Comment Amadou Ali L’Archange et Laurent Esso l'Ange piègent Paul Biya

Écrit par Jean Bosco Talla & Etienne Lantier | Yaoundé Jeudi, 27 Mai 2010 14:49

Amadou Ali : l'habitude du complot.L'alternance politique est au coeur de la stratégie d'Amadou Ali. Il utilise ma stratégie du harcèlement pour écarter ses potentiels adversaires politiques les uns après les autres. En 1934 débutent les grandes épurations visant les adversaires de Staline au sein du parti et du pays. Tous ceux qui sont un obstacle à son pouvoir personnel sont soigneusement éliminés. L'affaire contre Me Eyoum Yen Lydienne et les autres permet de connaître l'un des circuits décisionnels très confidentiel de l'Opération Épervier. Amadou Ali et Laurent Esso sont au coeur du dispositif et de la manoeuvre.

 

 

Dans un communiqué de presse rendu public le 04 mai 2010, Me Eyoum Yen Lydienne, avocate au barreau du Cameroun et conseil de l'État du Cameroun dans l'affaire qui l'oppose à la Société générale des banques du Cameroun (Sgbc) accuse cette banque de l'avoir dénoncée calomnieusement, d'avoir honteusement et scandaleusement mis tout en oeuvre pour obtenir son incarcération à la prison centrale de Kondengui, afin de faciliter la " restitution " par le ministère des Finances de la somme de 2,155 milliards de FCfa saisis et recouvrés légalement en 2004. Cette manoeuvre, poursuit-elle, vise à couvrir " les malversations commises par ses responsables au premier rang desquels M. André Noa, ex-directeur des affaires juridiques pendant une vingtaine d'années et " licencié " en 2007 ". Aussi soupçonne- t-elle, " les mêmes personnalités influentes, d'avoir présenté de manière partiale cette affaire au chef de l'État afin d'obtenir son accord pour [la] mettre en détention provisoire ". D'après des sources crédibles, Me Eyoum Yen Lydienne et compagnie ne doivent plus laisser peser des soupçons sur lesdites " personnalités influentes ", au premier rang desquels le vice Premier ministre, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Amadou Ali, et le ministre d'État, Secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso. Ils doivent les accuser et dénoncer leurs manoeuvres ayant poussé le chef de l'État à donner un Accord qui aujourd'hui met à mal l'institution judiciaire dans son ensemble.

LES FAITS

Les faits sont têtus. Le 26 août 2009, Amadou Ali adresse au président de la République la lettre n°451/Cf/Cab/Vpm/Cds dans laquelle il lui fait des propositions visant à faire déférer au parquet Mes Eyoum Yen Lydienne, Baleng Maah Célestin et les nommés Abah Abah Polycarpe, Engoulou Henri et Ngwem Honoré. Cette correspondance est portée à l'attention du chef de l'État qui aurait donné son accord. Répondant à la correspondance du ministre de la Justice, le secrétaire général, dans la lettre n°156/C6/Sg/Pr dont l'objet est " Affaire contre Eyoum Yen Lydienne et les autres ", le Secrétaire général de la présidence de la République écrit le 29 décembre 2009 : "Faisant suite à votre correspondance de référence, j'ai l'honneur de vous notifier l'Accord du chef de l'État à vos propositions tendant à faire déférer Maitres Eyoum Yen Lydienne, Baleng Maah Célestin ; le nommés Abah Abah Polycarpe, Engoulou Henri et Ngwem Honoré au parquet du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi en vue de l'ouverture d'une information judiciaire contre eux, avec mandat de détention provisoire, du chef d'accusation de détournement de deniers publics et complicité. Vous voudrez bien me faire connaître, pour la Très Haute Information du chef de l'État, l'exécution de ces diligences ".


Cette correspondance de Laurent Esso à Amadou Ali met à jour l'un des circuits décisionnels très confidentiel de l'Opération Épervier. L'autre circuit est révélé par la Lettre du Continent du 19 juin 2008. Selon ce confère, des dizaines de dossiers à charge contre les dignitaires du régime sont disponibles, parfois depuis des années - au ministère délégué à la présidence de la République chargé du contrôle supérieur de l'État. Le secrétaire général de la présidence de la République Laurent Esso adresse, individuellement, des " notes à la haute attention du chef de l'État " avec la formule, “le ministre délégué à la présidence chargé du contrôle supérieur de l'État propose la traduction des mis en cause devant la Conseil de discipline budgétaire et financière ainsi que les juridictions compétentes. Pour haute appréciation du chef de l'État ". C'est sur ces notes que le président de la République griffe dans la marge un discret " Accord ". Le dossier est ensuite transmis, de manière confidentielle, au ministre de la Justice qui actionne les leviers de la justice.


