De retour au Cameroun Vincent Sosthène Fouda se relance en politique

De retour au Cameroun après un long séjour en France et au Canada, Vincent Sosthène Fouda il vient de légaliser un nouveau parti politique - Le Mouvement Camerounais pour la Social-démocratie (MCPSD. Il parle  selon ce dernier , le MCPSD entend se faire une place auprès des populations camerounaises par sa force de proposition. Ce parti est déjà sur le terrain et invite les populations à s’inscrire massivement sur les listes électorales ouvertes. Pour le président Vincent Fouda, il est temps de remettre  le Cameroun entre les mains des patriotes

 

 

Maurice Ze: Beaucoup sont encore à ce demander ce que nous combattons – dans le Cameroun des 30 dernières années ?

Vincent Sosthène Fouda: Oui, beaucoup sont encore à ce demander ce que nous combattons – dans le Cameroun des 30 dernières années ceci est compréhensible parce que tout esprit critique a disparu contrairement à ce que certains universitaires camerounais affirment. Parler des idées et de la politique proprement dite reste dans le Cameroun de 2010 un sujet tabou – ici aucune confrontation n’est possible, les joutes oratoires de Bernard Fonlon, Basile Juléat Fouda, Abanda Ndengué et autres Marcien Towa ont disparu au profit de la pensée unique et les centres de réflexion et d’expression constructives que furent l’université, l’Ecole Normale Supérieure, Ozila ont été transformées en école du parti unique avec des recteurs qui ont perdu toute pudeur, ils n’hésitent plus à faire tomber la chemise pour laisser apparaître la tenue du parti au pouvoir. Les professeurs de philosophie se terrent dans nos universités et n’osent plus intervenir pour le rayonnement des idées, personne n’ose plus intervenir dans les domaines où le pouvoir apparaît. La justice par exemple, il y a des hommes et des femmes qui sont broyés par la machine judiciaire au Cameroun au grand mépris de la loi comme les affaires d’Eperviers, Désiré Engo, Titus Edzoa ont fini de purger leurs peines mais sont toujours dans nos prisons qui ne sont pas des prisons pour certains puisque le Secrétariat d’Etat n’est pas une prison au sens ou l’entendent les juristes. Mongo Beti à son temps a créé un mouvement non pas pour dire que monsieur Edzoa était innocent mais tout simplement pour qu’il soit jugé et ait un procès équitable !  Au coeur de cette affaire comme nous le révèle aujourd’hui le journal le Messager à travers une série d’articles parue ces quatre derniers mois, c’est l’attitude discriminatoire et discriminante de l’Etat vis-à-vis de ceux et celles qui souhaitent encore s’exprimer dans le domaine réservé de la gestion de la République qui est mise en cause. Voila pourquoi au lieu de procès, nous avons besoin d’un véritable débat politique mais je doute fort que le Barreau du Cameroun soit capable de réorienter les débats vers cette direction. En parlant de solidarité, celle dont a fait montre Mongo Beti, le décès de Pius Njawé pionnier de la presse libre dans notre pays devrait être pour les uns et les autres l’occasion de prendre conscience de la nécessité d’un engagement vrai pour la reprise en main de notre pays. Ceci ne se fera que hors de tout esprit partisan et égoïste. Cela ne se fera que si au quotidien les uns et les autres deviennent responsables de ce qu’ils disent et de ceux qu’ils font ; En cela Pius Njawé a été un exemple vers lequel aujourd’hui beaucoup devrait regarder.

 

 

Ce sont les disfonctionnements que vous dénoncez ?


