Crise: Imbroglio politique à la Cémac

LIBREVILLE — 05 AVR. 2012
© AFP

Comment faire fonctionner la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (Cémac) avec un patron camerounais interdit de séjour en Centrafrique... où la Cémac a son siège? Une querelle de clochers qui tourne au casse-tête diplomatique.


Le 21 mars, Antoine Ntsimi, président camerounais de la Commission de la Cémac, est refoulé sans explication à l'aéroport de Bangui.

Cinq jours plus tard, le 26, le ministère des Affaires étrangères centrafricain publie un communiqué on ne peut plus clair: "Afin de préserver les bons rapports entre l'Etat de siège (Centrafrique) et la Commission de la Cémac et d'assurer le maintien des relations fraternelles et cordiales entre la République Centrafricaine et les autres Etats membres de la Communauté, M. Antoine Ntsimi (...) est déclaré persona non grata en République Centrafricaine".

En poste depuis cinq ans pour un mandat qui s'achève cette année, M. Ntsimi n'est visiblement pas apprécié par le président centrafricain François Bozizé.

Ce dernier avait déjà réclamé sa tête lors du sommet de l'organisation en 2010. Il voulait toujours son départ en janvier dernier lorsque la Cémac devait tenir un sommet à Brazzaville, mais qui avait finalement été reporté.

"Nous accusons le président de la Commission de ne pas respecter les textes, de faire traîner les choses", a affirmé dernièrement M. Bozizé sur Vox Afrique.

Un haut fonctionnaire centrafricain taxe pour sa part M. Ntsimi de "comportement arrogant", tandis qu'un diplomate gabonais reconnait qu'il a des "relations conflictuelles avec plusieurs chefs d'Etat", estimant toutefois qu'on ne peut pas "virer" les gens comme ça. "Il faut faire ça dans les règles de l'art".

Créée en 1999, la Cemac regroupe le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.

Quelques jours après le refoulement du haut fonctionnaire camerounais, la diplomatie gabonaise s'en mêle: "le ministère des Affaires étrangères tient à marquer son étonnement devant cette situation et invite les parties à la sérénité indispensable au bon fonctionnement de notre institution commune".

Au Cameroun, le pays de M. Ntsimi, on prend l'affaire au sérieux. Le ministre des Relations extérieures, Pierre Moukère Bono a reconnu que le Cameroun avait saisi le président congolais Denis Sassou Nguesso, président en exercice de la Cémac.

Et vendredi dernier, Cameroon Tribune titrait "Ntsimi bientôt à Bangui" en s'appuyant sur des déclarations du ministre camerounais de l'Economie Pierre Moussa selon qui M. Ntsimi allait prochainement regagner son poste pour préparer le sommet Cémac de Brazzaville en mai.

Apparemment, Antoine Ntsimi ne paraît trop s'émouvoir de ces critiques: l'ancien ministre des Finances du Cameroun se déclare "candidat à sa propre succession" à la tête de la Cémac sur son site internet.

Dans un long article de sa dernière livraison, l'hebdomadaire Jeune Afrique évoque de son côté une "gestion financière ((...) au niveau de la présidence (de la Cémac) pour le moins troublante", parlant d'une "multiplication hors normes des retraits en espèces à partir du compte ouvert par la Cémac auprès de la Banque des Etats d'Afrique centrale" (BEAC).

Sous le titre "Cémac: le grand déballage", Jeune Afrique mentionne notamment des frais de missions très importants, de gros retraits en liquide à la BEAC par un "homme de confiance" d'Antoine Ntsimi, ainsi que des locations d'avions pour ce dernier.

Cet encombrant dossier sera sans nul doute en tête de l'agenda des chefs d'Etat du prochain sommet de l'organisation à Brazzaville en juin.


05/04/2012
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