Quel que soit le circuit décisionnel emprunté par les dossiers, l'ordre d'arrêter les personnalités est donné par Paul Biya, " avec, en guise de bras armé, le vice premier ministre et ministre de la Justice, Amadou Ali, grand baron de l'extrême Nord réputé pour sa probité, dans le rôle d'Archange Michel terrassant le dragon de la vénalité […] L'identité des proies repérées lui est soumise en dernier ressort et c'est à lui que revient d'arbitrer les conflits de procédure (ou d'intérêts) qui ne tardent pas à surgir entre le garde des sceaux et la secrétaire général de la présidence, ainsi que les compétitions ministérielle pour le " redressement moral " du pays ". C'est dire si Amadou Ali et Laurent Esso sont au coeur du dispositif. Il profiterait de leur position pour rendre de très mauvais services au chef de l'État.


MAUVAIS SERVICES

Un membre du bureau politique du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) ne comprend pas comment un magistrat expérimenté comme Laurent Esso peut écrire une telle lettre. Pour lui, "c'est comme cela qu'ils, je veux dire Amadou Ali et Laurent Esso, piègent le président de la République et démontrent aux yeux du monde que la justice camerounaise n'est qu'un appendice de l'exécutif. Connaissant le chef de l'État qui est un homme méticuleux et l'ayant plus d'une fois observé au travail, je ne suis pas sûr qu'il apposerait sa griffe sur le document tel qu'il est écrit “ Au ministère de la Justice, des responsables rencontrés ne sont pas étonnés. Selon un magistrat, " il n'y a rien d'étonnant à cela. On reconnaît là les méthodes d'Ali. Comme dans votre dossier, le ministre donne souvent des ordres aux procureurs. C'est connu de tous. Il s'est toujours présenté comme Monsieur propre alors qu'au fond la réalité est autre.

Vous êtes journaliste. Faites des investigations sur les marchés de construction des Palais de justice au Cameroun sous Amadou Ali, vous tomberez sur le cas du Palais de justice de Nkongsamba qui est scandaleux, mais personne ne pipe mot, même le ministre de la justice. Ce dossier est sulfureux. Amadou Ali, ministre de la République, doit avoir un intérêt pour soutenir la Sgbc contre l'État ". Un autre magistrat tente de dédouaner le ministre de la Justice. " Que voulezvous que le garde des Sceaux fasse quand il reçoit les ordres d'en-haut ? A sa place que feriez-vous ? ", s'interroge-t-il tout en reconnaissant, s'agissant de la construction du palais de justice de Nkongsamba, qu'il est difficile dans notre contexte de trouver un gestionnaire qui a les mains propres. Ce qui n'évacue pas la question de fond soulevée par la correspondance du 29 décembre 2009 sus-citée et relative à l'indépendance de la justice camerounaise.

JEAN-BOSCO TALLA

 


Amadou Ali : l'habitude du complot

 

L'alternance politique est au coeur de la stratégie d'Amadou Ali. Il utilise ma stratégie du harcèlement pour écarter ses potentiels adversaires politiques les uns après les autres. En 1934 débutent les grandes épurations visant les adversaires de Staline au sein du parti et du pays. Tous ceux qui sont un obstacle à son pouvoir personnel sont soigneusement éliminés.

 

De grands procès, bien organisés par la propagande, éliminent impitoyablement les adversaires, souvent selon l'humeur du dictateur. Beaucoup d'anciens compagnons de Lénine sont éliminés. En 1939, Staline signe avec Hitler un pacte de non-agression, qui lui laisse le temps de se préparer à l'inévitable conflit et lui rapporte la moitié de la Pologne. Au Cameroun, avec l'affaire Titus Edzoa, tous les prétendants à la succession de Paul Biya sont désormais dans l'oeil du cyclone. Amadou Ali, secrétaire général à la présidence de la République et Edouard Akamé Mfoumou, ministre d'Etat chargé de l'Economie et des Finances sont à la manoeuvre. Le plan de bataille mis en place par les deux compères est celui du ''rouleau compresseur''. Akame Mfoumou et Amadou Ali veulent rassembler les informations susceptibles de renforcer le réquisitoire qui permettra de condamner Titus Edzoa : les éléments sur la Bank of Credit and Commerce Cameroon (Bccc) dont la présidence de la République eut la charge des opérations de liquidation lorsque Titus Edzoa était Sgpr. Ainsi, le ''milliard'' de Paris est activement recherché.

