CRISE POST ELECTORALE AU GABON : LA DIFFICILE SORTIE PAR LE CONSENSUS

CRISE POST ELECTORALE AU GABON : LA DIFFICILE SORTIE PAR LE CONSENSUS
De passage au Cameroun pour l’Europe, l’un des hauts lieutenants de la Campagne de M. Jean PING répond à nos questions sur la crise postélectorale gabonaise qui défraie la chronique depuis le scrutin présidentiel du 27 Août 2016 au Gabon.
Secrétaire Exécutif du Parti Politique des Souverainistes-Ecologistes, Monsieur Michel ONGOUNDOU LOUNDAH, puisqu’il s’agit de lui, est  l’un des principaux porte-paroles de Monsieur Jean PING, Candidat qui clame sa victoire mais officiellement déclaré vaincu par le Président sortant, Ali BONGO ONDIMBA.  Pour lui comme pour bien des Gabonais, il n’y a aucun doute que Jean PING est le  vainqueur de l’élection présidentielle gabonaise du 27 Août 2016 et doit gouverner le Gabon pour les sept prochaines années.  A cœur ouvert, il répond sans hésitations ni tergiversations, à nos questions sur les principaux points d’ombre d’une crise qui encense les débats politiques et reste l’actualité politique majeure de l’Afrique Centrale en ce moment.
 

Monsieur le Secrétaire Exécutif  Bonsoir !

 

Bonsoir Monsieur !

Dites-nous ; que faites-vous au Cameroun en ce moment ?

Je suis de passage pour Paris, et j’ai voulu profiter de ce court séjour au Cameroun pour rencontrer mes amis.

 

Qu’allez-vous faire à Paris alors que votre pays est dans la tourmente depuis le scrutin présidentiel du samedi 27 Aout dernier au cours duquel on vous a vu aux côtés du Candidat Jean PING  comme l’un de ses principaux porte-paroles pendant la campagne électorale.

J’ai une partie de ma famille qui vit en France, j’y vais donc pour des raisons privées, mais je vais en profiter pour honorer des rendez-vous à caractère politique. Après ça, je rentrerai dans mon pays.

 

S’agissant de la campagne électorale, dans l’opinion, votre candidat qui revendique la victoire au terme du scrutin présidentiel, s’est illustré par des discours xénophobes lorsqu’il insiste sur l’origine non Gabonaise du Président Sortant et remet en doute son éligibilité alors qu’on connait que lui-même n’est pas entièrement gabonais et même africain. Qu’est ce que vous en pensez ?

Tout cela est totalement ridicule ! Je mets au défi tous les contempteurs de Jean PING d’apporter la moindre preuve sur des propos prétendument xénophobes qu’il aurait tenus. En réalité, toutes ces accusations grotesques participent d’une stratégie de défense de la part d’Ali Bongo qui a violé les dispositions de l’article 10 de notre Loi fondamentale. En effet, s’agissant de la question d’éligibilité à la présidence de la République, la Constitution Gabonaise dispose que  « Toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise ne peut se présenter comme candidat à la Présidence de la République. Seule sa descendance ayant demeuré sans discontinuité au Gabon le peut, à partir de la quatrième génération ». Cette importante disposition a été introduite expressément par le Président Omar BONGO ONDIMBA en 2005, et je dois dire que ce n’était pas innocent. A mon avis, il l’a fait pour « régler » un problème dans sa famille, en prenant soin de ne pas l’étaler sur la place publique. En bon patriarche Bantou, Omar BONGO ONDIMBA ne pouvait pas désavouer publiquement Ali BONGO dont il connaissait les ambitions. Il est donc passé par le biais de la Constitution. Sinon, comment  comprendre qu’un homme qui a adopté des dizaines d’enfants à travers le monde ait pu insérer dans la Loi fondamentale une telle mesure ? Si nos adversaires cherchent un xénophobe, alors, qu’ils  aillent s’adresser à BONGO père ! Tout ce que Jean PING et l’ensemble des patriotes Gabonais demandent, c’est  le respect de la Constitution et rien d’autre. Incapable d’apporter la moindre preuve crédible sur ses origines gabonaises, Monsieur Ali Bongo s’est couvert de ridicule en janvier 2015, en répondant à une question du journaliste Alain FOKA : à cette occasion, il a mis au défi quiconque douterait de sa nationale gabonaise d’origine d’en apporter la preuve. Je voudrais lui rappeler que selon l’article 42 du Code de nationalité gabonaise, la charge de la preuve incombe à celui dont la nationalité est remise en cause. C’aurait été simple pour lui de faire comme le président américain Barack Obama qui, lorsque Donald Trump a émis des doutes sur sa nationalité américaine, est allé à Hawaï sortir son acte de naissance qu’il a publié. Ce document est d’ailleurs disponible sur Internet. 

