Contrôle des médias : Le Renouveau couvre la presse de billets de banque pour acheter la paix

Jeudi, 20 Octobre 2011/ EMERGENCE


Alors que les candidats à la Présidentielle peinaient à obtenir le financement légal de la campagne électorale, la Présidence de la République et le ministère de la Communication distribuaient des enveloppes à des publications bien ciblées. Dans une opacité digne de la mafia.
C’est une information qui circule de bouche à oreille dans le petit milieu de la presse camerounaise. Pour la présidentielle du 9 octobre 2011, le régime en place a offert des soutiens financiers à une partie des médias nationaux. La présidence de la République, à travers le cabinet civil, et le ministère de la Communication ont distribué, chacun séparément, des enveloppes à quelques promoteurs de journaux sélectionnés sur la base de critères restés secrets. L’opération n’a pas fait l’objet d’annonce dans la presse, ni d’aucun article de journaliste. Elle n’a pas nécessité la mise en place d’une commission, comme c’est souvent le cas avec l’aide publique à la presse. Tout s’est passé en espèces sonnantes et trébuchantes.
Concernant l’opération pilotée par le cabinet civil de la Présidence de la République, Emmanuel Gustave Samnick, directeur de publication du quotidien L’Actu, est la seule personne, parmi les bénéficiaires, qui accepte d’en parler à visage découvert. Suite à un court message électronique qui lui a été adressé sur le sujet, le jour même de l’élection, il n’a laissé planer aucun doute : « J’étais en France, écrit-il, quand le fils Njawé (Jules Njawé, ndlr) m’a appelé pour dire d’aller d’urgence à la Direction du cabinet civil (Dcc) décharger 15 millions Fcfa. Je lui ai envoyé un collaborateur. Il me rappelle le soir pour dire que le montant a été réduit à 10 millions Fcfa. C’est ce que je sais ». Le collaborateur en question a été reçu le 30 septembre par Martin Bélinga Eboutou, le Directeur du cabinet civil en personne, au Palais de l’unité et a reçu cette somme là de ses mains. Une entrée financière versée dans la caisse de cette entreprise.

La plupart des autres responsables de médias reçus par le Dcc ont multiplié des subterfuges, soit pour ne pas parler du sujet, soit pour parler sous anonymat, avec des tons qui diffèrent d’un individu à un autre. Contacté par l’auteur de ces lignes au téléphone le 15 octobre au soir, Haman Mana, directeur de publication du quotidien Le Jour a d’abord voulu s’enquérir du journal qui allait publier l’information, avant de donner rendez-vous pour le lendemain matin. Appelé au moment convenu, il ne donnera pas signe de vie. Il reviendra à la charge dans la mi-journée à travers un sms (court message électronique) pour localiser le chasseur de l’information. Devant l’immeuble abritant les bureaux du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Yaoundé où a lieu la rencontre, aucune réponse à la question posée : « vous n’avez pas la sérénité et la distance nécessaires pour traiter des informations concernant mon journal », dira-t-il dans sa fuite en avant...

Entourloupes

Le même jour, Séverin Tchounkeu, Directeur de publication de La Nouvelle Expression et promoteur d’Equinoxe radio et Tv, se montre menaçant : « Je ne réponds pas à ce genre de questions », dit-il, avant d’ajouter : « Allez voir les ordonnateurs des dépenses pour recueillir vos informations ». Plusieurs témoignages font cependant état de la présence de M. Tchounkeu à Yaoundé, le 28 septembre 2011, jour où la plupart des quotidiens et des radios et télés sont passés à la caisse. Parfait Siki, Directeur de la Rédaction de l’hebdomadaire Repères garde, pour sa part, le mutisme sur le montant reçu et sur les détails de l’opération à laquelle il reconnaît avoir pris part. Thierry Ngogang, Responsable de l’Information à Spectrum Television (Stv) dit être totalement ignorant de l’opération. Même réponse de Jean-Baptiste Sipa, Directeur de publication du Messager. Qui précise n’avoir jamais reçu la moindre information sur le sujet en provenant de la Dcc.
Quant à Mutations, le quotidien de la South Media Corporation, le directeur de la publication, Alain Blaise Batongué, qui a été effectivement reçu par le Dcc, et le Directeur général de l’entreprise, qui ont reçu par mail notre demande d’informations, préfèrent répondre tous les deux aux abonnés absents. La réponse viendra du vice-Président du conseil d’administration de l’entreprise, Alphonse Soh, qui a reçu copie de notre mail. Il stigmatise au passage des « méthodes de mafia » (lire toute sa déclaration ci-dessous) : « si 3 millions (reçus de la Dcc) sont arrivés à la caisse de la Smc, écrit-il, il apparaît qu'en fait c'est 5 millions qui auraient été débloqués, la différence étant allée dans la poche d'un intermédiaire ». L’information donnée est en fait le compte rendu de l’opération qu’en a fait M. Batongué…
En dépit du silence qui semble de règle chez la plupart des patrons de presse qui ont pris part à l’opération, les recoupements faits dans le cadre de notre enquête auprès de certains acteurs ayant requis l’anonymat aboutissent à quelques constances : de nombreux journaux et organismes de radio ou de télévision ont reçu de Martin Belinga Eboutou de l’argent liquide. Les rendez-vous ont très souvent été pris par Jules Njawé, fils du défunt fondateur du Messager, qui était aussi chargé de conduire la plupart des « élus » auprès du Dcc. Les rencontres ont eu lieu à la Présidence de la République, pour la plupart, mais aussi au domicile de M. Belinga Eboutou ou encore dans un hôtel.

