Dans la prison de New Bell, Elysée, une voix qui compte à la cellule n° 13

Dans la prison de New Bell, Elysée, une voix qui compte à la cellule n° 13

Prison Newbell:Camer.beAvec autorité, Elysée Ayangma encourage ses codétenus à vivre dans un environnement propre et paisible. Le chef de la cellule n°13, à la prison de New Bell à Douala, y trouve aussi son intérêt.Agé 33 ans, le jeune homme est fier de sa chemise blanche impeccable. Elysée Ayangma se démarque des autres détenus assis près de lui, vêtus de guenilles ou de vêtements sales. Elysée montre l’exemple, l’une de ses tâches étant de veiller à l’hygiène de cette cellule 13 où il commande 112 détenus. Chaque matin, il s’assure que la geôle est nettoyée, que la literie est propre et bien rangée, que  les détenus se lavent au moins une fois par jour.

Sauvegarder le calme

Son travail ne s’arrête pas là. Il veille aussi au maintien de l’ordre. Une main-courante lui permet de dresser des rapports journaliers de ce qui se passe dans sa cellule. Indisciplines, vols, bagarres : il note tout et fait son rapport à l’administration pénitentiaire, "dans le but de régler les problèmes". 
"Grâce à mon autorité, les bagarres sont devenues rares au sein de la cellule 13. Je fais tout pour sauvegarder le calme", assure Elysée

Les détenus le sollicitent autant que l’administration. Il peut intervenir pour faire soigner rapidement les malades à l’infirmerie. En cas d’épidémies, Elysée et les autres chefs de cellules adressent des demandes de soutien aux associations caritatives qui travaillent en milieu carcéral. Elles font don de matériel (eau de javel, crésyl …) pour désinfecter les cellules et éviter les contaminations.

Autre tâche et non des moindres, le recensement des prisonniers qui ont purgé leur peine mais ne sont pas encore libérés. Le jeune chef adresse alors des correspondances au procureur de la République pour signaler ces abus. "Grâce à mes interventions plus de 20 détenus ont été libérés dans la cellule 13 depuis 2010", se félicite-t-il.

Son autorité est parfois contestée par certains prisonniers. "Je les interpelle. Après deux ou trois avertissements, s’ils n’écoutent pas, j’avise l’administration pénitentiaire, car je ne peux pas les contraindre à obéir", explique-t-il.

Ce travail de chef de cellule n’est pas rémunéré. "Ce sont les visites de mes proches qui me permettent de vivre décemment. Je ne quémande pas comme le font les détenus indigents", assure Elysée Au contraire, quand un visiteur lui donne des pièces de monnaie, il les distribue aussitôt à ses codétenus. "Ce sont des pingouins (indigents dans le jargon de la prison). Ils ont plus que moi besoin de cet argent", précise-t-il, sourire en coin. "Ai-je l’air d’un pauvre?", se vante-t-il, en palpant ses vêtements blancs et propres. "Mon train de vie est resté le même en dépit de mon incarcération", assure-t-il.

Des gros sous aussi

Avant tout, Elysée aime son titre. "L’avantage, nous dit le jeune homme, c’est que je ne manque jamais de compagnie. Ça fait du bien de savoir que même dans un milieu comme celui-ci, il ya des gens qui compte sur nous". Malgré sa fonction de chef de cellule, tout n’est pas rose pour Elysée. Certains prisonniers le détestent. "Des commérages circulent sur mon compte. Des détenus sont jaloux de moi". Ceux qui n’approuvent pas ses décisions le prennent souvent à partie. "Tu essaies de ramener quelqu’un à l’ordre, il n’est pas content et te lance des injures", se plaint le jeune chef, qui attribue sa position à sa bonne moralité. Une allégation que réfute un responsable de l’administration pénitentiaire. "Elysée Ayangma est en prison pour une affaire de vol à main armée. Il a même refusé de se présenter au tribunal militaire la dernière fois qu’il y a été convoqué", précise le fonctionnaire.
 
Selon Léon D, ex-détenu à la prison de New Bell, les chefs de cellule sont tous des nantis. Pour avoir le droit de dormir sur des matelas, les prisonniers sont contraints de leur verser des sommes d’argent variant de 15 000Fcfa à 55 000Fcfa. "C’est une grosse affaire qui rapporte beaucoup d’argent. Certains investissent cet argent dans des activités génératrices de revenus au sein de la prison, et parfois dehors", témoigne Léon, qui dénonce en outre le pouvoir de contrainte de ces chefs. Ils peuvent ordonner l’enfermement des détenus désobéissants dans des cachots situés à l’intérieur des cellules ou les faire tabasser. Leurs pouvoirs sont heureusement limités. Pas question par exemple de priver un détenu de nourriture.

© Correspondance : Anne Matho


31/01/2012
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