 

Revenons sur les élections proprement dites. Sur quoi fondez-vous la victoire supposée de Jean PING ?

La victoire de Jean PING n’est pas supposée ; elle est effective. C’est même une raclée que M. PING a infligée à Ali BONGO. D’après les résultats publiés par l’Administration qui, soit dit en passant, est au service exclusif du pouvoir, Jean a largement remporté le scrutin dans 6 des 9 provinces que compte le pays. Pour vous donner une idée du rapport de forces : Jean PING a non seulement gagné dans la province de l’Estuaire (Libreville) qui compte plus de la moitié du corps électoral gabonais, mais également dans l’Ogooué-Maritime (Port-Gentil), le Woleu-Ntem (Oyem), le Moyen-Ogooué (Lambaréné), la Ngounié (Mouila) et la Nyanga (Tchibanga).  D’après nos calculs, M. PING a remporté cette élection avec un peu plus de 60% des voix contre 35% pour Ali BONGO. Ce sont ces résultats que M. Ali BONGO et ses affidés essaient de travestir en instrumentalisant la province du Haut-Ogooué. Pourquoi le Haut-Ogooué ? Tout simplement parce qu’elle est la province natale d’Omar BONGO, et de ce fait, elle a toujours été présentée comme le fief politique des BONGO. Mais c’est une imposture : les ressortissants du Haut-Ogooué, et j’en fais partie, souffrent des mêmes maux que tous les Gabonais. Ils ne sont nullement les suppôts du régime cinquantenaire des BONGO. Il se trouve simplement qu’à chaque élection présidentielle, le pouvoir en place se sert de cette province comme variable d’ajustement pour essayer de combler le déficit en nombre de voix que son candidat accuse dans les autres localités du pays. D’où, d’une part, le gonflement astronomique et artificiel du corps électoral dans le Haut-Ogooué à la veille de chaque scrutin, et, d’autre part la communication toujours en retardée des résultats de cette province. On l’a encore vu à l’occasion de l’élection présidentielle du 27 août dernier : non seulement la population du Haut-Ogooué a plus que triplé en une nuit, mais en plus la Commission électorale a mis plus de 4 jours pour communiquer les résultats des 297 bureaux de vote de cette province. C’était tellement grossier que c’en était ridicule.  D’ailleurs, un crime n’étant jamais parfait, le Gouverneur de cette province a d’abord publié les résultats y donnant un taux de participation de 95,89%. Mais comme ce chiffre ne permettait pas à Ali BONGO de combler le retard de plus de 60 000 voix qu’il avait vis-à-vis de Jean PING,  son Ministre de l’Intérieur a carrément sombré dans le grotesque en publiant un taux de participation record de 99,93%. Du jamais vu ! Même dans les pays où le vote est obligatoire, comme la Belgique, le Luxembourg, la Grèce, Chypre…, on n’a jamais atteint de tels chiffres. Les presque 100% de participation attribués au Haut-Ogooué relèvent donc de l’extraordinaire, dans un pays où le vote n’est pas obligatoire et où le civisme n’est pas la chose la mieux partagée. De toutes les façons, d’après les procès-verbaux en notre possession, le taux de participation dans cette province était d’environ 70%. D’ailleurs, un autre élément vient balayer les chiffres publiés par le Ministre de l’Intérieur : le nombre d’abstentionnistes relevé par les observateurs de l’Union Européenne dans la quarantaine de bureaux de votes qu’ils ont visités, étaient nettement supérieur à ceux annoncés par les autorités sur l’ensemble de la province. Au-delà de la fraude, qui est inscrite dans l’ADN du régime PDG/Bongo, ce qui me scandalise c’est le cynisme d’Ali BONGO qui a délibérément choisi de livrer les ressortissants du Haut-Ogooué en les faisant apparaitre comme les soutiens inconditionnels du régime en place. En tout cas, au vu des vrais résultats des urnes, les Gabonais se sont exprimés au moins à 60% en faveur de Jean PING et le choix de ce peuple doit être tout simplement respecté. 