Intermédiaire…

De façon générale, la presse quotidienne et les radios et télévisions privées ont reçu 15 millions Fcfa chacun, exception faite du quotidien Le Jour dont le DP était indisponible le 28 septembre et qui n’a été servi que le lendemain, en compagnie de quelques responsables d’hebdomadaires. Est-ce ce qui explique la décote de 5 millions sur le montant reçu ? Impossible de savoir. Selon nos informations, chaque hebdomadaire sélectionné recevait invariablement 5 millions Fcfa. M. Haman Mana, selon nos sources, aurait donc reçu 15 millions Fcfa, pendant que Séverin Tchounkeu, dont l’amitié avec le Dcc est un secret de polichinelle, a raflé la mise de… 45 millions Fcfa pour son groupe. Certains bénéficiaires auraient versé une commission à un « intermédiaire ». Martin Belinga Eboutou ? Jules Njawé ? L’information n’a pas pu être recoupée auprès de ce dernier, qui a mis son téléphone hors service depuis une semaine.
Au ministère de la Communication, autre robinet financier du système, il n’y avait point d’intermédiaires ou de commissions. Les entreprises de presse retenues comme bénéficiaires de cette « aide spéciale », selon les termes d’un responsable de la maison, ont été servies par le Secrétaire particulier du ministre lui-même. Mais ici aussi, c’est la loi du silence. L’intéressé, qui nous a reçu le 11 octobre dans son bureau, a dit son incapacité a communiquer le moindre chiffre autant sur l’enveloppe mise à la disposition du Mincom que sur les critères de choix et la liste des journaux bénéficiaires de l’attention du gouvernement.
Pour lui, c’est la Direction de la Communication privée du ministère qui devait avoir l’information. Le patron de cette direction, M. Mvoto Obounou, que nous avons rencontré quelques minutes plus tard, a confié être ignorant des chiffres. « Il faut voir au niveau du ministre lui-même pour savoir », nous a-t-il suggéré. Mais il a indiqué avoir soumis au ministre une liste d’une cinquantaine d’organes de presse à appuyer. Tous les quotidiens et tous les hebdomadaires ayant une périodicité régulière y étaient présents, a-t-il dit, tout comme les radio et télévision couvrant au moins une région du pays. Pour le reste, « le ministre était libre de discriminer ». Il assure ne rien savoir de ce qui s’est passé à la fin.

600 millions ?

