En attendant le remaniement: Ministres et élites se font la guerre

Douala - 24 Novembre 2011
© Joseph OLINGA | Le Messager

Instaurés comme norme de gestion du pouvoir administratif, Biya peut-il se départir de l'alternance ethnique et l'équilibre régional au moment où la nuit des longs couteaux est engagée par ses collaborateurs par médias interposés?

Il a certainement eu la formule heureuse. Face à l'ancien ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, le chef de l'Etat pense que la suppression constitutionnelle du nombre de mandats à la tête de l'Etat participe de l'anéantissement des rumeurs et des effets pervers autour de sa succession. Cité par l'hebdomadaire panafricain Jeune Afrique, Paul Biya pense que «mettre un terme aux épuisantes rumeurs sur sa succession, qui divisent le pays, paralysent le gouvernement et risquent de faire le lit des militaires.»

En clair, affirme la même source, Paul Biya pense que «la classe politique camerounaise n'est pas encore mûre pour assumer une transition et se passer de sa personne.» La transition comme il le pense dépend de son bon vouloir. Vue sous cet angle, l'inertie de l'action gouvernementale est-elle exclusivement dépendante des rumeurs autour de la succession de Paul Biya ou de la transition annoncée et admise par les cercles proches du pouvoir? Au lendemain de la présidentielle du 9 octobre 2011 qui a vu la reconduction du candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais à la magistrature suprême, l'inertie dans la pratique gouvernementale est plus que de mise. Avec des démarches diverses, les membres du gouvernement, les leaders politiques et autres élites diverses usent de certains médias pour régler des comptes aux potentiels et supposés adversaires dans la perspective d'une entrée ou le positionnement d'un pion dans la prochaine équipe gouvernementale. Des attitudes qui s'appuient sur les médias payés pour la circonstance à grand frais ou arrosés de scoops plus ou moins orientés vers les intérêts des commanditaires.

C'est donc sans grande surprise qu'une ministre originaire de la région de l'Ouest peut faire les manchettes de quelques journaux à la commande d'un magnat des affaires. Son péché ? Ne pas être autochtone du département qu'elle est sensée représenter au sein du gouvernement. C'est dans la même perspective que la tête d'un ministre impliqué dans l'implémentation des grands projets et originaire de la région des montagnes peut être mise à prix par un lobby du Sud qui pense devoir conduire et contrôler certains chantiers initiés dans la région natale du chef de l'Etat. A travers l'évocation récurrente des avoirs et autres malversations supposés ou réels de quelques pontes et affidés du régime, de nombreux observateurs ne manquent pas d'y voir la main de quelques adversaires issus de la même région qui entendent évincer quelques ministres ou directeurs généraux en poste afin d'occuper les espaces ainsi libérés. Mais, les bagarres de positionnement dans la perspective du prochain gouvernement prennent régulièrement une connotation tribale et régionaliste. Sous l'impulsion d'un lobby réclamant les intérêts des ressortissants de la région de l'Ouest, l'on peut ainsi assister, depuis quelques temps, à des attaques de plus en plus prononcées sur un ministre en charge de la gestion du portefeuille de l'Etat. Ce membre du gouvernement étant accusé par ses bourreaux d'être l'instigateur de nombreuses mesures prises par le gendarme des banques à l'endroit de certains établissements camerounais. Présenté pour la circonstance par le lobby comme une propriété de la région des «Todjoms» et par excroissance de la partie Ouest du Cameroun.


Alternance ethnique et équilibre régional

Dans cette lutte qui prend du relief, les regroupements ethniques et tribaux ne s'accommodent pas de méthodes pour donner de la voix dans ce concert de revendication loin des intérêts du grand ensemble. Que les élites de la région du grand Nord rivalisent de latin pour dire leurs exigences au garant des institutions, non sans proférer quelques menaces au cas où la prochaine répartition des strapontins ignorait leurs régions respectives. Une démarche, faut-il le préciser, qui n'est pas l'apanage des seules régions ou tribus du Grand-Nord, même si la sortie d'un haut commis de l'Etat issu de cette région donne la pleine mesure de l'ambiance qui règne dans cette région et au sein de nombreuses tribus et ethnies camerounaises.

Au final, l'inertie observée dans le fonctionnement du gouvernement à la veille de la potentielle réorganisation de l'équipe gouvernementale a néanmoins la propriété de repréciser l'incrustation de l'alternance ethnique ainsi que les égoïsmes de la classe politico-administrative. Comme nous le précisions déjà dans notre édition du 18 mai 2011, la composition pluriethnique du Cameroun, tout au long de son histoire, a impacté sur la configuration du paysage politique et l'organisation de l'appareil administratif. En fait, comme conviennent de nombreux observateurs de la période monolithique post-indépendance, cette conception de l'alternance et de la gestion du pouvoir au Cameroun a longtemps servi de base à la mise en place de la politique «d'équilibre régional» promue par les différents régimes. Une perception admise tant dans l'administration que dans les hauts postes de commandement. Conséquence: le nivellement par le bas et la promotion de l'incompétence semblent désormais les normes. Une démarche qui, néanmoins, sert au régime de bloquer l'alternance politique. Ceci en opposant les populations, les ethnies et les tribus.


27/11/2011
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