De quoi le 6 novembre 2010 est-il le nom et l’anniversaire ?

Manif RDPC:Camer.beAu moment où l’Afrique Noire fête le cinquantenaire de ses indépendances formelles, un autre cinquantenaire est passé sous silence par les Etats africains. Celui des assassinats de ceux des nôtres qui voulurent une indépendance réelle et sans conditions. Ailleurs comme au Cameroun, les noms des farouches défenseurs du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sont tus avec les mêmes méthodes répressives qui eurent raison de leur vie sur terre. Seule reste visible, l’histoire mise en scène par les vainqueurs d’hier et leurs continuateurs d’aujourd’hui. Paul Biya dont les partisans fêtent les 30 ans de pouvoir est de ceux-là alors que Félix Moumié et d’autres Africains, sont de ceux à qui les « vainqueurs » et leurs collabos ont tout pris.

Sans contester le droit à ceux qui fêtent le Renouveau National de le faire, montrons plutôt l’envers du décor. Essayons d’examiner et de mettre en lumière de quoi le 6 novembre 1982 est le nom, le début et le souvenir.

A cet effet, Regardons ce qu’il y’a derrière les pagnes, les casquettes, les écharpes et les parapluies à l’effigie du président camerounais. Laissons les adeptes du « griotisme alimentaire » continuer leurs discours vides sans aucuns faits justificatifs, pour une analyse critique et factuelle de cet anniversaire dans son sens politique. Oh oui, puisque c’est d’un anniversaire politique qu’il s’agit, le minimum de sérieux exige de le questionner sur ce plan, sachant que sa fonction est de transformer en mieux les réel des hommes, des choses et de leurs territoires.

Le réel des hommes, mieux des Camerounais en 2012

Le petit nombre de privilégiés qui considèrent 30 ans de Renouveau National comme un événement positif, est fait d’hommes et de femmes dont le sort et la vie réelle sont passés de l’ombre à la lumière parce que profiteurs de 30 ans d’une gouvernance devenue un exercice politique aberrant. C'est-à-dire, uniquement capable, non seulement de tendre vers les plus médiocres pratiques possibles, mais aussi d’enrichir à l’extrême ceux du système qui acceptent d’accumuler illicitement à condition de pas penser un seul instant occuper le poste de l’homme du 6 novembre 1982.

En conséquence, quand 30 ans après, champagnes à prix d’or, villas cossues et voitures de rêve constituent le réel des promoteurs du Renouveau National, la vie bonne promise le 6 novembre 1982 à la majeure partie des Camerounais, reste un rêve jamais vécu. Les 30 ans de Renouveau ont ainsi un goût de champagne pour les proches généalogiques et politiques du président, lorsque, dans son ensemble, le peuple camerounais a un goût de cendre dans la bouche. Ceci est lié au fait que, socio-politiquement parlant, cette date est celle de la désillusion totale d’un peuple qui, après le régime d’Ahidjo, avait cru que le 6 novembre était le début de son salut en tant que groupe humain méritant une vie meilleure. Près de trente ans après, autant les vainqueurs d’hier ont tout eu du Cameroun et ont tout pris aux combattants de l’indépendance, autant les vainqueurs d’aujourd’hui doivent tout au Cameroun mais prennent tout au peuple camerounais. Le 6 novembre 2012 est ainsi le souvenir d’une privatisation totale d’un pays et de ses ressources par un membre de l’élite néocoloniale africaine.

Et les Camerounais dans toute cette comédie ?

Le réel des Camerounais dont le 6 novembre 2012 est la mise en scène, est aussi celui des jeunes tombés en 2008 parce qu’ils osèrent crier leur souffrance et revendiquèrent un pays qui ne transforme pas sa Constitution en paillasson. C’est la remémoration des disparus de Bépenda, des victimes du commandement opérationnel et des parents de Bibi Ngota qui pleurent leurs fils tué par le pouvoir. C’est l’anniversaire honteux du séjour du président à la Baules, le triste rappel d’Elecam comme seul avenir démocratique du Cameroun, le signal d’un pouvoir machiavélique qui aime plus Pius Njawé mort que vivant. C’est l’anniversaire des jeunes camerounais au chômage, et d’un pays si corrompu qu’il n’arrive plus à s’acheter un avion présidentiel, sans que cela ne tourne à un mauvais film digne d’une mafia sicilienne.

