Emeutes de Mamfé: Navigation du Tribunal militaire de Buéa

Yaoundé,19 Novembre 2012
© Jean-Claude Fogno | L'Actu

Le parquet refuse d'admettre la défaillance administrative et sécuritaire à l'origine de l'assassinat d'un moto-taximan.

Par ordonnance définitive aux fins de non lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal militaire de Buéa (TMB) du 6 novembre dernier, le juge d'instruction n°1, le capitaine Thadée Eric Constant Engono a renvoyé les 16 personnes en détention à la prison principale de Buéa devant le Tribunal militaire. Le juge fonde son argumentaire sur le fait qu'il est constant que c’est le soldat de 2e classe Schoresse Heudou, 24 ans, en service au 22e Bataillon d'infanterie motorisé (BIM) de Mamfé «qui a tué d'une balle au niveau du crane», le moto taximan Maxime Betek Ashu, le 24 avril dernier avec «une arme volée (NDLR: Fal n°1895) ainsi qu'une boite chargeur de dix sept munitions» alors que ses quatre camarades étaient de garde.

Ces derniers, ainsi que leur chef, le sergent Paul Tenmbar Doe, sont «inculpés pour négligence de gardien». Aussi, le magistrat militaire affirme que les 11 jeunes dont plusieurs élèves, «désignés par les aînés du village comme les principaux casseurs de brigade» à la suite de la tentative d'évasion de l'assassin, doivent être poursuivis pour «destruction et attroupement armé». Dans son ordonnance, le juge d'instruction a aussi Jugé recevable en la forme, la demande de Jonathan Essoh Beteck, père de feu Ashu qui s'est constitué partie Civile en exigeant 100 millions de F CFA à titre de dommages et intérêts pour son fils assassiné.

Une décision qui intervient au terme de cinq mois de détention au cours desquels la justice militaire s'est embrouillée dans ses positions. A la suite du procès verbal du 12 mai dernier de la compagnie de Mamfé. Le ministre délégué à la présidence, chargé de la Défense, Alain Edgar Mebe ngo’o, a décerné l'ordre d'informer du 20 juin dernier, malheureusement jugé Insuffisant par le commissaire du gouvernement près le TMB, le colonel Jérémie Ndjieyiha, dans son réquisitoire introductif du 3 juillet suivi de l'ordonnance aux fins d'informer du juge d'instruction du 18 juillet.

Ce dernier a estimé nécessaire l'audition des responsables locaux de la gendarmerie au cours de l'audience du 21 août dernier. A la suite, le commissaire du gouvernement s'est contenté, à nouveau de produire un réquisitoire introductif d'instance supplétif du 29 août avant son réquisitoire définitif aux fins de non lieu partiel et de renvoi du 13 septembre.


Défaillance

Pourtant, il est constant que l'assassinat de Betek aurait pu être évité si le lieutenant colonel Jean Mvondo Nkomo, commandant du 22e BIM avait fait preuve d'un minimum de sens de responsabilité. D'ailleurs, le rapport de l'ONG, Nouveaux droits de l'Homme (NDH) sur la situation établit que le colonel entretenait des relations louches» avec l'assassin. Surtout qu'il n'a produit aucun rapport ni à sa hiérarchie militaire à Douala. Ni au préfet sur l'arme disparue au camp. Au contraire, il s'est employé, selon le rapport, à intimider le commissaire Jean Pierre Kouende de la sécurité publique de Mamfé en lui donnant des injonctions de lui remettre l'arme du crime découverte quelques jours après par les élèves.

Le préfet de la Manyu, Patrick Simou Kamseu n'a pris aucune mesure conservatoire selon le 1er adjoint préfectoral, Yacouba. Toujours est-il que l'unique téléviseur qui servait au jour du crime au poste de garde du camp BIM de Besongabang fait partie des objets volés par Heudou. Et lorsque ce dernier est pris en flagrant délit de vol les 21 et 24 avril avec des objets et d'importantes sommes volés, le colonel a tout fait pour qu'il ne soit pas inquiété usant de «son caractère particulièrement agressif, violent et impulsif». Ce qui a conduit au crime ce 24 avril.


Acharnement: Tentative de fabrication de preuves

Le Tribunal militaire veut sacrifier les 11 jeunes pour préserver l'image de l'armée.

