Dans la prison centrale de Bafoussam: Le condamné à mort Siméon Ndappé survit depuis 30 ans

DOUALA - 26 JAN. 2012
© Guy Modeste DZUDIE | Le Messager

Condamné à mort en 1982, Siméon Ndappé, le doyen de la prison de Bafoussam, sollicite la grâce présidentielle. Des requêtes ont été envoyées au ministre de la Justice.

Le temps a flétri le visage de Siméon Ndappé. Mais ce condamné à mort de plus de 55 ans garde un moral d'acier. Il séjourne dans les locaux de la prison centrale de Bafoussam depuis février 1982. Il y a été enfermé, une première fois, pour recel et évasion. Un séjour carcéral prolongé à la suite d'une condamnation à mort pour vol aggravé. «Alors que je purgeais ma première peine, un jour l'on m'a extrait de la prison pour m'emmener au commissariat où l'on m'a accusé de recel de malfaiteurs. Il s'agissait des locataires qui vivaient dans notre maison familiale à Tamdja. Au poste de police, je me suis révolté et j'ai pris la fuite. J'ai été repris plus tard avec des objets volés. Et cette fois, on m'a collé sur le dos une condamnation à mort pour coaction de vol aggravé», raconte-t-il.

Le samedi 10 décembre 2011, journée de célébration de la 53e édition de l'anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme de l'Onu, le condamné à mort Siméon Ndappé a revendiqué sa remise en liberté. Ce jour-là, il a traversé la cour, d'un pas hésitant et sans dire un mot. «Grand frère, faites un geste pour nous», l'ont interpellé de jeunes détenus, alors qu'il venait s'exprimer sur cette question devant l'entrée principale de la prison centrale de Bafoussam. Vêtu d'un blouson rouge délavé aux manches élimées, la tête couverte d'un large chapeau noir, il porte des lunettes à monture dorée de pacotille. Il s'est assis, fragile, sur le banc réservé aux condamnés dans le hall des visites.


Des cris pour la liberté

«Je veux sortir d'ici», lance-t-il, la voix aiguë et pointue. «Je ne comprends rien de ce qui m'arrive. Je revendique l'application en ma faveur de neuf décrets présidentiels graciant les condamnés du Cameroun. Si on applique les mesures du chef de l'Etat, je crois pouvoir être libre. Je n'ai commis ni un crime économique ni un crime de sang», plaide-t-il, en brandissant une pile de documents.

Un ensemble d'écrits constitué de trois requêtes adressées au vice-Premier ministre chargé de la Justice pour obtenir la grâce présidentielle. Elles datent du 22 septembre 2008, du 04 octobre 2010 et du 18 juillet 2011. A celle de 2010, sont joints une copie du mandat de dépôt du 30 juin 1987 et de l'arrêt de la Cour suprême prononçant la clôture de son affaire le 24 août 1995. Une décision dont il n'aurait eu copie, selon ses dires, que quatre ans après son prononcé, faute d'avoir été prévenu par son avocat. Ce qui lui a valu de se voir débouter en cassation.

S'estimant trahi par son conseil, Siméon Ndappé a pris, tout seul, son destin en main pour défendre sa cause devant les instances compétentes en matière de gestion des grâces accordées par le président de la République. Il s'appuie particulièrement sur le décret 99/294 qui devrait commuer sa peine de mort en une condamnation à perpétuité. «Si, depuis, on avait appliqué les différentes grâces en ma faveur, je serais déjà libre», regrette-t-il. Cependant, le greffe de la prison centrale de Bafoussam fait savoir que le dossier de M. Ndappé ne prospère pas du fait qu'il serait récidiviste. Ce que conteste Siméon Ndappé dans la requête adressée le 18 juillet 2011 au vice-Premier ministre chargé de la Justice.


Des espérances

Militant de Ridev, une organisation de défense des droits de l'homme à Bafoussam, Ntiechu Marna met en cause la peine de mort. «Au Cameroun, les condamnés à mort n'ont pour seul recours que la grâce présidentielle. Etant donné les lenteurs judicaires et les manœuvres de corruption entourant cette mesure, elle est difficilement applicable en leur faveur, alors qu'ils sont soumis à une pression inhumaine», déplore-t-il.

En attendant son éventuelle libération, Siméon Ndappé se console grâce au soutien de l'un de ses fils. «Il y a quelques années, mon fils était ici, en prison avec moi. Depuis qu'il est sorti, il vient me rendre visite. Je peux dire que ma seule chance dans la vie, c'est d'avoir pu me marier à 18 ans», déclare-t-il. En prison il a appris les métiers de bijoutier et de vannier, qui lui permettent de se nourrir et de se soigner. Mais il veut vivre mieux que ça : «Au cas où je suis libéré, je vais rentrer cultiver ma plantation à Fongou du côté de la rive gauche du Pont du Noun».





27/01/2012
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