Départ à La retraite, on se débrouille comme on peut

Cameroun : Départ à La retraite, on se débrouille comme on peutFaute d’harmonisation des âges de départ à la retraite, les fonctionnaires usent de leur ingéniosité, de leur entregent pour voir prorogé leur séjour dans l’administration.

Nous pourrons l’appeler Joseph M. ce brave, dévoué et non moins intègre employé actuellement en service à la scolarité de l’Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication. Dans un autre jargon, on dirait qu’il joue les prolongations. Il y’a environ une dizaine d’années, la hiérarchie de cette institution pilotée alors par le Pr Marc Joseph Omgba avait organisé une cérémonie d’au revoir à l’intention de Joseph M dont l’âge de départ à la retraite venait de sonner. Cérémonie très courue et riche en émotion qui avait mobilisé pour la circonstance tout le personnel enseignant, le personnel d’appui, les étudiants et la famille du concerné.

Apparemment c’était là le dénouement heureux et logique de plusieurs années de rudes labeurs. Une retraite bien méritée en somme. Mais seulement, depuis quelque temps, cette silhouette longiligne a renoué avec les couloirs studieux de l’ESSTIC et les dossiers délicats de la scolarité. Certes, la législation avait fixé un âge de départ à la retraite pour cet homme à la limite irréprochable, mais en même temps qu’il allait en retraite, ces égaux en poste dans divers segments de la fonction publique en avaient encore pour certains 05 ans et d’autres 10 ans de service. La question de l’harmonisation de l’âge de départ à la retraite est l’une des plus grosses incongruités que le régime Biya n’arrive toujours pas à gérer. Au Cameroun, Un médecin, un enseignant, un policier ou un magistrat de la même catégorie ne vont pas en retraite au même moment bien qu’appartenant tous à la fonction publique. Cet archaïsme réglementaire, tout en accentuant les frustrations sociales, pousse les camerounais à manoeuvrer sans répit pour accroître leur longévité au sein des structures qui les emploient avec toutes les conséquences et implications qu’une telle situation met en relief.

Bricoler pour survivre A l’Université de Yaoundé 2 en particulier pour ne parler que de son cas, il est fait mention de plusieurs enseignants qui ont fait des mains et des pieds pour passer maîtres des conférences, question de s’adjuger un bonus de cinq ans supplémentaires dans la fonction publique. Ainsi en est il de ce haut cadre en service actuellement au ministère de la communication et enseignant à l’ESSTIC, de son confrère enseignant de presse écrite décédé il y a quelque temps et de bien d’autres.

Là, il est clair que ce n’est pas pour des motifs scientifiques que ces universitaires usent leurs souliers dans les campus, mais c’est parce qu’ils ont peur de la retraite. En effet, depuis la baisse des salaires des employés du secteur public en 1993, suivie de la dévaluation du Franc cfa un an plus tard, les enseignants d’universités ont du mal à joindre les deux bouts avec leurs maigres salaires.

Les timides augmentations de salaire de 2010, n’ont jamais permis à aucun camerounais exerçant dans la fonction publique d’atteindre le même salaire d’avant décembre 1992. Résultat, ce n’est pas forcément la vocation qui compte mais il s’agit de préserver le casse croûte familial par tous les moyens. Ces individus sont comme forcés de persévérer dans des domaines qu’ils auraient quittés de gaieté de coeur si l’Etat avait pris soin de leur octroyer une sécurité digne de ce nom. Les objectifs qui sous tendent leur présence dans les campus étant biaisés, on ne peut s’attendre qu’à des formations au rabais, à un manque d’innovation et de créativité dans la dispensation des cours. Tout dernièrement, ce sont trois voix emblématiques de la Cameroon radio television qui étaient frappés par la limite d’âge. Charles Ndongo, Alain Belibi et Roger Betala.

Alors que le directeur général Amadou Vamoulké croyait déjà avoir fait le V de la victoire eu égard aux rapports qu’on dit peu cordiaux entre lui et ces caïds, une décision rabat-joie en provenance du cabinet civil de la présidence de la République, venait réinstaller les trois mousquetaires en force au sein de la tour d’aluminium de Mballa 2 au nez et à la barbe du DG. Si dans ce cas, aucun doute n’est à émettre sur la valeur intrinsèque de ces trois journalistes, il va s’en dire que cette décision, officieuse bien entendu, fragilise énormément le directeur général de la CRTV et désagrège inéluctablement les rapports sociaux au sein d’une structure sensée poursuivre des objectifs définis par ce dernier. On n’est pas loin là d’un panier à crabes. Il y a aussi le cas de Mvoto Obounou revenu au ministère de la communication après être allé en retraite.

Le renouveau de Paul Biya nous aurait pourtant épargné de ces acrobaties si l’âge de départ à la retraite avait été uniformisé et harmonisé. Cela contribuerait efficacement à annihiler un tant soit peu les frustrations sociales. Au lieu de cela, c’est plutôt sur l’armée que le chef de l’Etat s’est le plus appesanti pour améliorer ses conditions de travail et de vie. Le 08 décembre dernier à Bamenda, lors de la célébration du cinquantenaire de l’armée, il a solennellement annoncé l’harmonisation des âges de départ à la retraite des personnels non officiers et des officiers subalternes de la gendarmerie nationale.

Ce qui nous laisse croire que c’est davantage la militarisation accrue de son système, qu’il veut pourtant démocratique, qui compte pour lui. Dans le cas d’espèce il est clair que Paul Biya sait ce qu’il faut faire mais refuse de le faire. On comprend mal ce mépris à l’endroit des corps de la santé, des enseignants et de toutes ces masses laborieuses à l’oeuvre dans notre fonction publique au profit de l’armée. Pourtant en Côte d’Ivoire, depuis février 2009, l’âge de la retraite est passé de 55 ans à 57 ans pour tous les fonctionnaires (A, A 3, D). En France,  le cap de 62 ans a été retenu depuis l’ère Sarkozy pour tous les fonctionnaires. Mais comme le Cameroun aime se distinguer par des exceptions honteuses, notre pays a encore beaucoup d’efforts à faire en ce qui concerne la sécurité sociale.

© Emergence : Cyr Ondoa


04/12/2012
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