Côte d’Ivoire : La difficile équation de Thabo Mbeki


Écrit par Albert Ledoux Yondjeu, envoyé spécial à Abidjan
Lundi, 06 Décembre 2010 08:24

L’ancien président sud africain a rencontré hier, à Abidjan les deux présidents. Revue des scenarii qui se dessinent. 

L’ancien président sud africain est venu à Abidjan dimanche au nom de l’Union africaine. Il a rencontré un Laurent gbagbo qui, au nom de la souveraineté de la Côte d’Ivoire, tient à son pouvoir et un Alassane Ouattara qui veut absolument s’installer au palais présidentiel au nom de la certification par l’Onu des résultats provisoires qui l’ont donné vainqueur du scrutin du 28 novembre.

 

Chacun des « deux présidents de la République » a fait valoir son terrain commun avec le médiateur de l’union africaine (Ua). Alassane Ouattara lance son entretien avec l’anglophone Thabo Mbeki en usant de l’anglais. Sourires. Attouchements. Les deux hommes sont l’un et l’autre côte à côte sur une table carré dans une salle de cet hôtel où Ouattara a installé son quartier général depuis quelques jours. Peu de temps avant dans sa résidence de Cocody, Laurent Gbagbo recevait Thabo Mbéki. Entre les deux hommes un interprète créait de la distance. Mais la proximité idéologique entre les deux rejaillissait d’entrée de leurs propos. Ils ont bien évoqué l’état de santé de leurs partis politiques respectifs. L’Anc pour Thabo Mbeki et le FPI pour Laurent Gbagbo. Tous des partis de gauche. Là aussi, beaucoup de sourires. C’est bon pour la convivialité, vecteur de confiance dans des démarches diplomatiques qui s’annoncent difficile. Thabo Mbeki connaît le terrain sur le quel il n’avait pas réussi il y a quelques années alors que Gbagbo était opposé aux rebelles. Thabo Mbéki avait obtenu des parties qu’elles signent les accords de Prétoria en 2005. Il avait principalement obtenu de Laurent Gbagbo qu’il signe un texte permettant qu’Alassane Ouattara puisse être candidat à toute élection en Côte d’Ivoire, mettant entre parenthèse « son ivoirité douteuse ». Mais globalement la médiation Mbeki était un échec. Les rebelles l’avaient finalement récusé du fait « de ses positions pro Gbagbo ».

Aujourd’hui, les données ont relativement changé. Mbéki vient à Abidjan au lendemain d’une journée tendue marquée par prestation de serment dans l’urgence de Laurent Gbagbo devant le conseil constitutionnel qui l’a proclamé élu président de Côte d’Ivoire au terme de l’élection de dimanche. Et la  prestation de serment par courrier d’Alassane Ouattara qui se prévaut de la certification de l’Onu prévue par les textes particuliers qui encadraient cette élection de sortie de crise. Entre les deux présidents, Thabo Mbéki est l’envoyé de l’Union Africaine dont le conseil de paix et de sécurité avait déjà pris position samedi en jugeant crédible les résultats provisoires de la Commission électorale certifiés par l’Onu. Le Commissaire à la paix et à la sécurité, Ramtane Lamamra a effet déclaré que l’Union est engagée à “prendre toutes le mesures appropriées contre les auteurs des actes susceptibles de torpiller l’intégrité du processus électoral, y compris les résultats de l’élection présidentielle tel que proclamés par la commission électorale indépendante ». Ce qui pourrait laisser croire que Mbéki est venu suggérer à Gbagbo de partir. Ce d’autant que sa rencontre avec Laurent gbagbo a duré pas moins de une heure et trente minutes contre trente minutes d’entretiens seulement avec Alassane Ouattara.  Si au sortir de sa rencontre avec Mbéki, Ouattara a déclaré avoir prié l’ancien président sud- africain de demander à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir, Mbéki, lui, a affirmé, comme plutôt chez Gbagbo, être venu écouter. “L’Onu, le Conseil constitutionnel, la Commission électorale, nous voulons entendre le point de vue de tout le monde dans cette affaire avant de faire des recommandations sur ce qu’il convient de faire. “ Voilà qui laisse entrevoir une possibilité de révision de la position actuelle de l’Union africaine. Surtout que le Conseil pour la paix et la sécurité de l’Ua est convenu de se réunir de nouveau pour débattre de la situation. Ce qui nourrit des espoirs chez des conseillers de Laurent Gbagbo qui disent être toutefois habitués aux conflits avec la communauté internationale.

Inflexibilité

Axe de l’argumentaire de Laurent Gbagbo devant Thabo Mbéki : la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Le président, comme ses proches, soutiennent que « les décisions du conseil constitutionnel ne sont pas susceptible de recours ou d’invalidation au terme de la constitution de la République de Côte d’Ivoire. » En face, Alassane Ouattara et sa direction de campagne ont sorti « les résolutions de l’Onu et l’accord de Ouagadougou qui ont prévu que pour cette élection de sortie de crise , c’est la certification du représentant spécial de l’Onu qui est l’acte final du processus. » C’est ce que Youn Jin Choi, le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu en Côte d’Ivoire a , lui aussi, soutenu devant Thabo Mbéki qui l’a reçu avant tout les autres acteurs. Audience qui a eu lieu au palais présidentiel où le haut fonctionnaire de l’ONU ne s’était plus rendu depuis la visite à Abidjan du facilitateur Blaise Compaoré à la veille du scrutin du 28 novembre. Malgré toutes ses sollicitations Laurent Gbagbo a refusé de recevoir Youn Jin Choi. Gbagbo n’a pas supporté que M Choi déclare au lendemain du scrutin, le 29 novembre, que, malgré des violences à L’Ouest (Chez Gbagbo) et au Nord (Chez Ouattara), l’élection a été globalement démocratique.

En plus de la question de la prééminence de la constitution ou pas sur la certification de l’Onu, Thabo Mbéki a reçu dans le camp Ouattara un dossier chargé de récriminations contre l’armée « qui a tue et blesse, relance les escadrons de la mort et ferme le pays au monde. » Et comme une réponse à cela, l’armée a en soirée levé la mesure de fermeture des frontières. Thabo Mbéki calme les ardeurs même si dans le fond les deux camps sont restés sur leurs positions. A son arrivée, la ville qui l’attendait avait retrouvé un calme relatif. Les jeunes Ouattaristes qui manifestaient dans les rues de Koumassi, Treichville et Marcory, en incendiant sur la chaussée pneus et troncs d’arbres ont éteint les feux et  transformé les avenues de ces quartiers en stade de street soccer, où ils ont joué au football toute la journée de dimanche.



06/12/2010
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