 

Pourquoi Jean PING a-t-il finalement déposé le recours à la Cour constitutionnelle alors qu’il déclarait ouvertement ne point faire confiance à cette Cour qui d’après lui, serait acquise à la cause de la famille BONGO ?

Dire que la Cour Constitutionnelle est acquise à la cause de la famille Bongo est une lapalissade.  Tout le monde sait que sa présidente, qui est là depuis la création de cette institution en 1991, est de la famille Bongo. En plus, ses membres sont nommés par le Président de la République. Néanmoins, nous sommes allés à la Cour Constitutionnelle d’abord pour mettre les membres de cette Cour à l’épreuve de leur conscience républicaine, ensuite pour que l’opinion publique nationale et internationale ne dise pas que nous n’aurions pas épuisé toutes les voies de recours possibles pour montrer notre volonté de voir ce problème réglé dans le cadre institutionnel.

 

Que ferez-vous si la Cour Constitutionnelle confirme la victoire d’Ali Bongo déjà déclarée par la CENAP et le Ministre de l’Intérieur ?

Alors dans ce cas, nous appellerons le peuple Gabonais à se lever pour défendre et récupérer sa victoire. C’est au peuple Gabonais qu’appartient la souveraineté ;  et ce peuple l’a clairement exprimée  le 27 août dernier. Je suis donc persuadé qu’il va défendre l’expression de son suffrage contre vents et marrées. Nul n’est au dessus du peuple. Si la sentence de la Cour Constitutionnelle est pour la vérité des urnes et donc en faveur de notre Candidat, nous applaudirons ; mais si la Cour cautionne l’imposture en validant le hold-up qui s’est tramé, nous inviterons le peuple à se lever pour défendre son vote.
Ali BONGO a parlé de sa volonté de travailler avec tous les Gabonais de tous bords politiques. Etes-vous prêts à saisir la main tendue pour un gouvernement d’union nationale pour sortir définitivement de la crise ? 
Nous sommes allés à cette élection avec un projet de société que les Gabonais ont clairement choisi, il s’agit pour nous maintenant de le mettre en œuvre après avoir récupéré le pouvoir. Pour nous, il n’est donc pas question d’un quelconque marchandage d’arrière-boutique. Ali BONGO a perdu les élections, il doit le reconnaitre et partir. C’est tout ! 

 

Et si c’est votre Candidat Jean PING qui est finalement proclamé élu après l’examen de votre recours par la Cour Constitutionnelle, serez-vous prêts à tendre la main au camp d’Ali BONGO pour un Gouvernement d’Union nationale comme lui se dit disposé à le faire si sa victoire est définitivement proclamée en dernier ressort par la Cour Constitutionnelle ?

Je n’ai lu nulle part dans le projet de société de M. PING la moindre allusion à ce que vous appelez « gouvernement d’union nationale ». Je ne peux donc pas répondre à cette question. 

 

Parlant de projet de société, il nous semble que votre Candidat n’en avait pas du tout étant donné que répondant à une question d’un journaliste camerounais, il a dit que c’est après la victoire que vous verrez ce qu’il y a à faire ?

