chute de son niveau de vie une fois hors du pouvoir, c’est-à-dire lorsqu’il ne sera plus ministre.


CONSPIRER CONTRE PAUL BIYA


Mais, cette obsession est généralement si forte qu’elle aboutit, assez souvent, au désir de parvenir, carrément, au sommet de l’Etat. Etre vizir à la place du vizir, calife à la place du calife. Après tout, qu’a-t-il fait d’extraordinaire ? N’était-il pas un haut fonctionnaire ainsi que nous le sommes actuellement, un collaborateur du chef de l’Etat, comme nous, un collaborateur d’Ahmadou Ahidjo ainsi que nous sommes ceux de Paul Biya, c’est-à-dire lui ? Donc, il n’a rien fait d’extraordinaire. Il a été secrétaire général de la Présidence de la République. Certains d’entre nous l’ont également déjà été.

Il n’a guère été élu, il a simplement été nommé, on devrait même dire, affecté, par Ahmadou Ahidjo, à la magistrature suprême. Donc, nous aussi, nous pouvons nous y retrouver. Il n’a pas fait de magie, voilà la vérité. Ces pensées qui germent bien vite dans l’esprit des collaborateurs du chef de l’Etat camerounais, sont, pour leur malheur, détectées, par avance, par ce dernier. Alors, il s’atèle à ridiculiser et à humilier systématiquement ses « proches collaborateurs », pour bien leur faire comprendre que prendre sa place n’est pas si simple qu’ils le pensent. Il est, pour sa part, convaincu que le pouvoir vient de Dieu, et que, en conséquence, les gris-gris n’y peuvent rien. Inutile d’entretenir un village entier de pygmées ou de se baigner, à minuit, lors des nuits de pleine lune, dans l’océan à Kribi. Zéro faute, ça ne donnera rien. Mais, comme ces messieurs si proches du demi-Dieu qu’est Paul Biya rêvent de se voir passer des troupes militaires en revue au son de musique de la garde républicaine, et que ce dernier les observe à la loupe, scrute leur comportement, on se retrouve, de ce fait, face à une lutte sourde entre Paul Biya et ces individus qu’il a fabriqués, c’est-à-dire, créé, politiquement, enrichis, bref, fait rois. Résultat, Paul Biya et ses « proches collaborateurs » d’un temps, prennent systématiquement, depuis des années, le peuple en otage.

Des trésors de guerre se constituent, des réseaux voient le jour, que ce soit sur le plan national comme international, etc. Ici, on finance des associations tribales, des journaux pour noircir des concurrents identifiés, là on s’installe dans des hôtels à Paris, pour « accorder des audiences » à des « investisseurs » qui, jamais, ne viennent investir au Cameroun, mais, on continue malgré tout, on s’atèle à se faire prendre en photos avec des « homologues » étrangers, quitte à se couvrir de ridicule par une cour assidue destinée à arracher une entrevue.


MODERNITE, PROGRES, GRANDES AMBITIONS, AU DIABLE

Dans cette bataille feutrée au sommet de la République et de l’Etat, la victime, au même titre que lorsque des éléphants se battent les herbes en pâtissent, c’est, tout naturellement, le peuple, c’est-à-dire, les couches populaires de la population, les petites gens, les gagne-petit, en un mot, la plèbe. Ainsi, les années passent, passent, passent, et nul ne voit le développement qui
se trouve sur les lèvres de ces protagonistes, poindre à l’horizon.

Il demeure virtuel. Les slogans se succèdent, les uns plus extravagants que les autres, mais, toujours rien à l’horizon. « Bout du tunnel », « modernité », « grandes ambitions », etc. Simple bla-bla-bla.

Personne ne s’estime dans l’obligation de les traduire dans les faits. Celui qui les produit, le fait pour mystifier la population. Ceux qui doivent les exécuter, les sabotent pour faire échouer leur géniteur. Pauvre Cameroun…


13/11/2009
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