Dans l’antre de la tragédie ivoirienne
26.12.2010 - Dans l’antre de la tragédie ivoirienneActe I : Aux grands maux, les grands remèdes !
A présent qu’il avait retrouvé intimité du Palais sitôt avoir prêté serment, il ressassait regrets et colère d’un happy end plutôt inattendu, haletant. Il s’en serait bien passé, Son Excellence Monsieur le Président ! Leurs sondages lui prédisaient une victoire éclatante, sans appel. Mais de tout cela, il n’en a rien été. Plutôt que le paradis que lui chantait la démocratie, c’est à présent l’enfer qu’il va falloir affronter. Un véritable précipice ! Comment est-ce donc possible ? se demanda-t-il avec véhémence.
Au nom de quoi interviendront-ils, ces rapaces sans foi ni loi ? N’ont-ils pas compris que mon peuple est désormais souverain ? Pourquoi n’ont-ils pas intervenu au Kenya ou encore en Iran, ces impérialistes ? Et d’ailleurs, je ne suis certainement pas aussi mauvais que ces dinosaurus Grands manitous de la Constitution, dits aussi démocrates, à l’endroit desquels ces enfoirés illuminés n’ont de cesse eu à tarir d’éloges. Mon peuple m’a élu, et j’y reste, bien sûr pour sa seule et vraie souveraineté !!! Je tiens ma légitimité du Conseil suprême. J’incarne le respect de la légalité constitutionnelle. Ils doivent savoir que dans le droit ivoirien, c’est le Conseil suprême qui prime ! Le droit, c’est bien eux les Blancs qui l’ont inventé ! N’est-ce pas ?
Putains de sondages ! Ils ne me le reprendront plus. Eh, oui ! Je connais à présent la chanson, …c’est deuxième gaou qui est gnaka… !!!... Place à présent à un gouvernement de crise. Le joker, c’est bien lui, Blé-gou-dé ! On refait le match.
Acte II : Seul contre tous !
(…)
— C’est bien clair que ce fou égaré ne s’éclipsera pas de lui-même !
— Il va falloir pourtant faire vite. C’est si étroit l’hôtel, pour un gouvernement national.
— A propos, j’ai discuté avec tous les actionnaires, il va falloir à présent que tu bouges le cul, mon vieux !
— Que faire donc, cher ami ?
— La rue
— Mais je suis un pacifiste, tu le sais !
— Pas d’omelette sans casser les œufs.
— Mais les omelettes, je les ai déjà cassées depuis Forces nouvelles !
— Comme tu le vois, c’est loin d’être suffisant.
— Comment ça se fait que c’est loin d’être suffisant ?
— La vie n’aime pas les naïfs. Alors bouge le cul, mon Dieu !
— Que faire donc, cher ami ?
— La rue, la Télé… Et nos amis de la Cedeao s’occuperont du cas spécifique des Finances.
— Il faudra sans doute s’attendre à une nouvelle effusion de sang !
— Nos amis de la Cour avertiront.
— Et si ça ne marche pas, vous savez qu’il a eu à se doter du matériel auprès des Russes ?
— Un scénario Forces Nouvelles-Licorne-Cedeao sous couvert de nos bérets bleus est à l’étude. Goodluck&Cie ont d’ores et déjà reçu instruction de le bannir, aussi bien officiellement qu’officieusement. Nous ne pouvons nous permettre de perdre la main. Alors assez parlé. Tu l’annonces pour jeudi, ta marche.
— Ok, ça marche, cher ami.
Qu’il s’entête, cette espèce d’enfoiré de dictateur, et c’en sera terminé pour lui. Je ne le laisserai pas gâcher ma prometteuse carrière de diplomate. Assez durée la comédie. Il doit savoir que le Sud de la Corée est bien différent du Nord de la Corée. Qu’il s’accroche, alors il partira à la Allende, le bidon !
Acte III : Sang pour sang forever
— Tu ne cèdes pas chéri, nous allons montrer à ces voyous ce que le singe mange avant de boire de l’eau. La Côte d’Ivoire n’est pas un Dom ni un Tom. La Côte d’Ivoire n’est pas non plus en Afrique Centrale.
— Tu sais bien que j’ai toujours été un dur à cuire, chérie !
— Que tu es mmm’merveilleux, chéri ! C’est pour cela que je t’ai toujours aimé. Tu ne te laisses pas faire face à ces bougnouls de soi-disant civilisés.
— Hummmm…un verre de Walker, chérie.
Non, il n’y a pas de raison que je me laisse fourvoyer ! Où est le vote moderne quand l’iman donne les consignes à la mosquée et que tous ses fidèles le suivent comme un seul homme ? Où est la démocratie quand tout le monde triche ? La Côte d’Ivoire est en phase d’apprentissage démocratique et c’est à moi de la guider, jusqu’à ce que la leçon soit apprise. Alors, bien sûr, on va me condamner. Les Américains, les Français vont me condamner. Je ne suis pas Israël, je ne suis pas Moubarak, je ne suis pas Karzaï. Je ne suis qu’un Africain. Mais je résisterai. J’ai le cuir épais. Il y a dix ans je n’étais encore qu’un opposant, dix ans après je ne reste encore qu’un opposant. Et demain je ne demeurerai qu’un opposant.
Une bonne gorgée en guise d’exutoire !
— J’y suis, et bien sûr j’y reste.
— La souveraineté du peuple n’a pas de prix, chéri !
— Je leur ai déjà dit et je le répète : Qui veut le fauteuil, devra d’abord me passer sur le corps !
— Sang pour sang, chéri.
Au cœur des certitudes, l’ivresse résolue d’une détermination. Il esquissa quelques pas et se connecta sur sa chaîne à lui, la seule qu’il reconnaisse. Sur le front de la communication, la partie reste bien sûr des plus inégales, il le sait. Qu’importe. Du seul contre tous. Du David contre Goliath ! Mais le pays ne basculera pas à nouveau entre les mains des étrangers ! Le mot d’ordre est lâché aux premières heures des empoignades, et la flamme ainsi allumée restera entretenue par toutes les bonnes volontés du pays profond. Urgence oblige ! Désormais sa question est des plus internationales, et il sait que cela signifie pour le petit africain qu’il est, un paria et rien d’autre. Un démon accompli ! Il se battra envers et contre tous au nom de son attachement à son peuple. Et d’ailleurs, il l’a expliqué et réexpliqué aux siens. Que son peuple ait désormais compris le sens de son combat ou non. Que son peuple ait reconnu la légitimité de son combat ou non. Et cela aussi, c’est bien au nom de la démocratie qu’il se sait engagé. Alors, il ne cèdera pas.
A présent que la Cpi s’ingénie fièrement à compter les corps, advienne que pourra ! Vive la République.
Badiadji Horretowdo
CL-Expert
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