Le réel des choses en 2012

Le 6 novembre 2012 est aussi le réel des choses sans lesquelles la vie n’est pas possible. La vie c’est en fait les hommes et les choses. Sur ce plan, le tableau est encore plus noir car le Renouveau National, ainsi que le dit Achille Mbembe, a transformé le Cameroun en une « des satrapies les plus vénales de tout le continent ». Les choses, c'est-à-dire, la gouvernance, le processus démocratique, le métier de journaliste, l’accès au soin de santé, l’emploi… sont donc dans un état que peuvent être les hommes qui vivent depuis trente ans une baisse générale de leur niveau de vie.

Le réel des choses en 2012 au Cameroun, c’est un 6 novembre qui devient le vécu d’un peuple qui n’a toujours pas d’eau potable et courante. C’est une événement politique qui confirme que le délestage du courant électrique est toujours le lot quotidien des Camerounais en 2012, que la Constitution est taillée suivant les désirs de Paul Biya, que les Lions Indomptables sont devenus des « Lions herbivores », que le choléra, maladie fossile au 21ème siècle, est toujours présent au sein d’un pays où le 6 novembre 1982 fut la promesse d’éradication des maux d’un autre siècle.

Cependant, aussi contrastant que cela puisse paraître, celui dont la gouvernance est responsable de tout ceci n’assume rien de ce réel minable des hommes et des choses. Lui et son système disent avoir tout bon et fêtent 30 ans d’un fiasco.

Ce 6 novembre est ainsi le rappel d’une exception politique mondiale. Celle d’un pays nommé le Cameroun où le Renouveau National, en poste depuis 1982, n’est pas responsable du piteux état des hommes, des choses et de leurs réels. C’est l’anniversaire d’un pouvoir vide de sens, de résultats et de responsabilité : un pouvoir où la fin est redoutée et qui considère la retraite de son leader comme une sanction que seule la mort a le droit d’infliger.

Le réel du territoire

Une fois les hommes et les choses mis ensemble au sein d’un territoire, nous pouvons aussi lire le réel du pays. Il est clair et sans ambiguïté : le 6 novembre 2012 est la réalité d’un Cameroun devenu Pauvre et Très Endetté plus de cinquante ans après les indépendances. Ceux qui fêtent le Renouveau National peuvent-ils nous démontrer que seuls la crise économique, l’esclavage et la dépendance internationale que pointe du doigt Paul Biya ces derniers temps, sont les seuls responsables de cette régression du statut de notre pays ?

S’ils nous disent oui, alors Le Renouveau National ne sert à rien car les mêmes réalités objectives ont existé avant lui et existeront après lui et sans lui.

Si par contre, ils nous disent non, alors ils reconnaîtraient que le Renouveau National, prouve, à travers l’opération épervier, qu’il a hypertrophié l’impact négatif de ces réalités objectives sur le réel du territoire camerounais.

Dans la sous région, notre territoire est désormais celui dont les fils azimutés et pauvres sont chassés comme de lapins de Guinée Equatoriale, du Gabon et de partout dans le monde où ils cherchent à faire leur trou par des moyens parfois illicites. Fame Ndongo ne savait pas si bien le dire, les Camerounais sont devenus des esclaves modernes d’une mal gouvernance qui fait que le pays n’a pas un stade de football digne de ce nom, pas un réseau ferroviaire digne de son gabarit, mais revêt le maillot jaune de la corruption.

Le 6 novembre 2012 est donc aussi l’incarnation d’un régime qui demande un plan Marshall après 30 ans d’exercice d’un pouvoir absolu. Demande qui signe son échec total, étant donné que les faits dont traite l’opération épervier discrédite une telle demande de sa part tout en montrant qu’il est une escroquerie politique.

(...)

Les souffrances des hommes, des choses et du territoire national sont légion. Le rôle du politicien dans cette situation et de les saisir, de les analyser, de les mettre en forme politique en d’en sortir une offre politique capable de redonner du sens, de la vie et de l’espoir aux populations. Si les uns fêtent aujourd’hui l’entrée dans le désespoir en 1982, nous voulons fêter la sortie de ce désespoir dès à présent.

NB: Certains intertitres sont de la rédaction de Camer.be

© Correspondance : Thierry AMOUGOU,Président , UCL Belgique


31/10/2012
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