Pas uniquement. C’est une manière d’être de notre société, la sécurité routière, voila un pays où en une semaine on dénombre une centaine de morts dans nos routes sans que cela émeuve qui que ce soit ! N’allez surtout pas me parler des lettres de condoléances et des enquêtes qui sont le meilleur moyen de ne pas s’attaquer au fond du problème – la responsabilité de l’Etat d’une part et des citoyens d’autre part. Nous n’avons pas de route et c’est l’Etat qui est responsable, celles que nous avons sont mal faites et tue et c’est de la responsabilité des citoyens-conducteurs qui roulent comme des fous au grand mépris des vies humaines dont ils sont responsables. Que dire de la santé, l’état de délabrement de nos hôpitaux laisse tout citoyen responsable sans voix. La santé doit devenir un enjeu national quand on sait que nous avons perdu le combat de la prévention de la lutte contre le sida et les autres maladies sexuellement transmissibles, le diabète est en constante augmentation, les maladies cardio-vasculaires tuent de plus en plus. Que dire de la politique artistique ? Regardez le chef de l’Etat recevoir ses hôtes de marque, ils reçoivent depuis 30 ans le même présent. La musique camerounaise stagne et a une durée de vie limitée, elles se vend dans la rue au plus offrant au même titre que les filles de joie que notre pays produit à la chaîne grâce à des mécanismes savamment mis en place et qui maintiennent la population, la plus jeune et donc la plus fragile dans une misère qui ne dit plus son nom. Il est donc impérieux de recadrer tout dans notre pays afin de faire naître des valeurs collectives. Tout ce que je viens d’évoquer est politique, voila pourquoi le régime n’accepte pas que des camerounais se retrouvent à quelques lieux que ce soit pour en débattre. Le patrimoine monumental et architectural de notre pays tombe à la grande indifférence de ceux et celles qu’on nomme élites – j’ai visité la cathédrale Notre Dame des 7 Douleurs d’Akono, elle n’est plus qu’un tas de ruine – un jour elle s’effondrera sur les fidèles et tout le monde parlera de sorcellerie et d’irresponsabilité des victimes.

 

Vous êtes un des spécialistes les plus prolixes des rapports entre l’Etat et les religions en Afrique noire, au Cameroun, la religion est elle assez critique vis-à-vis du pouvoir politique ?

 

Beaucoup d’hommes de lettres au Cameroun ont été très critiques vis-à-vis de toutes les religions et tout particulièrement le christianisme dans son versant catholique. Mongo Beti et Ferdinand Oyono en ont été des locomotives dans la littérature camerounaise alors qu’en philosophie Marcien Towa a de tout temps pourfendu les enseignements de l’Eglise. Mais c’est de bonne guerre car les trois sont des fils rebelles de la même structure mais il est difficile de faire d’eux des anticléricaux ni même des antireligieux. On ne retrouve pas cet état d’esprit dans la littérature sénégalaise, béninoise ou ivoirienne qui sont les plus productives de l’Afrique noire au sortir de la colonisation. Le protestantisme est la mère du nationalisme camerounais différent du patriotisme. Je remarque que les premiers nationalistes camerounais viennent tous plus ou moins de cet esprit critique calviniste, Martin Paul Samba, Douala Manga Bell, Lottin à Samé, Um Nyobè, le couple Moumié pour ne citer que ceux-là. L’Eglise catholique fut au départ assez élitiste et l’élitisme s’est confondu au colonialisme voila pourquoi l’engagement politique d’André Marie Mbida a connu un succès mitigé mais dès les années soixante dix, le clergé indigène camerounais va s’engager résolument pour l’épanouissement des populations camerounaises et l’affaire dite Mgr Dongmo et le fameux coup d’Etat des anges est là pour témoigner de cet engagement.Cependant il faut reconnaître que l’affrontement entre le pouvoir politique et les religions a pu être évité au Cameroun peut-être à cause de la diversité des populations et des religions d’une part et d’autre part à cause de la répression des autorités politiques. Au Congo démocratique par exemple on a vu des hommes d’Eglise aux avants postes des manifestations contre le régime de Mobutu peut être justement parce que ce pays est majoritairement catholique. Au Cameroun les prises de position des personnalités cléricales comme Mgr Dongmo, Mgr Zoa, le père Engelbert Mveng ou encore de l’Abbé Jean Marc Ela et aujourd’hui du Cardinal Tumi sont apparues comme des goûtes d’eau à la mer parce que le pouvoir politique a réussi à faire des religions des auxiliaires de tribus à un moment crucial de notre histoire ; moment où l’on avait certainement besoin de voir les religions s’exprimer autrement. On est de la religion de sa tribu comme du parti politique de sa tribu et sous le parti unique les religions ont justement eu beaucoup de mal à se positionner de façon collective du côté de l’opprimé, de la veuve et de l’orphelin.


