En partance pour Bamako. Ouattara refoulé par les Maliens

En partance pour Bamako. Ouattara refoulé par les Maliens

Les chefs d’Etat de la Cedeao qui se rendaient jeudi au Mali ont essuyé hier la colère des populations qui ont tout simplement envahi le tarmac de l’aéroport de Bamako. La partie a tourné à l’humiliation pour Alassane Ouattara qui a dû sortir un joker pour sauver la face. Retour sur un ballet aérien sous-régional.

Le nouveau courrier

Les chefs d’Etat de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) qui se rendaient hier au Mali pour sommer la junte de se retirer du pouvoir ont dû rebrousser chemin. Ils se sont finalement donné rendez-vous à l’aéroport Félix Houphouët Boigny d’Abidjan, après que l’avion transportant le chef de l’Etat ivoirien, qui avait pénétré l’espace aérien malien, a été refoulé.

Selon des témoins présents à Bamako, l’avion du président en exercice de la Cedeao a été contraint de faire demi-tour, les conditions sécuritaires pour atterrir n’étant pas réunies. Le Burkinabè Blaise Compaoré, le Béninois Yayi Boni, la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, le Nigérien Issoufou Mahamadou et le ministre nigérian des Affaires étrangères, qui étaient eux aussi attendus à Bamako, pour tenter d’obtenir de la junte l’application du schéma de sortie de crise dicté par la France, seront eux également contraints de renoncer à ce voyage. Des centaines de Maliens indignés par les menaces de la Cedeao ont pris d’assaut, dès les premières heures de la journée, le tarmac de l’aéroport de Bamako.

Pour sauver la face, Ouattara décide d’une réunion d’urgence du panel à l’aéroport FHB d’Abidjan, à l’issue de laquelle l’option militaire est réaffirmée et des sanctions draconiennes visant à étouffer l’économie malienne prises. Des décisions qui rappellent en bien des points les sanctions prises contre le régime Gbagbo, où la Cedeao, l’Uemoa et les institutions bancaires sous-régionales comme la BCEAO, la BIDC et la BOAD deviennent des instruments pour soumettre les Etats membres.

Cet échec de la délégation de chefs d’Etat et de ministres de la sous-région est le signe de l’inexpérience du tout nouveau président en exercice de la Cedeao ; poste dont les autres chefs d’Etat ne voulaient pas. Pour avoir compris que c’était une coquille vide. Dans la réalité, le retour à l’ordre constitutionnel au Mali n’est pas une préoccupation pour Ouattara et ses quelques pairs de la Cedeao qui jouent les va-t-en-guerre. En militant pour l’avènement d’une transition dirigée par Dioncounda Traoré, président de l'Assemblée nationale dissoute par la junte, ces chefs d’Etat qui ne sont pas à leur premier acte cautionnent le renversement du président Amadou Toumami Touré.

A en juger d’ailleurs par le choix du médiateur, on comprend que c’est dans une aventure plus périlleuse qu’elle ne l’est aujourd’hui avec le coup d’Etat du 22 mars que la Cedeao – aux ordres de Paris – veut entrainer le Mali. Ces populations disent se rappeler les crises récentes en Guinée et en Côte d’Ivoire dont le chef de l’Etat burkinabè était médiateur. En Côte d’Ivoire, la partie a fini dans le sang, après que le médiateur a choisi son camp et a milité pour que le président Gbagbo soit bombardé, arrêté et transféré à La Haye. En Guinée voisine, le chef de la junte militaire a dû céder sa place à un de ses collaborateurs – après avoir échappé à la mort suite à une tentative d’assassinat. Fortement diminué, il vit aujourd’hui encore à Ouagadougou.

Pour toutes ces raisons, la déception est grande chez les Maliens qui ont envahi hier le tarmac de l’aéroport de Bamako, et qui scandaient des propos hostiles à Alassane Ouattara. «Les Maliens regrettent de t’avoir soutenu», «Nous n’avons pas de leçon à recevoir de toi», «Alassane Ouattara, comment est tu arrivé au pouvoir en Côte d’Ivoire ?», etc. Les messages sur les écriteaux étaient assez évocateurs de la déception des Maliens qui apprennent à leurs dépens les réalités des connexions mafieuses et lobbies qui dirigent le monde.

Emmanuel Akani

La CEDEAO réitère l’option militaire et tente l’asphyxie économique

Lors du sommet improvisé de l’aéroport d’Abidjan, les cinq chefs d’Etat mandatés pour porter l’ultimatum de la CEDEAO à la junte malienne, les décisions prises au cours du sommet extraordinaire d’il y a trois jours ont été renouvelées voire renforcées. Outre la mise en alerte maximale de la force de la CEDEAO, Ecomog, ces mesures se déclinent en sanctions de plusieurs ordres visant à isoler et étouffer la junte malienne, comme cela a été tenté en Côte d’Ivoire sous Laurent Gbagbo. Ces mesures, il faut le dire, ont été prises en réaction à ce que les chefs d’Etat considèrent comme un affront : le fait de n’avoir pu fouler le sol malien et d’avoir ainsi été ridiculisés.

Au titre des sanctions politiques et diplomatiques, on note les classiques comme « la suspension du Mali de toutes les instances de la CEDEAO, l’interdiction aux membres du CNRDRE et leurs associés de voyager dans l’espace communautaire, la fermeture des frontières des Etats membres de la CEDEAO sauf pour les cas humanitaires ». En ce qui concerne les sanctions d’ordre économique, il y a le «gel des avoirs des différents responsables de la junte et de leurs associés dans les pays membres de la CEDEAO », ainsi que la «fermeture au Mali de l’accès des ports des pays côtiers de la CEDEAO».

A ces mesures qui ont été expérimentées pendant la crise ivoirienne, il faut ajouter celles financières qui portent sur le «gel des comptes du Mali à la BCEAO ; le non approvisionnement des comptes de l’Etat malien dans les Banques privées à partir de la BCEAO ; et le gel des concours financiers à partir de la BOAD et de la BIDC». Allant plus loin, Ouattara et ses pairs invitent «l’Union Africaine à renforcer ses propres sanctions contre le CNRDRE et ses associés, et à saisir le secrétariat général des Nations Unies de ces sanctions».

Ouattara réussira-t-il faire fléchir la junte malienne avec ces décisions ou au contraire à insuffler un élan patriotique autour du capitaine Sanogo et ses frères d’armes ? La suite des événements nous le dira. Pour l’instant, la rébellion que la Cedeao n’a jamais condamnée à ce jour et qui est pourtant à l’origine de l’impasse que traverse le Mali progresse dans le nord du pays.




31/03/2012
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