Enfermement: Pas de cinquième lettre, pas de procès. Marafa est-il toujours en vie?

DOUALA - 28 Juin 2012
© Edouard KINGUE | Le Messager

Après sa quatrième lettre qui a mis le gouvernement sens dessus-dessous, sa cinquième lettre est attendue avec impatience. L'opinion publique s'impatiente et se pose des questions. Où est Marafa Hamidou Yaya?

Après sa quatrième lettre qui a mis le gouvernement sens dessus-dessous, sa cinquième lettre est attendue avec impatience. Ses avocats disent ne rien savoir sur la suite donnée à son incarcération. Pas de visite, pas de procès, depuis son transfèrement, Marafa Hamidou Yaya ne donne plus signe de vie. L'opinion publique s'impatiente et se pose des questions. Où est Marafa Hamidou Yaya?

Comme Nelson Mandela sortant de prison pour devenir président de l'Afrique du Sud, ou l'opposant guinéen Alpha Condé plusieurs fois détenu sans jugement et aujourd'hui à la tête du pays de Sékou Touré, «la prison c'est l'anti chambre de la gloire» disait le général De Gaulle qui aurait pu ajouter: «à condition d'en sortir vivant». Marafa Hamidou Yaya sortira t-il un jour vivant du Secrétariat d'Etat à la Défense (Sed)? Y est-il toujours? Telles sont les questions que les observateurs se posent, au regard de son silence après la quatrième lettre mais surtout en attendant la 5è lettre qui est demandée avec insistance par l'opinion publique. Par dessus tout, on se pose une question angoissante: Marafa est-il toujours en vie?

Transféré au Sed le 25 mai 2012, au lendemain de la sortie de la 4è lettre, le «prisonnier du président» comme on l'appelle n'a plus fait signe de vie sur le plan éditorial. Juste peut-on se souvenir d'un article de presse relatant ses démêlées avec le juge Pascal Magnanguemabe dans une des cellules du Sed. Après, plus rien! Les nouvelles sont plutôt inquiétantes. La rumeur susurre qu'il aurait été placé dans une chambre d'isolement, et que personne n'aurait le droit de le voir, à l'exception de son avocat.

Marafa est-il toujours vivant? Dans un titre fort évocateur, l'écrivain Patrice Nganang écrit: «on m'a interdit de voir Marafa». Selon l'écrivain, «Pourtant dans les faits, rencontrer Marafa aura été un parcours du combattant aux portes des personnes que les réalités de la politique camerounaise me conseillent de ne pas nommer. J'ai vu des grincements de dents toutes les fois où à la question: que voulez-vous?, j'ai toujours simplement répondu: je voudrais rencontrer Marafa. C'est un ami qui m'a conseillé à un moment d'alléger la tâche à tel officiel, et de lui suggérer que je voulais rencontrer Abah-Abah, Fotso et Marafa, les trois prisonniers du Sed. Listé ainsi de manière alphabétique, le nom de l'homme que je voulais rencontrer ne lèverait plus les équivoques, ni d'ailleurs le refus poli que j'avais rencontré jusque là. C'est que ceux qui me fermaient les portes ne me disaient pas «non», loin de là. Je me suis rendu compte que beaucoup de Camerounais, ni de journalistes d'ailleurs, n'avaient pas essayé de rencontrer Marafa. Ma demande leur apparaissait plutôt saugrenue, mais cela ne me surprend plus, le reflexe plutôt camerounais voulant que quiconque est emprisonné est mort à moitié et enterré à un tiers». Marafa vit-il toujours?