Devant la presse rassemblée dans la salle des conférences de son département ministériel, le 12 octobre 2011, nous avons posé la question au ministre lui-même en évoquant la nécessité d’entourer de transparence la gestion des ressources publiques. M. Tchiroma Bakary s’est lancé dans la langue de bois : « Pourquoi voulez-vous que je vous donne le montant de l’enveloppe ? », a-t-il dit à l’auteur de ces lignes, avant de précisez qu’il était impossible de satisfaire tous les journalistes. Le budget mis à disposition devrait servir avant, pendant et après l’élection, a-t-il poursuivi. « Mais, chaque fois que nous nous sommes rendu compte qu’un titre majeur avait été oublié, nous avons trouvé le moyen de nous rattraper ».
Le ministre est donc resté totalement énigmatique sur l’enveloppe affectée à l’opération et n’a point expliqué pourquoi aucune publicité n’avait accompagnée la liste des entreprises sélectionnées. Tout s’est déroulé dans l’opacité. Mais certains collaborateurs plus ou moins du ministre, sous anonymat, témoignent qu’il aurait reçu 200 millions Fcfa du Trésor public sur instruction du Premier ministre alors que les attentes de son département ministériel se chiffraient à 750 millions Fcfa. Finalement, apprend-on d’un haut responsable, une rallonge de 400 millions de Fcfa a été accordée. Soit un total de 600 millions Fcfa. Pour Issa Tchiroma, chacun est responsable des chiffres qu’il avance…
Quoi qu’il en soit, c’est par coups de fils ou grâce aux téléphone arabe que les « élus » ont été appelés à passer à la caisse. « L’information circulait de bouche à oreille. Un de mes collègues à dû appeler le secrétaire particulier du ministre de la Communication pour savoir si notre journal était sur la liste », confie un journaliste du Messager. Finalement, le journal de Pius Njawé a reçu 2 millions Fcfa, comme l’a confirmé Jean-Baptiste Sipa. Pareil pour le quotidien Mutations dont le directeur de publication, Alain Blaise Batongué, est passé à la caisse. Certaines radios et télés  auraient reçu 1,5 million Fcfa chacune. 500 mille Fcfa ont été affectés à chacun des hebdomadaires de la liste du Mincom. Mais, vu le refus du ministre à jouer la carte de la transparence, impossible d’être précis. Tout ce qu’on sait, c’est que le ministre a contenté des journalistes qui avaient pris son cabinet d’assaut à la découverte qu’il y avait « de l’argent pour certains seulement ». Des enveloppes de 50 mille Fcfa auraient été distribuées comme « frais de taxi » pour les calmer…
Pas de planche à billet.
Au bout du compte, une multitude de questions persistent. Qu’est-ce qui justifie cette générosité inédite des pouvoirs publics (de par le nombre de journaux concernés et le volume des sommes allouées) à l’égard de la presse en pleine période de campagne électorale, alors que les candidats opposés au président Biya dans le cadre de la Présidentielle peinaient à recevoir, à ce moment là, l’argent consacré au financement officiel de la campagne électorale ? Quels sont les volumes des sommes mobilisées ici et là ? Combien d’organes de presse en ont bénéficié ? Quels étaient les critères de sélection ? Comment le fils de Pius Njawé s’est-il retrouvé dans le rôle d’intermédiaire ?

Un cadre du cabinet civil saisi par nos soins pour avoir la version du Dcc a nié totalement l’opération : « Il n’y a pas de planche à billets au cabinet civil », s’est-il avancé, très sûr de lui. Impossible d’obtenir le téléphone du Dcc ou de son adjoint, Joseph Le, que notre interlocuteur disait en séjour, le 9 octobre, dans une « zone non couverte par les opérateurs de téléphonie mobile ». Mais l’un des responsables des organes de presse reçu par Martin Belinga Eboutou indique qu’aucune consigne de soutien à l’égard d’un quelconque candidat n’a été donnée au moment de remettre l’argent. « Nous avons été invités à participer à l’apaisement. A éviter de relayer les appels à l’ingérence étrangère ou à la déstabilisation du pays ». L’indépendance des publications est-il resté sauf ? Les entreprises de presse en ont-elles toujours profité ? Bien malin qui pourrait répondre.
Christophe Bobiokono

