Crédibilité: Ces passés si encombrants - Avoir été militant du RDPC ou membre du gouvernement est-il un handicap pour un homme politique de l’opposition?

YAOUNDÉ - 29 Aout 2012
© Jean-Bruno Tagne | Le Jour

Avoir été militant du Rdpc ou membre du gouvernement est-il un handicap pour un homme politique de l’opposition?

25 janvier 2012. L’ancien ministre, Maurice Kamto, un peu plus d’un mois après sa démission du gouvernement, publie une tribune dans laquelle il annonce son ambition de revenir sur la scène politique avec sa vision pour la «renaissance du Cameroun». Cette sortie provoque le courroux de certains acteurs politiques et même de citoyens qui estiment qu’après avoir passé sept années dans le gouvernement, M.

Kamto ne pouvait pas s’opposer au pouvoir qu’il venait de servir. «Où était-il quand le pouvoir de Biya massacrait les Camerounais lors des émeutes de février 2008? Où était-il lorsque M. Biya modifiait la constitution pour s’éterniser au pouvoir?», s’interrogeait, par exemple, l’activiste et écrivain camerounais Patrice Nganang, qui traitait au passage Maurice Kamto «d’intellectuel de la dictature».


Polémique politique

Ces mêmes reproches ont été formulés contre Marafa Hamidou Yaya lorsqu’il a décidé de prendre ses distances avec le pouvoir. Pareil pour certains anciens cadres du Rdpc qui militent aujourd’hui dans l’opposition et dont la sincérité d’opposant est souvent questionnée. On peut citer Albert Dzongang, Jean-Jacques Ekindi, John Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya, etc. Le fait d’avoir milité au sein du parti au pouvoir, ou d’avoir été membre du gouvernement disqualifie-t-il un acteur politique à la course pour la succession du président Biya?

A cette question, Maurice Kamto a semblé donner sa réponse dans une interview accordée à Jeune Afrique: «Le peuple décidera.» Selon Mathias Owona Nguini, le passé de certains acteurs politiques sera toujours utilisé par les adversaires pour tenter de les discréditer. «Ce sont des arguments de polémique politique», commente le politologue. Il ajoute que avoir été au sein du Rdpc ou du gouvernement et passer à l’opposition, n’est pas forcément un handicap, à condition de se démarquer du président de la République et de sa coalition gouvernante. «Le passé politique de certains acteurs n’est présenté comme un handicap que par ceux qui sont restés au sein du parti au pouvoir ou par les adversaires qui redoutent l’arrivée d’une nouvelle personnalité politique au sein de l’opposition», soutient Owona Nguini. «C’est un faux débat, renchérit un autre politologue. Fru Ndi a bien été au Rdpc à ses débuts. Garga Haman Adji a bien été membre du gouvernement. Qui peut contester à ces personnalités le rôle qu’elles jouent au sein de l’opposition camerounaise?»


Le messie

Albert Dzongang, ancien militant du Rdpc et aujourd’hui président de la Dynamique, reconnaît avoir souffert pendant longtemps de son passage dans les rangs du parti au pouvoir. «Pendant 16 ans, dit-il, on m’a soupçonné d’être un pion de Biya dans l’opposition, regrette-t-il. Etre opposant c’est une attitude, rétorque-t-il. Cela s’apprécie sur le terrain et en fonction des actions de chacun. L’opposition n’est la chasse gardée de personne. On ne doit pas avoir une opposition où chacun se croit le plus beau. C’est le sens de ce que nous faisons au G7 et qui vise à rassembler, sans tenir compte du passé des gens. Kamto a emprunté un chemin et s’est rendu compte qu’il était mauvais. S’il décide de revenir sur le droit chemin, eh bien, pourquoi pas?»

Le cas du Sénégal est très souvent évoqué. Macky Sall, Premier ministre d’Abdoulaye Wade, a pris ses distances avec son mentor et a fini par briguer victorieusement la magistrature suprême de son pays. Pour Hilaire Kamga, le leader de l’Offre Orange, même au Cameroun cela est possible, mais il y a des préalables, pense-t-il. «Moïse est sorti du palais pour libérer le peuple de Dieu. Donc c’est possible de sortir du Rdpc ou du gouvernement pour prétendre à la magistrature suprême. Mais, le peuple camerounais a beaucoup souffert depuis 30 ans et tous ceux qui ont été les complices actifs ou passifs ne sont pas d’office disqualifiés. Ils le seraient s’ils ne commencent pas par faire leur mea culpa ou par crier leur ressentiment vis-à-vis du système. Tant qu’il n’y a pas cette démarcation claire, tous ces gens sont disqualifiés. Ils doivent dénoncer le système et non se comporter comme s’ils étaient le messie que le peuple Camerounais attendait.»



30/08/2012
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