Election présidentielle 2011 au Cameroun: Boycottez ceux qui vous ont injustement boycottés

YAOUNDE - 01 OCT. 2011
© Evarist Mohbeu | Correspondance

Paul Biya a préparé depuis des années ses plans, comme il en a l'habitude... Son travail consiste uniquement à maintenir le statu quo, à cultiver l’immobilisme et à persuader ses administrés de ne pas changer « le changement »...

Le débat sur l'élection présidentielle au Cameroun se focalise presque exclusivement sur la position des forces de l’opposition responsables oscillant entre le boycott de principe et la participation d’opportunité. Pour le RDPC parti au pouvoir, l'heure de la comédie a sonné et que son acteur sera une fois de plus plébiscité par des spectateurs acquis à sa cause. Il est vrai que personne ne se fait plus d’illusions quant à leurs intentions électorales : compter les voix discordantes pour mieux les étouffer.

Paul Biya a préparé depuis des années ses plans, comme il en a l'habitude... Son travail consiste uniquement à maintenir le statu quo, à cultiver l’immobilisme et à persuader ses administrés de ne pas changer « le changement »... Les candidats de l'opposition en lice, adeptes d’une participation, qui peut se justifier au nom d’un agenda partisan et d’un pragmatisme qui rime malheureusement avec usurpation, comptent mettre à leur profit l’oubli de leurs engagements (conditions préalables à leur participation à l’élection présidentielle. Nous ne servirons pas de lièvre électoral…) pour envoyer un ou des candidats et tenir compagnie à une dictature qui a la phobie de l’isolement, dans un monde qui récuse les solitaires

Ces candidats ne doivent pas ignorer que la dictature a créé les conditions de sa propre réélection, scellé l’arithmétique de sa victoire, rédigé le scénario de l’humiliation publique de ses adversaires....Les prisonniers politiques, les exilés qui se comptent par milliers, les victimes des châtiments collectifs, les activistes en bute à une répression au quotidien, les privés de droits civiques pour délit d’opinion, les rejetés de la Constitution et de la loi électorale, les martyres de la dictature, les déçus du système... Toutes ces catégories de personnes sont délibérément éliminées des élections et par conséquent condamnées au boycott. La dictature a fait le vide autour d’elle, elle a surtout soigneusement balisé le terrain électoral. Dans ce terrain miné, seul le régime est en mesure de tirer avantage. Ceux qui rêvent de lui emboîter le pas, et tirer parti des conditions asociales qu’il a créées par lui-même, ne sont en réalité qu’une partie de lui, une réplique de l’originale. Le système est ainsi fait : les corps étrangers sont systématiquement rejetés.

Quant aux différentes catégories de victimes de la dictature (celles qui souffrent de diverses formes d’arbitraire, elles sont boycottées de fait par les différents rouages de la dictature. En refusant conformité et allégeance, elles se sont mises en dehors du système, étant de fait dans une situation de boycott passif, elles doivent s’atteler à transformer leur passivité en un comportement politique volontariste qui rompt avec le fatalisme et s’ingénie à mettre la dictature dans son propre piège: l’isolement, afin que la magie se retourne enfin contre le magicien

A quelques jours de l’élection présidentielle, il est trop tard pour participer. Car il faut du temps pour se faire accepter par la dictature et réussir le test d’affiliation. Dramaturge d’une pièce où tous les acteurs ont été minutieusement choisis, la dictature ne bouleversera pas ses plans à la dernière minute. Elle a l’obsession du détail, la hantise de l’impondérable.

Candidats à l'élection présidentielle du 9 octobre prochain, il est encore temps de refuser ce nouvel affront. Il n’est jamais trop tard de s’affranchir de la servitude, il n’est jamais trop tard de rompre avec l’atermoiement, il n’est jamais trop tard d’être un héros national.

Camerounais, diaspora camerounaise, vous qui êtes boycottés par le régime néocolonial en place au Cameroun, par ses acolytes, ses lois, ses institutions, ses médias, ses journaux...Boycottez ceux qui vous ont injustement boycottés !

Depuis quelques jours, grâce au courage et l’abnégation d’hommes et de femmes de valeur, les Camerounais ont pu constater que la peur avait commencé à changer de camp. Aujourd’hui, et à l’occasion de cette élection, il faut espérer que, grâce à la dignité et au sursaut de Camerounais et de Camerounaises de plus en plus nombreux, l’isolement changera aussi de camp.

Evarist Mohbeu


03/10/2011
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