Alphonse Soh
« Il s’agit au moins de tentative de corruption »
Le Vice-Président du Conseil d’administration de la South Media Corporation (Smc), entreprise éditrice de Mutations, a été sollicité pour donner son opinion sur les contours de l’opération menée par le Dcc. Un appel à une gestion plus moderne de l’aide publique à la presse…
Sur le principe, il n’y a pas de problème à ce que les pouvoirs publics apportent un appui spécifique aux médias pour la couverture des élections, qui sont un des moments les plus forts de la vie nationale. En ce qui concerne la SMC, comme par le passé, nous avions budgété d’importants moyens pour le déploiement des reporters sur le terrain.
Toutefois, nous sommes foncièrement opposés aux méthodes utilisées, qui font qu’il s’agit au final au moins de tentative de corruption, pour ne pas dire de corruption tout court. Comment interpréter cela autrement à partir du moment où, d’après nos informations, certains DP ont été convoqués, chacun à son tour, et ont été reçus par le Dcc en personne, dans une chambre de l’hôtel Hilton, la veille du scrutin, où ils se sont vus remettre, en espèces et sans la moindre décharge, d’importantes sommes d’argent ? Sur quelles bases ont été décidés les montants ? Il apparaît, par exemple, que Mutations, en raison de ses critiques vis-à-vis d’Elecam et du président-candidat, n’a reçu que 3 millions de Fcfa, alors que d’autres quotidiens en sont ressortis avec 15 millions…
Il est étonnant qu’en 2011 et alors même que les Impôts nous demandent de ne plus effectuer certains règlements en espèces que lorsqu’ils sont en cumulé inférieurs à 1 million Fcfa sur l’année, des représentants de l’Etat manipulent ainsi des dizaines de millions. Cela n’est pas du tout sain. Pour ce qui est du montant, j’aurais été à la place du DP de Mutations que j’aurais décliné une telle offre, comme nous le faisons depuis des années pour la fameuse « aide à la presse », étant donné que cela ne représente rien pour une entreprise comme la nôtre qui réalise, depuis plusieurs années, un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions.
Il s’agit là, de notre point de vue, de méthodes malsaines, qui ne contribuent nullement au développement des médias en général et de la presse en particulier. Ces « aides », au-delà des montants, servent surtout à encourager des « snipers » à la parution irrégulière, avec des tirages confidentiels, qui viennent encombrer les kiosques.
Pour nous, l’argent public doit être utilisé pour aider à professionnaliser le secteur – d’autres disent à le « dératiser » ; il s’agit d’une mission de salubrité publique. La démarche utilisée – verser de l’argent dans des conditions obscures à des individus, fussent-ils DP – ne contribue nullement à cela. Pour une telle opération, il aurait fallu, au minimum, être totalement transparent sur les montants (que l’opinion publique sache qui a reçu combien) et, surtout, que le versement de l’argent se fasse, comme disent les comptables, « par tout moyen pouvant laisser trace… ». On pourrait, par exemple, indexer tout ou partie de la dotation versée à chaque titre sur la base des tirages annuels, et payer par chèque ou par virement.
Propos recueillis par:
C.B.

Houla lalaaaaaaaah!
Vive le Cabinet si vil et les viles attitudes et compromissions de certains patrons de presse. On comprend aisément leurs choix éditoriaux, la platitude des contenus et l'à plat ventrisme de tous ces médias qui sont passés à la caisse durant la campagne électorale. Désormais, tous ces médias sont classés parmi les médias financés par le cabinet si vil de la présidence de la République. Les lecteurs et auditeurs ont droit à cette information. Comme la bouche qui mange ne parle pas, la presse qui bouffe n'ose pas, ne critique pas, n'interroge pas le bilan du président sortant qui a vendu les "grandes intentions", pardi, les "grandes ambitions" durant les 7 années précédentes.
Vive les médias de la honte, de l'avilissement et de l'asservissement du peuple camerounais; vive ces sicaires masqués (et démasqués) d'un peuple famélique vêtu de guenilles, éreinté par 30 années - au moins - d'une gestion à l'emporte-caisse du patrimoine commun; vive ces professionnels des médias dont les journaux sont imbibés de chloroforme - les crayons à bille contiennent ce même liquide anesthésiant - et qui distillent à longueur de colonnes le poison paralysant de la démobilisation, de la résignation, du défaitisme, de l'acceptation de l'ignominie.
Décidément Paul Biya, le résident de la République, qui est toujours en "court séjour privé au Cameroun", a du pain sur la planche. Lui qui, à l'ouverture du 3e congrès ordinaire du parti des flammes incandescentes (Rdpc), donnait un avertissement à ses camarades en ces termes: « Sachez, Mesdames, Messieurs et Chers Camarades, que ma détermination à combattre ce fléau est totale et que la lutte contre la corruption va se poursuivre en s’in-ten-si-fiant, sans complaisance, sans discrimination, indépendamment du statut social ou de l’appartenance politique des personnes incriminées. Personne ne pourra se considérer comme étant au-dessus des lois. » Espérons qu'il commencera par balayer devant sa cour dont l'une des entrées est le Cabinet si vil.
Jean-Bosco Talla

