Dans les prisons camerounaises les abandonnés galèrent pour survivre

Prisonniers Malades:Camer.beLe budget alloué par l'Etat à la prise en charge des détenus est si maigre que ces derniers comptent sur leurs familles pour manger, dormir et se soigner. Si celles-ci les abandonnent, ils vivotent, ou meurent… Le visiteur qui passe le portail entre la zone de fouille et le terrain de sport de la prison de New-Bell à Douala se croirait dans une foire. De nombreux jeunes détenus font l’aumône, criant à vous rompre les tympans. Le vacarme est encore plus assourdissant, un peu plus loin, sur le terrain qui mène aux cellules. 

"Grand ! J’ai été abandonné ici par ma famille et n'ai rien à manger." "Moi, je suis malade et je n'ai pas de l'argent pour me soigner, ma famille vit très loin au Nord du pays." "Regardez-moi ! S'il vous plaît. Je n'ai personne", s’égosillent les malheureux, maigres, les dents jaunies, couverts de gale, les cheveux ébouriffés, qui accompagnent nos pas.   

"Ce sont pour la plupart des détenus abandonnés par leurs familles qui en ont marre de leur mauvais comportement. Ils ne reçoivent généralement aucune visite et doivent quémander ou travailler pour les autres détenus pour survivre", explique un intendant de prison, et guide de circonstance. Le fonctionnaire ajoute que l'administration de la prison ne peut pas tout faire pour les pensionnaires de cette prison, toujours plus nombreux.

Une portion congrue

A quelques détails près, le même spectacle se reproduit dans les prisons de  Mbanga, Edéa, Ngambe où les détenus abandonnés racolent pour vivre. La ration pénale, constitué la plupart de temps de maïs mélangé à du haricot ou du riz est loin d'assurer l'équilibre alimentaire des détenus. Ceux qui reçoivent régulièrement des visites le comblent grâce aux repas ramenés par leur famille ou à la nourriture achetée dans les restaurants tenus par d'autres détenus. Sogmack Rosevelt,  condamné à 17 ans  de prison ferme à la prison de Ngambe, a toute l'attention de sa famille et mange à sa faim au point de se permettre quelques folies. "La famille m’a même envoyé l’argent de l’amende que j'ai dilapidé dans la mesure où j'ai encore du temps à passer ici… Quand je serai à moins d'un an de ma libération, elle me portera sûrement de l'argent pour la cause", se vante-t-il. 

Des prisonniers réussissent à compléter leur ration grâce aux revenus dégagés par une activité. Ils n’ont plus besoin de la parentèle. "Ça fait cinq ans que je suis ici ; beaucoup de membres de la famille qui m’aidaient sont morts. Je fabrique des chaînes, des gourmettes, des boucles, des bracelets. Le produit de la vente me permet alors de m'acheter du savon et de quoi manger pour compléter la minable ration pénale", explique Nyobe Billong Eric, en prison à Edéa.

L'assistance de la famille est tout aussi primordiale en cas de maladie. Les différentes infirmeries de la prison ne disposant de médicaments que pour des cas bénins. Tout traitement nécessitant des transferts dans des hôpitaux spécialisés ou la prescription de remèdes manquant à la pharmacie de la prison sont supportés par le détenu ou sa famille. Les abandonnés meurent alors faute de soins. Certains sont parfois aidés par les missionnaires et autres visiteurs des prisons. Une situation qui ne laisse pas indifférents les administrateurs de prison. "Cela serait une bonne chose d’améliorer les conditions de vie des détenus. Nous avons besoin de moulins à écraser le maïs, qui nous permettraient de varier et donc d’améliorer la ration pénale", explique  Mofa Godwin, le régisseur de la prison secondaire de Ngambe.

L’Etat n’assure pas

La galère des détenus abandonnés est la conséquence du budget minable qu'alloue  l'Etat pour la prise en charge des détenus. L'avocat Ngue Bong Simon Pierre accuse l’Etat de ne pas respecter la convention de Genève. "Celle-ci recommande que tout détenu doit recevoir de l'administration aux heures usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces".  Même accusation concernant les règles minima pour le traitement des détenus des Nations unies qui stipulent : "Pour les malades qui ont besoin de soins spéciaux, il faut prévoir le transfert vers des établissements pénitentiaires spécialisés ou vers des hôpitaux civils" aux frais de l'Etat.

Des manquements que l’homme de loi explique. "Dans le contexte général d’un pays pauvre, on ne peut pas s’attendre à ce qu’un secteur comme la prison, qui n’est pas prioritaire, soit au niveau des standards internationaux lorsque que les secteurs  prioritaires comme l’éducation, la santé, les routes, l’agriculture ne sont déjà pas pourvus. Il faut compter aussi avec la corruption qui détourne les crédits de leur objectif de bonne gestion des prisons et nous empêche de nous rapprocher des minima internationaux", conclut Me Ngue Bong.

© (JADE) : Christian Locka


17/07/2012
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