Emergence – Cap 2035: Contraintes de financement et pilotage des projets structurants

DOUALA - 03 Février 2012
© Muna Dimbambe | Aurore Plus

Les projections statistiques effectuées par les autorités estiment que le Cameroun sera un pays émergent d'ici 2035. Mais c'est quoi un pays émergents? Qu'est ce qu’un pays émergent? Quelles en sont ses principales caractéristiques? Les projets structurants conditionnent-ils l'atteinte du cap 2035? Faut-il recourir au financement extérieur pour garantir le pilotage de ces grands travaux? A quelles rigidités le pays fera-t-il face? Des solutions endogènes existent-elles? Répondre à ce chapelet de questions permet d'éclairer la lanterne du citoyen camerounais lambda sur les évolutions économiques actuelles de son pays.

La planification a toujours servi comme un outil incontournable de politique économique des pays socialistes. Le Cameroun d'après les indépendances jusqu'à la crise dit début de la deuxième moitié des années 1980 a adopté ce mode de pilotage économique, avec à son actif six plans quinquennaux. Chaque plan était axé sur un objectif général et des objectifs spécifiques particuliers:

(i) le 1er plan quinquennal (1960-1965) avait pour objectif général dé doubler le PIB par habitant en 20 ans;

(ii) le 2nd plan quinquennal (1966-1971) a été baptisé «Plan du paysan», précisément parce qu'il mettait l'accent sur l'amélioration du niveau de vie de la population des zones rurales;

(iii) le 3ème plan quinquennal (1971-1976) avait pour principal objectif l'accroissement de la production et de la productivité agricole;

(iv) le quatrième plan quinquennal (1976-1981) dont l'objectif majeur était d'augmenter le taux de croissance du PIB par tête d'au moins 5%, a consacré la majeure partie de ses investissements a l'infrastructure rurale, à l'économie rurale et à l'énergie;

(v) le cinquième plan quinquennal. (1981-1986) avait pour ambition de donner un nouveau visage au Cameroun des années 2000 par l'augmentation du revenu réel par habitant;

(vi) le sixième plan, mort-né du fait de la survenance de la crise et baptisé «Plan du renouveau», avait pour objectif principal la consolidation de l'autosuffisance alimentaire du pays.


Depuis l'échec du sixième plan quinquennal, le pays a été économiquement piloté par «décret». La planification est revenue au goût du jour depuis l'assignation de l'objectif de pays émergent au Cameroun. Mais c'est quoi un pays émergent?

Un pays émergent est un pays dont le produit intérieur brut est inférieur à celui d'un pays développé. Toutefois, ledit pays doit enregistrer une croissance rapide avec un niveau de vie et des infrastructures qui tendent vers celui d'un pays développé. En d'autres termes, il s'agit des pays avant-hier sous-développés, hier en développement, aujourd'hui qui émergent à la croissance économique.

Selon les critères établis par la Banque Mondiale, un pays est qualifié d'émergent s'il répond à deux critères : a) son PNB par habitant est inférieur à la moyenne mondiale, soit 8300 dollars par année et b) ce pays est déjà doté d'une bourse. Les nouveaux pays émergents dans le monde sont le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud (les BRICS). On peut adjoindre à cette liste des pays tels que le Mexique, la Malaisie, les Philippines, l'Indonésie, l'Argentine, le Chili ... Il est important de remarquer que la liste des pays auxquels s'applique ce terme varie selon les sources et les époques.

La volonté pour le Cameroun de devenir un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité intègre quatre objectifs généraux consignés dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE) à savoir:

(i) réduire la pauvreté à un niveau socialement acceptable;

(ii) devenir un pays à revenu intermédiaire ;

(iii) atteindre le stade de Nouveau Pays Industrialisé;

(iv) renforcer l'unité nationale et consolider le processus démocratique. En termes de croissance et d'emploi, le pays vise à porter la croissance à environ 5,5% en moyenne annuelle dans la période 2010-2020, à ramener le sous-emploi de 75,8% à moins de 50% en 2020 avec la création de dizaines de milliers d'emplois formels par an dans les dix prochaines années, à ramener le taux de pauvreté monétaire de 39,9% en 2007 à 28,7% en 2020 (il s'agit là d'un décalage mesuré de l'objectif du millénaire), à réaliser à l'horizon 2020, l'ensemble des objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

A cet effet, une stratégie à trois pieds axée sur la, croissance, l’emploi et la gestion stratégique de l’Etat a été adoptée par le gouvernement. Cette volonté a été réaffirmée avec l'annonce et le lancement en 2012 des projets structurants ou grands travaux. En effet, les grands travaux ont pour particularité de relancer l'économie par la demande, car en donnant les moyens aux ménages, ces derniers vont augmenter leur pouvoir d'achat, ce qui aura tendance à tirer la production et donc la croissance vers le haut, et un cercle vertueux se crée. Cette thérapie a été proposée, à la suite de la grande dépression des années 30, par l'économiste britannique John Maynard Keynes, aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands éconornistes de tous leur temps.

Pour Keynes, les grands travaux ont un effet multiplicateur, c'est-à-dire que toute augmentation de l'investissement induit une augmentation puis que proportionnelle de la production.

Les projets structurants camerounais vont-ils provoquer un effet multiplicateur? Quelle est l'étendue de ces grands travaux?

L'étendue des projets structurants et les engagements financiers

L’Etat camerounais compte un peu moins de vingt projets structurants, soit une enveloppe prévisionnelle de 23 220 millions $. Il s'agit du projet Cobalt-Nickel-Manganèse de Nkamouna (500 millions $), du projet de Yard Pétrolier de Limbe (300 millions $ ), du projet d'extension de l’aluminerie d'Edéa (1 800 millions 5), du projet d'aménagement hydroélectrique de Lom Pangar (300 millions $), du projet d'exploitation du minerai de fer de Mbalam (3 360 millions $), du projet d'aluminerie de Kribi (1ere phase) (5 000 millions $), du projet de Port en eau profonde de Kribi (650 millions $), du projet hydroélectrique de Memve'ele (330 millions $), du projet de centrale thermique à gaz de Kribi (300 millions $), du projet d'extension et de modernisation de la raffinerie de pétrole de Limbé (600 millions $), du projet de Cimenterie de Limbe (50 millions $), du projet d'exploitation de la bauxite de Minim-Martap et Ngaoundal (6 000 millions $), du projet de Port en eau profonde de Limbe (800 millions $), du projet d'exploitation du diamant de Mobilong (1 000 millions $), du projet de construction d'une usine de liquéfaction du gaz naturel à Kribi (660 millions $), du projet de construction de l'autoroute Yaoundé-Douala (1 200 millions $), du projet de construction du 2ème pont sur le Wouri à Douala (170 millions $), du projet de déploiement de la fibre optique au Cameroun (200 millions $).

La question fondamentale qu'il faut se poser pour la suite est celle de la mobilisation des 23 220 millions $, soit environ 11 632 291,2 milliards de FCFA au taux de change du 02 février 2011.


06/02/2012
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