Déclaration du Syndicat national des Journalistes du Cameroun
Au sujet de « l’Appui » offert par le gouvernement camerounais à la « presse » à la veille de l’élection présidentielle du 09 octobre 2011
Le Comité d’urgence du Bureau Exécutif national du Syndicat National des Journalistes du Cameroun (Snjc) s’est réuni à Douala le 21 octobre 2011, à la suite des informations persistantes selon lesquelles depuis le 28 septembre 2011, en pleine campagne électorale pour l’élection présidentielle, les plus hauts responsables du Cabinet civil de la présidence de la République et du ministère de la Communication ont entrepris et mené une démarche visant à discréditer l’ensemble des acteurs médiatiques camerounais tout en subjuguant l’indépendance éditoriale des principaux organes médiatiques nationaux.
Selon diverses sources en effet, le Directeur du Cabinet civil aurait fait appeler les propriétaires d’organes médiatiques nationaux (quotidiens et hebdomadaires ; radio et télévision locales, etc.) à qui il aurait distribué de l’argent en espèce, sans décharge, sans pièce de caisse comme« appui à la couverture de l’élection présidentielle ». Les montants qui variaient en fonction de l’interlocuteur, se situeraient entre 5 et 15 millions de Francs Cfa par responsable de média reçu.
Parallèlement, le ministre de la Communication aurait distribué de son côté, dans des conditions tout autant opaques, une somme dont le montant total varie entre 200 et 600 millions de francs aux mêmes patrons de la Presse ainsi qu’à des individus divers, pour, dit-on, « faciliter la couverture de l’élection présidentielle ».
Dans une déclaration antérieure en juillet 2011, au lendemain du séjour d’une forte délégation gouvernementale et de la présidence à Douala à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse au cours de laquelle le ministre de la communication avait conditionné l’appui financier de l’État à la presse par une orientation éditoriale tiède vis-à-vis du pouvoir en cette année électorale, le Snjc, décelant des relents ouverts de pressions politiques sur les médias, avait dénoncé la volonté du gouvernement d’exploiter de manière partisane la situation de précarité entretenue dans le secteur de la presse nationale.
De son côté le Snjc avait décidé d’accélérer la mise en œuvre de la résolution de son bureau exécutif du 29 avril 2011 par laquelle, il décidait de renforcer son initiative en vue de l’amélioration des conditions de vie et de travail des journalistes et travailleurs. Une Enquête-Étude en vue de déterminer les coûts de vie réel moyen du journaliste Camerounais avait été lancée. En cours de bouclage actuellement, le rapport de cette Étude qui sera rendue publique dans les prochains jours servira de base à l’action de plaidoyer du Snjc en vue de renforcer l’indépendance économique des journalistes camerounais, pré-condition à un exercice professionnel libre, responsable et indépendant pour des médias véritablement crédibles.
Nonobstant cette opération qui apparaît comme une tentative évidente de corruption des patrons de presse camerounais par le pouvoir, à un moment crucial de la vie politique nationale où est attendue des hommes de médias une absolue neutralité doublée d’équité dans le traitement réservé aux des divers camps ou candidats en compétition, le Snjc rappelle sa position traditionnelle selon laquelle seule une subvention étatique définie par l’Assemblée nationale reste le moyen le plus transparent pouvant contribuer à l’émergence d’une presse libre, responsable et effectivement pluraliste, seul gage de l’affermissement d’une société démocratique et concurrentielle.
Sans préjuger des intentions véritables des auteurs et acteurs de cette opération, le Snjc :
- Appelle le gouvernement, notamment le Premier ministre ainsi que les responsables des services de l’État impliqués à expliquer au cours d’une conférence de publique la nature véritable de cette opération :
- Demande aux institutions publiques compétentes de faire la lumière sur cette scabreuse affaire qui, en cas de non clarification, est de nature à saper durablement les fondements du pluralisme médiatique et de l’indépendance éditoriale des médias auquel l’État du Cameroun, en adhérant aux conventions internationales dont celles de l’Unesco, a clairement souscrit ;
- Invite les patrons de presse cités dans cette opération à s’expliquer devant l’opinion publique afin de sauver l’honneur d’une profession ainsi menacée d’être globalement traînée dans la boue ;
- Appelle l’ensemble des organisations professionnelles des médias à une réflexion globale en vue de préserver l’indépendance effective des médias ;
- Exprime sa détermination à défendre en cas de besoin l’honneur de l’ensemble des journalistes nationaux, victimes morales collatérales de cette opération à laquelle leurs patrons ont été conviés ;
- Engage les journalistes à la solidarité pour faire échec à cette attaque contre leur indépendance et crédibilité.
- Réaffirme sa détermination à poursuivre le difficile combat de la défense des intérêts moraux, professionnels et matériels des journalistes en vue de la valorisation de la profession pour le progrès démocratique et le développement véritable du Cameroun.
Déclaration n° 006/snjc/ben/2011
Douala, le 21 octobre 2011
Pour le Comité d’urgence du Ben/Snjc,
(é) Alex Gustave Azebaze,
Premier Secrétaire a.i.
Membre du Comité Exécutif de la Fij
Corruption dans la presse : la réaction du Directeur du "Le Messager"
Lundi, 24 Octobre 2011 19:13 Écrit par Jean-Baptiste Sipa

