Comment Marafa dérange le pouvoir

Depuis son arrestation le 16 avril 2012, certains pontes du régime Biya n’ont plus que le sommeil léger. Déballage après déballage suivant divers angles, la République est en alerte.

Trois correspondances depuis les geôles de Kondengui en l’espace d’un mois, Marafa Hamidou Yaya n’est visiblement pas près de s’arrêter. Si les deux premières sont adressées au chef de l’Etat camerounais, la troisième paru dans certains quotidiens et hebdomadaires nationaux le 24 mai dernier, a pour principale cible, le peuple camerounais au nom de qui les jugements sont rendus à travers les juridictions du pays.

De toute évidence, si dans son dernier courrier, Marafa essaie de convaincre les plus sceptiques quant à son innocence dans l’affaire Albatros qui « semble l’emmener » en prison, il n’en demeure pas moins que c’est le branle-bas dans les chaumières. Issa Tchiroma qui le 05 mai à Garoua venait rassurer les siens en leur disant qu’il n’ y a rien dans cette capitale du Nord, se mord déjà les doigts. Mensonge politique ou simple jeu psychologique, il est difficile de sonder les intentions du président du Fnsc qui lui n’est sans doute pas un fonctionnaire à qui Paul Biya a donné le titre. En tout état de cause, depuis l’arrestation de l’ingénieur pétrochimiste, Garoua a perdu la quiétude d’antan. On dirait même une ville en état de siège tant les regroupements de plus de trois personnes sont interdits. Quand le parti des flammes qui a pignon sur rue dans cette partie du pays prend de l’eau, même certains partis politiques de l’opposition sont non grata. A preuve, le Social démocratic front (Sdf) qui devait se réunir à Garoua le 24 mai dernier, s’est vu refuser l’autorisation y relative à la dernière minute par le sous-préfet de Garoua 1er qui ditobéir aux ordres de sa très haute hiérarchie. Entretemps, la briqueterie à Yaoundé est accusée de faire circuler des tracts pour la libération de Marafa et prévenir la destruction de la démocratie camerounaise. Si l’on dit ne pas savoir qui en est l’auteur, l’on déclare ne pas douter que c’est le fait de ce quartier populaire où réside une forte colonie de ressortissants du Septentrion acquise à la cause de l’ex-Minatd. Au-delà de ce quartier, internet est inondé par ce document d’un autre genre.

Dans le sérail…Marafa charge

Dans l’establishment, les langues se délient et de sources dans certains domiciles huppés de Yaoundé font état de ce que certaines personnalités ont quasiment perdu le sommeil. De plus en plus, des noms apparaissent. Même les personnalités les plus insoupçonnées sont citées et petit à petit, le peuple loin de la justice classique peut aussi faire son procès sur la base des ramifications, des cohérences et la logique des faits. Décidément, l’affaire Marafa emporte à la fois des personnalités dans le système et hors de celui- ci. Le richissime homme d’affaires de Dawara dans le Nord-Ouest El Hadj Danpulo est cité comme étant l’un des grands amis de Marafa qui annonçait ce dernier à Etoudi au lendemain de la présidentielle 2012. L’Assemblée nationale qui est chargée de légiférer se mêle déjà de sécurité au point de faire tout un grand dossier au chef de l’Etat, sur l’ambition politique de Marafa et sa relation avec celui qui n’est pas « Bororo« , mais « Haoussa« .

Tandis que l’ex-Sgpr dédouane certaines personnalités jadis accusées, il enfonce d’autres dont seule la justice pourra établir les responsabilités. Même Paul Biya semble ne pas échapper à la guillotine Marafa qui d’ailleurs n’est pas loin du compte. Car, l’ancien cadre de la Snh présente le président de la République comme l’un « des principaux intervenants nationaux dans l’affaire de l’acquisition du Bbj- II (Boeing 737- 800)« . C’est la tournure que prend l’affaire après son départ du secrétariat général de la présidence de la République le 24 août 2002 qui est la plus inquiétante. En plus, le petit jeu entre l’administrateur-directeur général de la Snh et le ministre de l’Economie et des finances de l’époque tel que décrie Marafa dans son troisième courrier est des plus redoutables si les déclarations du nouveau pensionnaire de Kondengui sont avérées.

Quoiqu’il en soit, chaque chapitre de l’épître Marafa comporte son lot de surprises. Des noms et des indices ne manquent pas, prouvant la grande maîtrise des dossiers d’Etat par le fils de Garoua et surtout, tout le recul qu’il a eu en 17 ans de service du régime en place jusqu’au 09 décembre 2011, date de son départ de l’appareil gouvernemental. Vraisemblablement, le pouvoir de Yaoundé n’est pas au bout de ses tourments, et il y a encore du chemin dans le labyrinthe où Marafa montre non seulement les pièces mais aussi et surtout la seule sortie. Et les questions à la fin de sa dernière correspondance sont en réalité des réponses pour qui sait lire entre les lignes.

Paul-Joël Kamtchang




28/05/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres