Communautés urbaines: Des Délégués du Gouvernement sans salaire mais qui roulent carrosse

Yaoundé, 06 Mars 2013
© Ferdinand Ngoun | Repères

Nommés depuis le 06 février 2009, ils attendent toujours l'arrêté présidentiel qui devrait fixer leurs salaires.

«Toujours des demandes d'aide, des faire part et des deuils. Est-ce que ces gens savent même que je n'ai pas de salaire», se plaint ce mois de juin 2012 M. Louis Jacques Mazo, Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Kribi. Cette plainte de M. Mazo est l'arbre qui cache la forêt. De quoi vivent les 14 Délégués du gouvernement depuis 4 ans alors qu'ils ne bénéficieraient pas d'un salaire? Réponse du super Maire de Kribi: «Moi, je vis de mes indemnités liées à ma fonction qui s'élèvent à 1 100 000 de FCFA. Et dire qu'il faut résoudre les problèmes de tout le village, c'est impossible».

Des indemnités «incompressibles» qui découlent de plusieurs décrets. D'abord celui du 14 juillet 1966 portant sur les frais de représentation. Ensuite celui du 04 août 1977 portant sur la prime de fonction et du décret du 13 août 1981, précisant les modalités relatives à l'entretien logement. Enfin, les décrets du 9 et 19 juillet relatifs respectivement à l'entretien du véhicule du plafond financier dédié au téléphone. Ainsi, selon une information tirée à bonne source à la communauté urbaine de Yaoundé, M. Tsimi Evouna le Délégué du Gouvernement est logé à une belle enseigne. Avec un peu plus de 500 000 FCFA d'indemnités de fonction, 300 000 FCFA de frais de représentation, un peu plus de 150 000 FCFA pour le téléphone, 200 000 FCFA pour l'entretien véhicule et 223 000 FCFA pour l'entretien logement, le Délégué du gouvernement de la ville de Yaoundé s'en tire avec, au bas mot, une somme mensuelle d'environ 1 500 000 de FCFA tirée des 18 milliards du budget qu'il gère cette année 2013.

«Ces indemnités peuvent varier d'une communauté à une autre. Tout dépend de la taille de la communauté qu'on gère. Vous conviendrez avec moi que le Délégué de Bertoua ne peut pas égaler celui de Bafoussam par exemple, ils ont des budgets différents», renseigne une source bien introduite sur la question au Ministère de l'Administration territoriale et de la décentralisation. «Sur les 14 communautés urbaines créées en janvier 2008 par le Chef de l‘Etat, seules 4 à 5 peuvent se permettre de payer les Délégués à plus d'un million. Encore que les villes de Douala et Yaoundé ont jusqu'à 5 Adjoints qu'il faut également rémunérer sur les fonds de la communauté alors que les autres sont seuls». Renchérit cette source.


EN ATTENDANT LES SALAIRES...

Sur la question des salaires et de leur montant, ce haut commis reste se veut peut disert: «c'est en principe un texte particulier du Chef de l'Etat qui devrait fixer un salaire mensuel pour les Délégués du gouvernement. Notre loi fondamentale reconnait les Maires mais pas les Délégués du gouvernement, donc leur traitement mensuel dépend d'une volonté politique. En plus, vous devrez savoir que le salaire en lui-même ne vaut rien, c'est symbolique».

Toujours selon cette source, on apprend qu'en dehors de ces rémunérations statutaires, les conseils de communauté sous la forme de délibérations donnent souvent certaines marges de manœuvres aux Délégués. Pour le cas d'espèce et selon une indiscrétion, à la communauté urbaine de Douala par exemple, Fritz Ntone Ntone qui contrôle à lui seul 47,7 milliards de francs, en dehors des indemnités que lui confère la loi, gère une ligne carburant, eau et électricité. Il a droit à trois domestiques, des vigiles à sa résidence et deux chauffeurs. Il bénéficie chaque deux ans, d'une dotation véhicule qu'il «peut élargir sur son indemnité mensuelle».

Tous ces avantages sont supportés par la communauté urbaine de Douala. «Tout calcul fait, le Délégué caracole dans les 2 500 000 de FCFA par mois», observe une source dans cette collectivité. Qui n'exclut pas la possibilité pour l'édile de gérer certaines lignes budgétaires notamment celle liée à l'appui aux autorités administratives et des aides diverses.


DES DÉLÉGUÉS TRÈS PORTÉS SUR LEURS AVANTAGES

Situation presqu'identique à Bafoussam et à Bamenda. Dans les bureaux de M. Vincent Ndumu Nji à Bamenda, plus précisément au service administratif et financier ce n’est pas le baume au cœur qu'un responsable révèle que, «les indemnités du Délégué sont énormes, personne ne l'atteint à la cheville ici. Son traitement passe dans nos services, sachez qu'il avoisine les 1 700 000 de FCFA par mois en dehors des lignes extra, délibérées en conseil qu'il peut gérer». Dans cette communauté qui a un budget évalué en recettes et en dépenses à 2 739 630 000 de FCFA, le fonctionnement à lui seul prend plus d'un milliard 700 millions et le Délégué du gouvernement retiens par an, un peu plus de 20 400 000 de FCFA soit à peu près 17% du budget alloué au fonctionnement. «Ça c'est de manière modeste parce que si vous ajoutez à ça la présence de domestiques et des vigiles tous recrutés par lui et qui sont rémunérés par la communauté, vous comprendrez qu'il est au-dessus de ce que je viens d'annoncer» précise cette source. A Bafoussam, le Délégué du gouvernement, M. Emmanuel Nzété que nous avons tenté de joindre sans succès n'est pas en reste. Sous cape, l’un de ses proches nous renseigne qu'il percevrait des indemnités d'un peu plus de 1 350 000 de FCFA par mois depuis que les salaires ont recommencé à être payés dans cette communauté urbaine. Indemnités prélevés sur les 2,2 milliards de FCFA qu'il gère annuellement.

Ces fortunes sont un peu, différentes dans les communautés urbaines de Kumba et de Ngaoundéré ou Victor Ngoh Nkelle de Kumba et son collègue Hamadou Dawa ont maille à partir avec les grands Conseillers. Ces derniers dans une communauté comme dans une autre, jugent calamiteuse la gestion des budgets alloués. A Kumba, le 04 janvier 2013, les grands Conseillers ont refusé de participer aux travaux du conseil. Ils ont demandé entre autre au Délégué de revoir ses indemnités à la baisse. Indemnités qui étaient élevées à environ 1 250 000 de FCFA en 2012. Avec la chute de 5% du budget qui est passé de 1,7 à 1,6 milliard, la priorité doit être axée sur l'investissement et le Délégué devrait s'arranger à toucher un peu moins d'un million. De même, à Ngaoundéré, le Délégué Hamadou Dawa qui refuse de revoir les frais de session des grands Conseillers à la hausse, est lui aussi bloqué sur une délibération qui devrait substantiellement revoir ses revenus à la hausse qui sont évalués à près d'un million de francs.

Les moins «forts» de ces édiles, se recrutent dans les communautés urbaines de Nkongsamba et de Maroua. M. Kollo Basile de Nkongsamba, avec un budget de 599 549 400 de FCFA s'en sort par mois avec des indemnités de 700 000 FCFA environ, très loin derrière le Maire de Douala 2ème par exemple qui perçoit mensuellement plus d'un million. M. Robert Bakary lui aussi est logé à la même enseigne. Il exécute un budget annuel de 900.000.000 de francs environ et le conseil de communauté lui autorise une rémunération mensuelle de 725 000 francs environ.

«C'est donc un poste de toutes les convoitises. Non seulement c'est une fonction de prestige et de privilège (garde du corps, dotation véhiculaire, considération protocolaire...), mais cela vous confère une certaine aisance financière qui n'a rien à envier à celle d'un Ministre», observe alors un responsable à la Brigade de contrôle des collectivités territoriales décentralisées au Minatd.



06/03/2013
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