Corruption dans la presse: réaction du Dp de Le Messager.
"Les médias dits privés et indépendants du Cameroun n’ont jamais volé aussi bas que maintenant. Leurs directeurs de publication(…) sont passés tour à tour dans le bureau de Belinga Eboutou pour prendre possession des enveloppes d’argent de corruption laissées pour eux par Paul Biya… ». Tel est le chapeau d’un « papier » d’enquête et de reportage publié la semaine dernière sur son site web, par notre confrère Christophe Bobiokono sous le titre : « Le Renouveau couvre la presse de billets de banque pour acheter la paix », et repris sur divers réseaux Internet avec des commentaires plus ou moins tendancieux.
Disons pour commencer, que mis à part l’utilisation abusive de l’article défini « les » pour globaliser improprement « tous les médias privés et indépendants du Cameroun », et vérification faite, les faits rapportés par Bobiokono sont vrais pour l’essentiel. Il n’est cependant pas criminel pour un gouvernement qui se veut démocratique, d’accorder  à une presse nationale  dont on connait la précarité financière, une subvention budgétaire pour lui permettre d’assurer une couverture médiatique efficace d’une élection présidentielle considérée, de son point de vue, comme capitale.
C’est même le refus de le faire qui serait une faute politique, lorsqu’on mesure le rôle que peut jouer une presse objective et citoyenne dans l’expression des arguments de campagne, dans l’information des électeurs, dans le reportage des opérations de vote, voire dans l’explication des résultats aux fins d’éclairer ou de rassurer les uns et les autres souvent victimes de rumeurs tendancieuses ; et donc la nécessité de faciliter la tâche aux reporters de presse. En réalité, un tel refus qui ne se justifierait pas par un souci de rigueur dans la gestion des finances publiques serait même une atteinte au droit à l’information des Camerounais.
Encore que l’Etat a l’obligation constitutionnelle, nous ne le rappellerons jamais assez, de soutenir les médias, dont on sait que l’existence est, pour parodier le Directeur de l’Esstic, « une concession (faite par l’Etat) du service public de l’information ». C’est dire si le Directeur de publication que je suis, aurait d’autant moins craché sur les 15 millions de francs CFA  dont on parle, qu’il en aurait eu l’opportunité (rare, croyez-le !) d’envoyer au moins deux reporters dans chaque région du pays, lestés chacun d’un ordinateur portable et d’un appareil de photo, et travaillant pour une fois dans des conditions matérielles relativement décentes. Mais « l’infréquentable » Messager pouvait-il être éligible à la générosité du Cabinet civil de la présidence de la République du Cameroun et surtout  s’il ne s’agissait pas de droit, mais seulement de magnanime faveur, ou alors  -comme d’aucuns le suspectent- de « tentative de corruption » ? Car là en fait est le problème.

