Coup de filet : Le film de l’arrestation du « Zomloa »

Coup de filet : Le film de l’arrestation du « Zomloa »

Retardée de plusieurs jours, l’interpellation de l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga a finalement eu lieu ce 6 février. Un épisode-clé d’un feuilleton hautement politique.

 

Les gendarmes du secrétariat d’État à la Défense (SED) ont attendu les premières heures du jour, ce 6 février, pour se présenter au domicile de Jean-Pierre Amougou Belinga, situé dans le quartier du complexe BEAC, dans le sud de Yaoundé. L’homme d’affaires, suspecté d’être impliqué dans le meurtre du journaliste Martinez Zogo, a ainsi été interpellé vers 5 h 30 du matin, sur ordre du patron du SED, Galax Yves Landry Etoga. Selon nos informations, plusieurs dizaines d’hommes en uniforme et en armes ont participé à l’opération de ce 6 février, qui a débuté vers 4 h 30 et avait été préparée durant la nuit par le colonel Jean-Pierre Etoulou, selon une source de Reporters sans frontières.

 

Le patron du groupe L’Anecdote, dont les chaînes de télévision Vision 4 et TéléSud font partie, a ensuite été conduit au SED, où il a été placé en détention et en garde à vue vers 6 heures et où ses avocats ont pu se rendre. Pendant ce temps, une perquisition était menée à son domicile et plusieurs de ses proches étaient également arrêtés. Parmi ces derniers figure le journaliste Bruno Bidjang, directeur général des médias de L’Anecdote, dont la résidence a été investie par les éléments du SED en début de matinée. Celui-ci est aujourd’hui l’un des principaux lieutenants de Jean-Pierre Amougou Belinga. Selon nos informations, les bureaux des deux hommes ont été perquisitionnés.

 

Etoundi Nsoe, le beau-père d’Amougou Belinga, a lui aussi été interpellé peu après. Ancien commandant de la garde présidentielle, Etoundi Nsoe est le père de la dernière épouse de l’homme d’affaires, Mélissa – laquelle a également été interrogée avant d’être remise en liberté en fin de journée. Surtout, il est aujourd’hui son directeur de la sécurité, à la tête d’un service chargé de sa garde rapprochée et en grande partie composé de gardiens pénitentiaires.

 

Une des filles de Jean-Pierre Amougou Belinga, Leïla (issu d’un premier mariage), a elle aussi été interrogée avant d’être relâchée. Bruno Bidjang et Etoundi Nsoe, placés en garde à vue, doivent désormais être interrogés pour donner des précisions sur l’emploi du temps de l’homme d’affaires entre le 17 janvier, date de l’enlèvement de Martinez Zogo, et le 22 janvier, date à laquelle le corps sans vie du journaliste a été retrouvé. Le patron de médias est en effet suspecté d’avoir été le commanditaire du meurtre de celui-ci, mais aussi d’avoir été présent lors de son passage à tabac.

 

Justin Danwe, une source contestée

 

Selon une source proche du dossier, Jean-Pierre Amougou Belinga a été nommément mis en cause par le lieutenant- colonel Justin Danwe, qui aurait avoué devant les enquêteurs du SED avoir mené le commando responsable de la disparition de Martinez Zogo. Selon ce cadre de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), en charge des opérations spéciales, Amougou Belinga aurait été à l’initiative de l’enlèvement meurtrier et aurait assisté à au moins une partie des faits. Qui auraient eu lieu dans un des immeubles appartenant à l’homme d’affaires. D’après les premiers éléments de l’enquête, et notamment l’autopsie pratiquée sur le corps du défunt, Martinez Zogo y aurait subi un long interrogatoire, émaillé de coups et de sévices corporels, dont certains à l’aide d’une arme blanche.

 

Selon Justin Danwe, Jean-Pierre Amougou Belinga aurait assisté en partie à ce qui est décrit dans les investigations comme une séance de torture. La défense de Jean-Pierre Amougou Belinga, menée par Me Charles Tchoungang, ancien bâtonnier du Cameroun, a aussitôt mis en doute les déclarations du lieutenant-colonel de la DGRE, « une source plus qu’incertaine ». Justin Danwe – dont le patron Léopold Maxime Eko Eko a également été placé en garde à vue – est à l’heure actuelle toujours en détention au SED, où il pourrait être rapidement confronté à Jean-Pierre Amougou Belinga.

 

De l’affaire Zogo à l’affaire Belinga ?

L’arrestation de Jean-Pierre Amougou Belinga donne à l’affaire Martinez Zogo une très forte connotation politique. Suspecté dès le 1er février, après l’interrogatoire de Justin Danwe, l’homme d’affaires a en effet échappé durant plusieurs jours à l’interpellation, en grande partie en raison de son envergure médiatique et politique. Selon nos sources, un placement en garde à vue a en effet été évoqué dès le 2 février. La présidence de la République, par l’intermédiaire du secrétaire général Ferdinand Ngoh Ngoh, a alors été informée et consultée, tandis que l’information d’une arrestation potentielle remontait également au ministère délégué à la Défense – lequel avait déjà été l’un des premiers à informer Léopold Maxime Eko Eko des déclarations de Justin Danwe à l’encontre de la DGRE et de son patron.

 

Mais l’opération a ensuite été retardée et décision a été prise de placer Jean- Pierre Amougou Belinga – qui dispose par ailleurs d’un passeport diplomatique centrafricain – sous surveillance policière et de poursuivre plus avant la vérification des informations le concernant. Selon une source interne, le SED aurait ainsi pu s’appuyer sur des écoutes téléphoniques mis à disposition par les services techniques des renseignements camerounais, dirigés par les conseillers israéliens de la présidence. Les réseaux de Jean-Pierre Amougou Belinga ont-ils également fait jouer de leur influence pour retarder l’arrestation de l’homme d’affaires ? Le ministre de la Justice, Laurent Esso, concentre actuellement toutes les attentions. Lui aussi cité dans le témoignage de Justin Danwe pour avoir été en contact avec le patron de Vision 4 lors de l’enlèvement de Martinez Zogo, le Garde des sceaux pourrait aussi avoir à répondre aux interrogations du SED.



07/02/2023
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