De même, d'autres éléments pouvant servir à des condamnations ultérieures du prévenu sont activement recherchés dans le cadre du passage de Titus Edzoa au ministère de la Santé publique et ailleurs. Il est même question de ''fabriquer'' des éléments de preuves, le cas échéant, dans le but de ''mettre le feu aux fesses'' de Titus Edzoa. Tous ces éléments seront sortis de manière graduelle : ''Pas question de sortir le même jour.'' Ainsi : ''Dès que vous finissez ceci, Pan ! Telle condamnation. Le lendemain, Pan ! Vous amenez telle autre.'' L'objectif est simple : se battre jusqu'au bout pour détruire Titus Edzoa, dans le cadre d'un ''programme cohérent.'' Akame Mfoumou se veut clair : ''Nous nous sommes battus jusqu'à présent. Ça ne sert à rien de baisser les bras aujourd'hui. Ça vaudra dire que nous aurons été idiots de nous battre jusque-là.'' Après l'anéantissement de Titus Edzoa, les manoeuvres de Akame Mfoumou et Amadou Ali ne pouvaient que continuer. Avec la sortie de Akame Mfoumou du gouvernement, Amadou Ali devient le rescapé du groupe. Il s'est débarrassé d'un partenaire encombrant. CIMETIÈRES ''Je vois que tu nous rejoins à grandes enjambées'' avait lancé Akame Mfoumou à Amadou Ali. Il ne s'était pas fait prié pour rétorquer : ''A ce rythme là, je risque de vous dépasser.''

Une affirmation prémonitoire.  Amadou Ali est aujourd'hui vice-Premier ministre chargé de la Justice, Garde des sceaux. A ce titre, il pilote l'Opération Épervier dont l'objectif déclaré est de traquer les gestionnaires indélicats. Le 23 janvier 2006, à Yaoundé, à quelques heures de l'arrivée sur le sol camerounais, d'une mission du Fmi, Amadou Ali convoque à son cabinet les médias à capitaux publics. Il annonce à cette occasion, l'ouverture des enquêtes judiciaires, sur les affaires de corruption impliquant une ''demi-douzaine de dossiers de directeurs généraux et membres du gouvernement.'' Les Camerounais pensent alors qu'un coup d'accélérateur sera donné à la lutte contre la corruption. En effet, entre 1998 et 2007, seuls quatre barons du régime ont été jugés et condamnés : Mounchipou Seïdou, Titus Edzoa, Pierre Désiré Engo et Gérard Emmanuel Ondo Ndong. Les manoeuvres politiciennes refont surface.

Amadou Ali devrait offrir à l'opinion publique les gages de sa volonté de lutte contre la corruption. Urbain Olanguena Awono, ancien ministre de la santé publique, Polycarpe Abah Abah, ancien ministre des Finances et Atangana Mebara, ancien ministre d'État secrétaire général de la présidence de la République, se retrouvent dans les geôles infectes de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé. On doit certainement applaudir. Mais ce serait oublier qu'une campagne médiatique savamment orchestrée a longtemps considéré que ces trois anciens membres du gouvernement faisaient partie de la nébuleuse du G11. Il s'agit d'un groupuscule qui voudrait remplacer Paul Biya à la tête de l'État. Comment donner du crédit aux actions d'Amadou Ali dans l'affaire Me Eyoum Yen Lydienne et compagnie, lui qui continue d'user de la stratégie du harcèlement pour contraindre l'avocate à lui " offrir la tête de Abah Abah " ?

L'ancien secrétaire général à la présidence de la République, parlant de l'affaire Edzoa Titus ne déclarait-il pas : ''Nous avons donné des éléments à la Justice, y compris des instruction.'' Maintenant qu'il détient le portefeuille de la Justice, il est à craindre que cette institution soit à ses ordres. Amadou Ali profiterait-il de l'Opération Epervier pour régler des comptes politiques ? Parlant de Paul Biya, Ahidjo avait affirmé qu'il était fourbe et hypocrite. A ce jeu là Amadou Ali est en train de mieux faire que le maître. Il ne saurait être condamné pour son ambition mais que de cimetières sur sonparcours?


JUNIOR ETIENNE LANTIER
Source : Germinal n°025 (texte
amélioré)



30/05/2010
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