"...Ce qui s'est passé entre des journalistes ou patrons d'organes médiatiques, et la Direction du Cabinet Civil relève de copineries opportunistes et mafieuses"

Il ne se serait agi de droit que si, usant de ses prérogatives constitutionnelles, le chef de l’Etat avait pris une décision rendue publique, accordant à la presse nationale une « aide publique spéciale », formellement justifiée par « la couverture médiatique de l’élection présidentielle », et assortie des critères d’éligibilité pour les médias postulants. Si nous sortons de ce schéma, alors se pose la question fatidique : M Biya a-t-il voulu soutenir ou corrompre la presse ? Et en attendant d’en avoir éventuellement la réponse, Nous pensons que ce qui s’est passé entre des journalistes ou patrons d’organes médiatiques, et la Direction du Cabinet civil de la Présidence , ne peut relever que des copineries opportunistes et mafieuses, conjuguant apparemment tentative de corruption et détournement des fonds publics.
Au Cameroun, ce que les paradoxes ont de commun avec le ridicule et la honte, c’est qu’ils ne tuent personne. « Acheter » les médias pour qu’ils prêchent l’apaisement suppose d’abord une parfaite conscience qu’il y a dans la société  des germes latents d’affrontements. Et d’où viendraient ces germes si ce n’est  d’un type de gouvernance qui nécessite une transformation sociopolitique ? Cela suppose ensuite qu’on croit ces médias  capables de remplir un tel mandat, en même temps qu’on présume chez eux d’un tel déficit de patriotisme, ou d’un tel scepticisme à l’égard de l’offre politique présente, qu’il faut les « motiver » tout spécialement pour qu’ils promeuvent la paix dans leur propre pays. Mais, cela suppose aussi, et surtout dans un pays où la vertu est désormais au service du vice, qu’on peut détourner en le monnayant l’usage de la liberté d’expression, en faveur du mensonge ou du « faire semblant », et au détriment de la vérité.
On souhaiterait peut-être que la presse reprennent en cœur ce slogan de campagne entendu dans une région du Cameroun et qui dit : « voter pour l’opposition, c’est voter pour la guerre ». Cette manipulation du concept de la paix qui en fait une fin et non un moyen, relève d’une détermination à corrompre moralement l’électorat, ou à lui faire du chantage à la sécurité, ou à le terroriser intellectuellement. C’est plus un fourvoiement collectif systémique qu’un apaisement.
Et le monnayage de la liberté d’expression par lequel on obtient la contribution des médias au stratagème de tromperie n’a qu’un seul nom : la corruption officielle. Avec en plus, la magie de transformer les journalistes en mercenaires patentés d’une partie du peuple contre l’autre, grâce aux moyens qui appartiennent pourtant à toute la nation.
Il y aurait cependant mieux à faire pour doter le Cameroun -si on le veut démocratique- d’une presse crédible et socialement responsable. Ce serait par exemple, de réformer la loi sur la presse de 1990, afin de donner aux organes de presse un statut économiquement viable, d’institutionnaliser une subvention publique aux médias nationaux, de garantir aux journalistes le libre accès à l’information publique, et de permettre au corps professionnel d’organiser son autorégulation.
Nous rappelons d’ailleurs qu’une proposition de texte allant dans ce sens a été récemment introduite auprès du gouvernement, par le Syndicat des journalistes employés du Cameroun, comme contribution à l’avènement d’un paysage médiatique moins corruptible au Cameroun. Mais, au-delà de ce qui pourrait être, soit effectivement une tentative de corruption manipulatrice, soit une volonté du Président de République de soutenir la presse dans la couverture du scrutin du 9 octobre 2011, cette affaire remet en débat la problématique de la gestion des ressources publiques au Cameroun. Car, quelle que soit l’hypothèse retenue, on notera que le gouvernement a mis en place pour la couverture d’un même événement, deux sources de financement de la presse, l’une à la Présidence de la République et l’autre au Mincom. On notera aussi qu’aucune décision officielle n’a été annoncée à cet effet, exactement comme si l’acte était clandestin
On peut aussi imaginer, sur la base de « l’enquête Bobiokono » que l’opération a porté sur des sommes dont les montants colossaux étaient inversement proportionnels à la contre partie attendue de la presse, même si dans l’effectivité du partage, Le Messager par exemple, n’a perçu contre décharge, que deux (2) millions de francs CFA, environ 72 heures après le scrutin, et seulement grâce à une information confidentielle d’un confrère gentil.
Questions :
1.- Pourquoi le Ministre de la Communication qu’on s’accorde à considérer comme la Tutelle de la presse au Cameroun n’a-t-il pas reçu la mission de gérer la totalité des ressources en question ?
2.- Pourquoi, de visites papales en cinquantenaires, d’anniversaires en commémorations, des fêtes nationales en élections présidentielles, etc. autant de milliards CFA circulent-ils en espèces sonnantes et trébuchantes, et de mains à mains, dans les cabinets ministériels et les Directions générales de l’Administration publique, c’est-à-dire hors de tout circuit bancaire, et donc, sans traçabilité possible dans leurs destinations et leurs utilisations ?
3.- Comment dans le cas de figure, le Cabinet civil de la Présidence et le Mincom ont-ils déterminé le montant des sommes à distribuer, et sur quels critères d’éligibilité en ont-ils procédé à la distribution  ? Autrement dit, et s’agissant des dépenses publiques, quel budget programme ont-ils présenté au Trésor public pour se faires débloquer de telles sommes ?

