Diaspora, Gestion des associations de la diaspora camerounaise: Les diplômes seuls ne construisent pas une société !

Florence Tsague:Camer.beComment comprendre ceux qui critiquent à longueur de journée le caractère Mathusalem de nos dirigeants et refusent cependant à leur tour de céder paisiblement la place lorsque le temps de tirer la révérence est arrivé? Comment s´inscrire en faux contre la dictature, la pensée unique et refuser toute critique au sein de sa propre structure? Des associations enfermées dans un statu quo et celles qui n´existent plus que sur papier révèlent un problème profond de mobilisation, de gestion et de projet commun. Au fait, qu´est ce qui réunit les Camerounais? Les intérêts individuels, communs ou plutôt le simple souci de donner un sens à l´existence au moyen du volontariat?

Il n´est pas rare qu´une association ayant pour objectif la réalisation des projets au pays finit par fermer ses portes à cause du manque d´entente sur l´endroit de la première pierre; chacun voulant que le projet soit réalisé dans son village: Question d´égoïsme ou de "positionnement" (selon ce jargon qui s´ajuste bien aux "grandes ambitions")? Certains experts pointent un doigt accusateur sur les associations dites "ethniques" ou régionales qui affaibliraient celles d´ordre national et par conséquent porteraient préjudice au sentiment d´appartenance nationale. Or ces associations peuvent constituer une richesse, à condition qu´elles ne soient pas fondées sur le repli identitaire et sur l´exclusion des autres. Pour être clair, chaque camerounais devrait/doit avoir la possibilité d´être membre d´une association de son choix, -qu´elle soit nationale ou régionale- cela pouvant l´aider à mieux connaître les cultures et langues de son pays et à déconstruire les préjugés non fondés. Bref la «Diversité dans l´Unité»!

Si on pose la question du bagage intellectuel de la diaspora camerounaise comme l´à souligné un internaute (SOLDAT Connu) en réponse à l´article de Hugues SEUMO du 22 janvier, force est de constater que la communauté camerounaise regorge le potentiel qu´il faut pour une réussite par excellence des projets collectifs. Le répertoire des associations camerounaises de la diaspora conçu par Tangang Meli LOUMGAM témoigne d´une diversité et d´une pluralité notoires, lesquelles permettent à tout un chacun de s´allier à une cause de son choix mais malheureusement peuvent aboutir à ce qu´il appelle «l´émiettement des efforts, la poursuite des objectifs qui se contredisent et par conséquent se neutralisent» (Meli LOUMGAM, dans: Africa & Science).

Considérant l´hétérogénéité d´une association comme étant une entrave, on constate cependant que même les organisations regroupant les personnes avec un même profil ou une même culture professionnelle ne sont point épargnées des difficultés de gestion et du recrutement des nouveaux membres. Alors, nous focalisons ici notre attention sur les problèmes de mentalité, de gestion, des intrigues et des rapports interindividuels au sein du groupe. Ce qui gangrène beaucoup d´associations camerounaises de la diaspora est le culte du diplôme et l´exclusion de ceux qu´on estime être moins formés. C´est ainsi que les compatriotes ayant migré pour un projet autre que les études se sentent souvent frustrés au sein des associations et finissent pas se retirer, sans tambour ni trompette. Même si le diplôme atteste la compétence et certifie la maîtrise d´un domaine (car comment imaginer un médecin sans diplôme ou un chauffeur sans permis de conduire?), la construction d´une société ne saurait se reposer seulement sur les diplômes.

Lors des réunions, certains membres jouent la carte de la loi d´aînesse, sans prêter une oreille attentive aux arguments des plus jeunes. D´autres se réfèrent à leurs diplômes lorsqu´ils sont à court d´idées, faisant ainsi fi de la logique des arguments et des règles fondamentales du dialogue. Ils balayent du revers de la main les propositions des autres, brandissant le diplôme comme le sésame qui leur garantirait un statut particulier et servirait de panacée à tous les problèmes, même ceux au delà de leur champ de compétences. Ils argumentent avec des incongruités comme: «C´est moi qui vous dis, non? Je côtoie ces grands milieux» ou encore «J´ai été le major de ma promotion. Je suis diplômé(e) de la très renommée université X», «Mon vieux est à la présidence, non?» comme s´ils avaient raison héréditairement. Une attitude qui sème la zizanie, la frustration, la méfiance, le mépris au sein du groupe. Si nous allons en guerre contre les discriminations rencontrées dans la société d´accueil, pourquoi alors catégoriser les nôtres au prorata de leur porte-monnaie, formation, origine, statut social et du parcours migratoire?

Là où il y a abondance de capacités, il faut circonscrire les domaines de compétences (cela n´exclut pas l´interdisciplinarité et la transdisciplinarité), respecter le mérite, l´expertise et le savoir-faire des autres comme l´a si bien analysé Meli LOUMGAM, définir les règles de la communication afin qu´une division effective et efficace du travail converge à de résultats escomptés. Le diplôme attestant une aptitude à cerner certains problèmes de son domaine, définir les méthodes et les solutions, force est toutefois de mettre en exergue la nécessité des expériences acquises, de la volonté de se former au-delà de l´éducation formelle et de l´auto-critique. Lorsqu´on veut diriger une société humaine, on doit comprendre que la "matière première" de l´homme engagé est d´abord l´homme, comme un député camerounais au

service du peuple avait coutume de le dire. Toute gestion humaine se trouvant aux antipodes de l´humilité, de la tolérance, de la transparence, de l´esprit du compte rendu, de l´écoute… est vouée à l´échec. Le travail et l´engagement peuvent être récompensés entre autres par les expériences acquises. Toutefois, il est capital d´assumer de façon effective la tâche confiée et non d´occuper un poste tout simplement dans le but de meubler son curriculum vitae et se décorer avec les titres tels «le président», sans être à la hauteur de la responsabilité.

La communication structurée, la critique objective et constructive, la séparation entre le public et le privé constituent une base pour une association et pour un projet collectif durable. Quant aux séances de travail, il faut éviter les assises qui durent plusieurs heures et se transforment en une arène de polémiques où les thèmes les plus saugrenus deviennent l´objet du débat, finissent par blesser et frustrer plus d´une personne. Tout compte fait, il est nécessaire de mettre sur pied des structures pour un cadre propice à notre épanouissement, et surtout à celui de nos enfants et des générations à venir.

© Camer.be : Florence TSAGUE A.


25/01/2013
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