A la suite de la scène de violence le 8 Mai dernier, le commandant de la compagnie, le lieutenant Nicolas Echu, depuis Yaoundé où il se trouvait, a fait propager de fausses informations au général Daniel Elokobi Ndjock, directeur de la coordination centrale (DCC) de la gendarmerie et originaire de la localité, selon lesquelles la brigade a été réduite en cendres en raison de l'insoumission de son subordonné, Raphael Djietcheu. Ce sous-officier a toujours accusé son chef de bloquer son avancement par la soustraction des pièces de son dossier d'avancement à Buéa. Ces fausses informations avaient poussé le BEC à limoger sans autre forme de procédure le commandant de la brigade par message porté du 9 mai dernier. Des mensonges mis à nu dans les différents rapports dont celui du préfet au Secrétariat d'Etat à la défense à Yaoundé. D'on la hargne du Général Elokobi, 24h après, le 10 mai de revenir sur sa décision après la protestation des autorités de Mamfé.

Comme pièces à conviction dans son procès verbal du 10 mai transmis au Commissaire du gouvernement près du Tribunal militaire de Buéa, Nicolas Eyong Taku, a annexé un «devis estimatif et quantitatif des pertes» de près de 14 millions de F CFA qu'il impute aux casseurs, alors que selon l'ONG NDH, la quasi-totalité des objets mentionnés sont antérieurs au mouvement d'humeur et relèvent, pour la plupart, de la vétusté des installations de la gendarmerie. Ce que confirme le reporter de L'Actu. Des manipulations qui ont induit le juge militaire en erreur en parlant de brigade «sérieusement endommagée».

Au cours d'une réunion d'état major présidée dans ses locaux immédiatement après son retour le 9 mai à 16h, le préfet de la Manyu, Patrick Simon Kamseu avait opté pour une opération de bouclage baptisée «caler caler» au village Besonsabang. Pourtant, le commandant de la compagnie chargé de conduire les opérations, a poussé le préfet à la faute en lui indiquant la mauvaise piste. Ce que confirme le commissaire de la sécurité publique, jean Pierre Kouende.

D'ailleurs, Nicolas Eyong a reconnu lui-même avoir reçu des informations selon lesquelles «les assaillants de la brigade venaient plus précisément du quartier Besenge», en dehors du quartier Tétékonock où s'est déroulée la rafle. Ce qu'ont toujours soutenu les militaires en faction au camp BIM de Besongabang et les policiers qui rackettaient les automobilistes sur les lieux ce Jour. Toujours est-il qu'au terme de la réunion de sécurité, les policiers ont informé la quinzaine des principaux ténors de cette manifestation dont la liste produite par le colonel Nelson Ako Egbe, chef d'Etat Major du génie militaire, traine actuellement sur le bureau du chef de la compagnie. Mais, aucun d'eux n'a été interpellé par les forces de sécurité.

Dans son ordonnance du 6 novembre dernier, le juge d'instruction a demandé au parquet de poursuivre les 11 jeunes «désignés par des ainés du village comme étant des principaux casseurs de la brigade». Ce que dénonce Me Eyong. Plusieurs personnes ont signalé la présence, le jour de la rafle, de Tambe Denis, homme d'affaires basé en Angleterre et l'un des prétendants au trône qui mènent une guerre à la chefferie de Besongabang. Plusieurs femmes victimes des atrocités rencontrées par le reporter font état de ce que c'est Tambe qui indiquait certaines maisons à casser, ainsi que certaines personnes à interpeller. D'ailleurs, le 1er adjoint préfectoral. Yacouba qui se trouvait à la brigade explique avec émotion qu'il n'a eu la vie sauve que grâce à l'intervention énergique du président d'Okada, association des motos taximen que le juge présente comme des casseurs. Aussi, malgré les injonctions du préfet au colonel Mvondo d'envoyer les éléments «sauver son collègue de la brigade qui était sur le point d'être calciné par une foule de 500 personnes, ce dernier a fait la sourde oreille à son chef. Curieusement, c'est son rapport qui fait foi à Yaoundé au point où il a été reconduit à son poste lors du dernier mouvement ou sein de la grande muette.»


19/11/2012
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