Vous parlez de 2011 comme d’un triomphe de l’esprit critique, est-ce seulement pour le Cameroun ou alors toute l’Afrique noire est concernée, celle justement qui célèbre les cinquante ans d’indépendance ?

 C’est un état d’esprit qui concerne toute l’Afrique noire, rien en Afrique ne sera plus comme avant – il y a eu des Conférences Nationales dès 1989 avec plus ou moins de succès suivant les pays. Ensuite nous avons eu les émeutes de la fin couplées des contestations contre la modification des constitutions visant à transformer des républiques en petits royaumes avec des familles régnantes. Regardez le Niger et la Guinée et dans une moindre mesure Madagascar. Lors du Sommet France Afrique à Nice au début du mois de juin 2010, si le Président Jacob Zuma d’Afrique du Sud a dit que l’Afrique ne veut plus de coup d’Etat, il a omis de dire que les peuples africains ne veulent plus des régimes qui asservissent leurs peuples, les spolient et enrichissent les banques et les pays occidentaux. Le club de nos chefs d’Etat aussi n’est pas représentatif ni de la démographie de la population africaine ni de la volonté du peuple, malheureusement aucun chef d’Etat n’a jugé bon de le rappeler ces 5 dernières années. Voila l’état d’esprit qui habite chaque jeune africain aujourd’hui.2011 pousse à l’émergence d’un espace public favorable au débat, ceux qui sont à la tête des Etats résistent mais regardez autour de vous, aucun africain ne croit plus que « tout pouvoir vient de Dieu », la plus petite tribu du plus petit village africain comme la plus grande tribu du plus grand royaume éprouve l’envie d’organiser la vie humaine pour plus de bien être aujourd’hui et pour les générations futures – c’est le travail que fait Cameroun Generation 2011 au quotidien. Toute l’Afrique est en marche et celle marche va au-delà des conservatismes néocoloniaux. Chacun doit prendre ses responsabilités non seulement visà- vis de l’Etat-Nation, mais surtout de lui-même car ce sont des choix individuels qui conditionnent les choix citoyens. Au sein de Cameroun Generation 2011, nous sommes convaincus que le peuple camerounais généreux et solidaire va relever le grand défi qui se pose à nous aujourd’hui ; c’est celui d’un engagement vrai et responsable, c’est la seule réponse que l’on puisse donner au régime.

 

 

« Le Cameroun de 2011, c’est le triomphe d’un esprit critique, le refus d’un dogmatisme politique qui risque de nous conduire au chaos ! »

On parle autour de vous d’un nouveau parti politique ?

Cameroun Generation 2010 a vocation à prendre le pouvoir par les urnes et ceci le plutôt possible avec le soutien de tous les camerounais et de toutes les camerounaises des villes comme des campagnes – nous avons cependant conscience que rien ne nous est acquis – nous devons aller chercher chaque voix, nous voulons toucher chaque camerounais quelque soit son lieu de résidence. Cameroun Generation 2011 est une plate forme portée par des partis politiques qui vont s’exprimer le moment venu – aujourd’hui il y a 6 partis politiques au sein de cette plate-forme dont le Mouvement Camerounais pour la Social-démocratie MCPSD qui est né il y a quelques semaines seulement – il entend se faire une place auprès des populations camerounaises par sa force de proposition. Ce parti est déjà sur le terrain et invite les populations à s’inscrire massivement sur les listes électorales ouvertes. C’est un devoir citoyen de s’inscrire sur les listes électorales afin, le moment venu de pouvoir participer au choix des responsables de demain. L’autre chose importante est que les populations doivent apprendre à se protéger entre elles, on doit protéger le vote de son voisin, il faut accompagner le voisin qui n’arrive plus à se déplacer, jusqu’au stand d’inscription – car le destin de notre pays ne peut que être collectif.

Entretien réalisé par Maurice Ze



20/08/2010
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