On pourrait encore poser beaucoup de questions. Mais Le Messager ne se permettrait pas de se substituer à la Chambre de contrôle ou d’autres institutions nationales dont la mission est d’auditer cette gestion peu orthodoxe des ressources publiques par les meilleurs gardiens du principe énoncé de rigueur et de moralisation.
Quoi qu’il en soit, l’opinion publique nationale, au moins, aimerait savoir si de manière discrétionnaire, M. Biya a ordonné ou non de telles dépenses pour la presse,  dans le but effectif de faciliter la couverture médiatique du scrutin, et s’il en a fixé les modalités d’une distribution à tête chercheuse, ou alors si des pêcheurs en eaux troubles qui sont légion dans son système, ont voulu se servir de la presse comme alibi, pour s’en mettre plein les poches à cette occasion.
Il reste, en attendant, que si le Directeur du Cabinet civil du président de la République voulait attester des contradictions internes du régime qui nous gouverne, et de la perception paradoxale qu’ils ont de la presse là haut, il n’aurait pas procédé autrement. Et ce n’est pas vraiment redorant pour l’image du Cameroun dont on croit à tort que seule la presse a vocation à assurer la promotion et la préservation.
Jean-Baptiste Sipa

Arguments spécieux et pleins de sophismes
Au-delà de toute polémique, ce que dénonce l'enquête de Bobi est l'entreprise mafieuse de corruption de la presse orchestrée par le Mincom et le Cabinet si vil dans l'optique d'influencer le contenu de certains médias.
Rien ne peut justifier ou expliquer la démarche de ceux des directeurs de la publication qui sont allés prendre l'argent en cachette au Mincom et/ou au Cabinet si vil, argent magnanimement donné sur la base d'aucun critère connu.
Le paradoxe dans la démarche de certains Dp qui sont allés nuitamment (au sens de caché) s'abreuver à la source du Mincom et du Cabinet si vil, est que ce sont ces mêmes Dp qui ont toujours refusé de déposer les dossiers de demande d'aide à la communication en invoquant des raisons que nous connaissons tous. En acceptant de recevoir de l'argent de manière mafieuse, ils ont endossé les costumes de corrompus, les corrupteurs étant le Mincom et le Cabinet si vil. De trois choses l'une, soit ils s'expliquent publiquement, soit ils restituent cet argent, soit ils se taisent et assument leurs actes.
D'ailleurs, si on s'en tient à la définition de la notion de mafia que nous donnent les dictionnaires, c'est-à-dire un réseau d'associations secrètes, généralement très puissant, qui influence l'économie et la politique du pays par le racket et la loi du silence, il devient évident que la mafia est un réseau qui évite la norme et/ou les normes régissant la gestion de la res publica (chose publique). C'est dire si elle est non seulement une manifestation de la corruption, mais l'une de ses armes absolues est la corruption, étant donné que le terme "corruption", qui est chargé de connotation morale, est le substantif du verbe corrompre, qui vient du latin corrumpere. Étymologiquement, cum-rumpere veut dire briser, rompre un ensemble. Le mot corruption peut signifier tantôt une altération, tantôt une séduction ; mais il renvoie toujours à une rupture : co-ruptum. (Christian Tumi, 2011). Dans le cas qui nous intéresse, il y a eu rupture de la normalité ou de  l'ordre normatif qui doit ou qui devrait être. Point.
Par conséquent, tout les argumentaires que déploient les uns et les autres pour justifier des attitudes détestables et ignobles sont révélatrices de la gêne dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui après les révélations de l'enquête de Bobi. Tout le reste, leurs arguments sont, à mes yeux, spécieux. Leur argumentation est pleine de sophismes.
Jean-Bosco Talla






04/11/2011
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