Permis de communiquer

Pourquoi n'arrive-t-on pas à le voir? «Je me souviens cependant du jeune gendarme de la guérite du Sed qui, ramassant l'arrogance de son arme, me demanda ce que je voulais. Je voudrais rencontrer Marafa. Son regard s'interdit aussitôt, comme devant la réalisation que sans doute je n'étais pas n'importe qui, avant de me toiser. Il vous faut une demande de permis de communiquer. Celle-ci évidemment s'obtient au tribunal de première instance de Yaoundé, me conseilla ma collaboratrice». Au tribunal, après moult péripéties, la démarche de Patrice Nganang n'a pas non plus prospéré. Le dialogue avec le juge Magnanguemabe ne fit pas long feu: «Que voulez vous?», coupa-t-il. Rencontrer Monsieur Marafa Hamidou Yaya. «Il sembla ne m'avoir pas bien entendu. Que voulez-vous?» Je me répétais. Il y a une arrogance particulièrement camerounaise qui transparait encore plus dans le parvenu. A ce moment, le juge m'apparut comme cela que je n'aurai pas souhaité qu'il soit: un parvenu. Son regard qui déshabille, sa moustache clone de Paul Biya, ses vêtements haoussa, les nombreux dossiers empilés sur sa table à le faire disparaître dans la paperasse jaunie, le son de la Crtv à mes côtés, le tout contribua à le rendre moins effrayant que ridicule. Qui êtes-vous? Un écrivain. Vous voulez quoi? Rencontrer Marafa. Pourquoi? Pour m'entretenir avec lui. Je lui tendis la demande de permis de communiquer. Il ne la regarda pas. Allez voir son avocat. Et voilà, son regard se perdit dans ses dossiers». La conclusion de l'écrivain est sans appel: «c'est à cause de lui que finalement, je n'ai pas pu rencontrer Marafa, même si en contrepartie, j'ai été à Guantanamo». Mais ou est donc passé Marafa? S'il est vivant, pourquoi est-il interdit de visite?


Célèbre détenu

Depuis son transfèrement manu militari au Sed, Marafa Hamidou Yaya ne bénéficie d'aucune des dispositions ci-contre (Voir Focal). On signale qu'il «n'a même pas le droit de recevoir la visite de son avocat».Interpellé et incarcéré le 16 avril dernier à la prison centrale de Kondengui, Marafa avait prévenu dans sa première lettre. S'adressant au président de la République; «permettez moi de vous assurer, que du fond de mon cachot; je n'ai ni haine, ni regrets, et que je ne nourris ni mélancolie, ni amertume. Surtout je n'ai aucune pulsion suicidaire. S'il m'arrivait quelque chose par inadvertance, ce ne serait ni de mon fait, ni du fait des repas que je me fais livrer par ma famille. Bien que n'ayant pas particulièrement peur de la mort, j'aimerais que si cette fâcheuse éventualité survenait, les responsabilités soient établies.» cf. Le Messager n° 3584 du 02 mai 2012.

Commencera alors pour l'ex Minatd, non seulement une intense activité épistolaire avec quatre lettres ouvertes, mais aussi le chemin de croix vers l'embastillement et l'isolement. Dans sa dernière sortie éditoriale, Marafa donne sa version des faits sur les tripatouillages d'Issa Tchiroma et de Foumane Akame, tous proches du président, dans l'affaire des 32 milliards FCFA consécutifs au crash du Nyong. C'en était trop. Le 25 mai dernier, l'ancien ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation est transféré dans une cellule du Secrétariat d'Etat à la Défense (Sed) dans des conditions jugées rocambolesques. Depuis, le célèbre détenu du Sed n'a plus donné signe de vie...Ou est MHY?


Ce que prévoit la loi...

En ce qui concerne la détention provisoire, le Code de procédure pénale stipule dans son article 238

«(1) En cas de détention provisoire, les conjoints, ascendants, descendants, collatéraux, alliés et amis de l'inculpé ont un droit de visite qui s'exerce suivant les horaires fixés par l'administration pénitentiaire, sur avis conforme du procureur de la République.

(2) Un permis permanent de visite peut être délivré aux personnes énumérées ci-dessus par le juge d'Instruction qui peut, à tout moment, le retirer. Il cesse d'être valable à la clôture de l'information.

Article 239

L'inculpé détenu peut, sauf prescriptions contraires du juge d'instruction, correspondre sans restriction avec toute personne de son choix.

Ces correspondances sont soumises à la lecture du régisseur de la prison.

Article 240

Les visites d'un conseil à son client détenu ne peuvent avoir lieu qu'entre six (6) heures et dix-huit (18) heures.

Toute visite en dehors des heures spécifiées à l'alinéa (1) est subordonnée à l'autorisation écrite du Juge d'Instruction»




28/06/2012
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