Déballage: Les non dits de l'affaire Marafa

YAOUNDÉ - 08 Mai 2012
© Jean Pierre AMANA (Le Soir) | Correspondance

L'ex-conseiller spécial du Chef de l'Etat, secrétaire général de la présidence de la République, et Ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation confesse et met le Cameroun en émoi.

Le Cameroun voire la communauté internationale est en effet en émoi, depuis la Publication dans les journaux de la fameuse «lettre ouverte de Marafa Hamidou Yaya au président de la République du Cameroun» .0n ne parle plus que de cela. Dans la rue comme dans les salons feutrés et les plus huppés du triangle national Et chacun y va de son interprétation. Avec toujours à la clé, les conséquences encourues par un tel acte. La correspondance en question fait encore couler beaucoup d'encre et de salive. D'aucuns prétendent d'ailleurs qu'il n'a pas fini de dire ce qu'il a commencé à dire depuis quelques temps. A condition qu'il ait encore l'opportunité de dire plus qu'il n'en a dit. Pour d'autres en tout cas, il a déjà tout dit ou presque. Le reste, c'est la justice qui le dira incontestablement.

En attendant, après avoir écouté ici et là toutes sortes de commentaires, essayons-nous à décrypter ce qu'il n'a pas dit. Ce qu'il n'a pas dit est de notre point de vue déjà fait pour qui sait lire entre les mots, entre les lignes et derrière les mots. De manière générale, Marafa Hamidou Yaya vient de donner à lire ou à voir, un pan de la marche de la République. A tort ou à raison, il est le seul à savoir les véritables et profondes raisons de ce qui est considéré aujourd'hui comme un déballage. Toujours est-il que son adresse reste diversement appréciée. Des gens lui trouvent des qualités: «courageux, homme politique de cran, forte personnalité, esprit libre, etc.». Toutes choses qui vont en tout cas dans le sens positif de ce que ses partisans cautionnent.


Fidèle infidèle

Dans le camp d'en face, celui de ses pourfendeurs, on crie au crime de lèse majesté. Il ressort de notre enquête que ce soit la tendance la plus répandue. Les admirateurs de Marafa Hamidou Yaya crient à la trahison. Pour eux, l'ex-proche collaborateur du Chef de l'Etat vient de livrer les secrets de la République, les secrets d'Etat, tout en se positionnant comme victime expiatoire du propre système qui l'a construit et déconstruit. Comme pour dire autrement qu'il se prévaut dès lors de ses propres turpitudes. Pour d'autres et d'aucuns encore que l'on recrutent dans le camp des opposés à son acte, le fidèle d'hier devenu l'infidèle d'aujourd’hui, sous le prétexte de ne plus être astreint ni à aucun devoir de solidarité ou à quelque droit de réserve, vient de donner la preuve de ce que le Chef de l'Etat aurait eu raison de se méfier de son ex-collaborateur, qui aujourd'hui et depuis sa cellule de la prison centrale de Kondengui s'érige en véritable professionnel de l'agitation politico-politicienne. Voulant ainsi crédibiliser aux yeux de l'opinion publique la thèse de la purge des adversaires politiques du Président Biya, que lui auraient conseillé ses présumés réseaux et collusions occidentales qui lui auraient promis le fauteuil d'Etoudi. L'appel à la sédition ne serait davantage pas loin des desseins inavoués de Marafa Hamidou Yaya, si l'on en croit une certaine opinion, soupçonneuse de sa propension à la démission, dès l'instant qu'il se fut rendu compte de la perte de confiance du Chef de l'Etat qui en bon prince sut tempérer ses ardeurs, pour mieux s'en certifier. Sinon, comment comprendre qu'un certain Maurice Kamto tout aussi ex-très proche collaborateur du Président Biya ait pu faire admettre sa démission. Il s'en est d'ailleurs explicité, afin que nul n'en ignore. Et comme l'autre par voie de presse de surcroit, sans que pour autant cela ne suscite une telle levée de bouclier que celle à laquelle on assiste dans ce qu'il convient dorénavant d'appeler «l'affaire Marafa».


Indiscrétions de palais

Cette «affaire» là au demeurant recèle en tout cas de nombreuses questions que se pose le commun des Camerounais. A savoir notamment ce que cache réellement le «déballage» de Marafa. En deuxième ressort, les Camerounais voudraient bien comprendre pourquoi l'ex-Minadt aurait-il attendu de se retrouver à la prison centrale de Kondengui pour livrer en pâture l'homme qu'il dit lui même soutenir encore depuis son cachot. De ces deux principales et fondamentales questions découlent d'autres grilles d'analyses, sur les jeux pervers de la politique, ou cabale et bisbilles politiciennes se mêlent et s'entremêlent. Les coups bas, la délation comme la relation, la trahison, l'hypocrisie, le chantage, la concussion, le trafic d'influence et toutes sortes de qualificatifs du même registre sont la règle, autant pour être dans les bonnes grâces du Prince quand on ne vise pas tout simplement son fauteuil.

Dans un tel contexte, lui fait-on alors de bons rapports, sur tel ou tel autre individu qu'il solliciterait ou telles autres charges ou missions. Le rançonnement des personnalités étant devenu le principe dès qu'on sent par exemple l'imminence d'un remaniement gouvernemental. Nombreuses sont les anecdotes et autres indiscrétions de palais qui courent les rues, et confortent l'opinion publique dans ce que le chef de l'Etat fasse très peu confiance ou pas du tout à certains de ses collaborateurs; fussent-ils des plus proches. Autant de choses et de signes qui alimentent et avec raison les débats sur l'alternance politique au Cameroun. Les moins courtois parlent d'ambiance de fin de règne qu'ils décryptent justement à l'aune de la très brûlante actualité sur les actes du Chef de l'Etat dont le moindre fait ou geste est épié. Reste que la sérénité qui le caractérise, si elle a l'art de déstabiliser ses adversaires (car il en a même dans ses rangs), il ne faudrait certainement pas se leurrer de ce que le Chef de l'Etat ne soit pas dupe de ce qu'il devra bien un jour passer le témoin. Mais en attendant, quelle agitation, quel activisme, au point qu'un haut commis de l'Etat de la trempe de Marafa se répande en confidences présidentielles sur la place publique. Pour la postérité, il aurait par exemple pu les garder pour ses mémoires qu'il aura certainement le temps de rédiger durant son séjour carcéral.


09/05/2012
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