CRISE IVOIRIENNE: de quels progrès parle Odinga?

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CRISE IVOIRIENNE: de quels progrès parle Odinga?
(Le Pays 19/01/2011)


Raila Odinga, le Premier ministre kényan, dit avoir eu des discussions utiles à Abidjan avec Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara. Cela voudrait-il dire que Gbagbo a enfin accepté de céder le pouvoir à son rival ? Sinon, de quel progrès parle-t-il ? A quel compromis a-t-il abouti avec les deux protagonistes ? Après la Tunisie, la Côte d’Ivoire semble revenir au cœur des préoccupations de la communauté internationale.

D’autres pays du continent se préparant à consulter l’électorat, il convient en effet de trouver une issue à cette crise qui mobilise bien des énergies et donne des céphalées aux plus patients et habiles négociateurs. En ce qui le concerne, Odinga vient-il au bord de la Lagune Ebrié en émissaire résolu de l’Union africaine ou en médiateur ? En effet, une certaine ambiguïté entache le rôle du chef du gouvernement kényan. Le discours de celui-ci donne le sentiment aux plus sceptiques que Gbagbo dispose d’arguments convaincants au point de contraindre tout émissaire à reconsidérer sa position.

A moins d’une stratégie bien orchestrée et huilée, il y a vraiment de quoi se poser des questions. Ce second séjour en terre ivoirienne du Premier ministre kényan coïncide avec la réunion des chefs d’état-major de la CEDEAO à Bamako. De quoi se convaincre que l’intervention militaire est toujours à l’ordre du jour. Mais de quel partage du pouvoir parle-t-on ? Odinga chercherait-il à semer délibérement le doute dans les esprits ? Que se passe-t-il vraiment sur le terrain ? Le contenu des négociations aurait-il changé ? Quelles décisions attendre alors de la rencontre de Bamako qui apparaît décisive ?

On se rappelle, Odinga avait soutenu en début de mission qu’il n’était pas question de mettre en place un scénario de type kényan entendu au sens d’un partage du pouvoir entre vainqueur et vaincu, le fameux gouvernement d’union nationale. Aujourd’hui, il y a de quoi s’interroger sur la manière dont il conduit sa mission. Il est vrai que Alassane Ouattara, le vainqueur reconnu par la communauté internationale, n’a jusque-là jamais écarté la possibilité d’ouvrir son gouvernement aux partisans de Laurent Gbagbo. Mais Gbagbo et ses partisans accepteront-ils vraiment de jouer les seconds rôles ? En d’autres termes, iront-ils jusqu’à admettre leur défaite et, par ricochet, reconnaître la victoire de leur adversaire "bandit" ? Rien n’est moins sûr.

Le symbole du pouvoir, autrement dit le palais de Cocody où Gbagbo a poussé racines, est aujourd’hui devenu une forteresse. Et il est hors de doute qu’après avoir goûté, de longues années durant, aux délices du libéralisme économique, le FPI et ses militants "socialistes" renonceront difficilement aux privilèges attachés à l’exercice du pouvoir. Surtout que la Cour pénale internationale attend de certains d’entre eux des explications sur les manquements graves constatés tout au long de leur gestion du pouvoir. Au fur et à mesure que le temps passe, des doutes s’installent. Pourtant, le temps joue contre Gbagbo, en dépit des assurances qu’il voudrait donner à ses partisans. L’étouffement produit des effets et les sanctions, si elles frappent indirectement les populations, ne gênent pas moins les usurpateurs du pouvoir à Abidjan.

La question ivoirienne était aussi à l’ordre du jour de la visite du Chef de l’Etat burkinabè, Blaise Compaoré, en France. Le chef de l’Etat burkinabè, lui, est sans doute rentré ragaillardi de son séjour dans l’Hexagone. Lui et ses interlocuteurs ont dû passer en revue les stratégies à mettre en œuvre pour finaliser certains dossiers préoccupants dont celui de la crise ivoirienne. A la veille du sommet de l’UEMOA, une telle rencontre avait sans doute paru nécessaire pour clarifier bien des points. La sous-région et le continent attendent peut-être du soutien de Paris pour résoudre quelques problèmes d’intérêts communs.

Blaise Compaoré, bien écouté de ses amis européens, aura certainement de quoi alimenter l’ordre du jour du prochain sommet sur la crise ivoirienne. De plus en plus, on sent la nervosité dans l’air chez les partisans de Gbagbo. Jusque- là, ils ont pillé, provoqué, harcelé, gazé, détenu et massacré. Leurs adversaires n’ont jamais cédé à leurs caprices. Pris par leurs propres pièges, ils ne savent désormais plus où donner de la tête. Comment en finir ? Renoncer aux noirs desseins ou poursuivre le chemin périlleux d’une aventure désormais vouée à l’échec ? Il est certain que les menaces proférées jusque-là ne produiront plus jamais les effets escomptés.

Que ce soit les chantages économiques et financiers, le retrait de la zone franc avec la création éventuelle d’une monnaie nationale, plus rien n’effraie désormais. Certes, les populations ivoiriennes souffrent des effets de la crise. Mais elles savent aujourd’hui où se situent leurs intérêts et qui pourrait les aider à s’en sortir. Il est également vrai que les importations et les exportations qui transitent par le port d’Abidjan connaissent quelques difficultés.

Mais, elles ne sont pas nouvelles. Les opérateurs économiques, notamment ceux du Burkina, du Mali et du Niger, ne pourront que revenir aux recours alternatifs vécus au tout début de la crise ivoiro-ivoirienne, lorsque l’armée ivoirienne était aux prises avec les anciennes forces rebelles. Nul doute que d’autres initiatives permettront de contourner les nouveaux obstacles. Si le pouvoir du FPI tient à ne plus bénéficier de la solidarité des autres pays membres, ils sauront bien s’en passer. Rira bien qui rira le dernier.


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19/01/2011
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