Il y a peut-être eu un malentendu, car Monsieur Jean PING a été le premier à dévoiler son projet de société et ses engagements. C’était au début du mois de Mai, devant la presse gabonaise et internationale à la Chambre de Commerce de Libreville. Pour rappel, ce projet repose sur deux piliers : « Le Gabon à l’abri de la peur. Le Gabon à l’abri du besoin ». Il est disponible sur Internet. Entre autres engagements, M. PING a décidé de ne faire qu’un seul mandat, le temps, pour lui, de redresser le Gabon. Ce qui est différent des autres qui se battent pour des pouvoirs à perpétuité. Je me souviens qu’à l’époque certains l’avaient accusé d’aller trop vite en besogne.

 

Vous exigez le décompte des résultats bureau de vote par bureau de vote dans la province du Haut Ogooué, est-ce que ce décompte est prévu dans la loi électorale gabonaise ?
Si le recomptage par bureau de vote n’est pas prévu, il n’est pas non plus interdit expressément. Et je crois savoir qu’en droit, ce qui n’est pas interdit est permis. Pourquoi refuser de le faire si tant est qu’il viendra rétablir la vérité sur les positions des uns et des autres ? C’est une simple question de bon sens, et même de patriotisme, puisqu’il en va de la paix sociale et de l’avenir du Gabon. Cette position est d’ailleurs partagée par tout le monde, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du Gabon, à l’exception, bien sûr, du camp d’Ali BONGO. Il n’y a que 297 bureaux de vote dans le Haut-Ogooué, leur recomptage prendrait moins de 5 heures. Nos adversaires ne peuvent pas continuer à se réfugier derrière un prétendu vide juridique, nous sommes déjà à plus de 50 morts du fait de l’entêtement d’Ali BONGO qui refuse de se plier à la volonté du peuple. 

 

Mais, l’opinion vous rétorque que Monsieur Jean PING avait refusé ce même décompte que demandait Laurent GBAGBO en 2010, alors qu’il était Président de la Commission de l’Union Africaine. Pourquoi demande t-il aujourd’hui, ce qu’il avait refusé à GBAGBO en 2010 dans les circonstances similaires ?

Je dois dire que c’est un procès en sorcellerie qu’on fait à Monsieur Jean PING sur ce sujet. C’est l’Union Européenne sous la bannière de l’ONU qui avait organisé les élections en Côte d’Ivoire et non l’Union Africaine. Ensuite, le Président de la Commission de l’UA n’est rien d’autre qu’un porte- parole des Chefs d’Etats Africains qui sont les vrais décideurs. Jean PING n’avait rien et absolument rien à voir avec la décision de décompter ou non les résultats des votes  en Côte d’Ivoire. 

 

Monsieur le Secrétaire Exécutif, quel est vote message à vos compatriotes Gabonais face à la situation qui prévaut actuellement dans votre pays ?

 
Je demande aux Gabonais de veiller à ce que la démocratie triomphe dans notre pays et que la vérité des urnes soit respectée. Le Gabon, notre pays à nous tous, n’est pas un jouet à laisser entre les mains d’Ali BONGO. C’est aujourd’hui ou jamais, que nous devons mettre fin à l’imposture au Gabon et ouvrir une nouvelle ère pour notre pays, pour notre peuple, pour notre jeunesse. Nous ne pouvons plus reculer, nous devons aller jusqu’au bout, car la mémoire de chaque Gabonais tombé sous les balles d’Ali BONGO nous interpelle. 
 

Monsieur Michel ONGOUNDOU, nous vous remercions d’avoir répondu à nos questions.

C’est moi qui vous remercie, de m’avoir permis de m’exprimer sur votre média et j’espère, en toute modestie, que cet entretien aidera à éclairer l’opinion sur les réalités de la situation au Gabon depuis le scrutin présidentiel du 27 Août 2016.

 

 
 
 


13/09/2016
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