Corruption : Quand les marchés publics font recette

Corruption : Quand les marchés publics font recette

Vendredi, 09 Juillet 2010 08:57 DOMINIQUE NDOCKI
Yaounde

Ils sont le ventre mou de ce fléau. Malgré les victimes de l’opération épervier, les ordonnateurs de la dépense publique ne se ravisent pas. Ils sont  aveuglés par l’appât du gain. Ils perçoivent de 10 à 30 % de quote-part de marché octroyés. Après l’arrestation de certains barons du régime dans le cadre de l’opération épervier, l’on a eu droit à des commentaires de la part de certains hauts fonctionnaires du genre : « En ce moment, si moi on me nomme ministre ou directeur général, je refuse. Ce n’est pas la peine de se retrouver en prison après avoir gouté au délice du pouvoir. » Ces réactions, on l’a constaté, ne tiennent que le temps de fraicheur d’une arrestation.

La réalité est autre quand on voit de quoi les Camerounais sont capables pour s’arroger un poste de gestionnaire de crédit ou d’ordonnateur de dépenses. Certains se contentent de séances de vaudou. D’autres, en revanche, se font tout simplement escroquer de fortes sommes d’argent. L’objectif de cette méprise étant la recherche du pouvoir et l’enrichissement illicite à travers la gestion des marchés publics et d’autres avantages.

Une fois le poste obtenu, les marchés sont servis à temps et à contre temps à la famille, aux amis et connaissances, aux copines bref à une cohorte de courtisans. Le hic est que certains trouvent souvent le moyen de ne pas livrer ces marchés. D’autres avec la complicité des responsables obtiennent des marchés fictifs.

Mais depuis épervier, le phénomène des marchés fictifs est quelque peu démodé. Les ministres, les directeurs généraux, les délégués régionaux, les gouverneurs, les préfets etc qui sont tous des ordonnateurs de la dépense publique utilisent pour la plupart des prête-noms pour gagner eux-mêmes ces marchés, un véritable délit d’initié qui n’émeut personne.

A défaut de ce subterfuge, d’autres se contentent juste de leur quote-part allant de 10 à 30% du bénéfice du marché octroyé. Leurs appétits ne se limitent pas seulement pour les marchés de gré à gré.

 

Livraisons inopportunes

Ils ont trouvé une astuce pour les marchés passant par la commission de passation des marchés. Il s’agit également là d’un délit d’initié. Pour avoir plus de chance que votre dossier passe, vous soumissionnez pour plusieurs dossiers avec des noms différents. La complicité de certains membres de la commission aidant, l’un de vos dossiers fini par passer. Evidemment, cela vous coûte un peu plus cher en termes d’enregistrement et de frais de confection du dossier. Mais les gains sont assez considérables pour pouvoir se permettre ce genre de gymnastique. Ce sont des marchés de l’ordre des dizaines de millions. Là dedans les ordonnateurs ont leur part. Cela va de soi si vous voulez encore qu’ils vous servent un autre marché.

Cela dit, les marchés publics sont une épine pour la gouvernance. Ce n’est pas par hasard que le service des marchés est la structure la plus vivante dans les ministères et entreprises publiques. Les livraisons parfois inopportunes se font parfois au quotidien. Il suffit de regarder la Crtv pour se rendre compte de l’évidence. On a l’impression que c’est le seul service qui fonctionne dans ce mastodonte. Même le quotidien bilingue Cameroon tribune est un indicateur de cette situation. Ces multiples appels d’offre donnent un aperçu de ce que peuvent être les marchés de gré à gré pour le plus grand bonheur des « hommes d’affaires » à la double casquette. Au-delà de l’article 2, la fortune est au bout du rouleau. Et tant mieux pour les châteaux qui poussent de partout.

 

Dominique Ndocki



11/07/2010
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