Combats entre pro-Ouattara et pro-Gbagbo à Abidjan

Combats entre pro-Ouattara et pro-Gbagbo à Abidjan
(Le Nouvel Observateur 16/12/2010)


La marche sur la télévision d'Etat à l'appel du camp Ouattara a tourné à l'affrontement : les Forces nouvelles échangeaient en milieu de journée des tirs nourris avec les forces de l'ordre, fidèles à Gbagbo. On dénombre au moins quatre morts dans les quartiers populaires. Le camp Ouattara appelle néanmoins à poursuivre la "mobilisation".
Ce que l'on craignait est arrivé, jeudi 16 décembre, en Côte d'Ivoire. A Abidjan, près de l'Hôtel du Golf servant de QG à Alassane Ouattara, des membres de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) échangeaient en milieu de journée des tirs nourris avec des éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS), loyales à Laurent Gbagbo.

Quelque 300 jeunes manifestants pro-Ouattara qui avaient commencé à marcher, vers midi, précédés par les Forces nouvelles (FN), sur la télévision d'Etat (RTI) à l'appel du Premier ministre d'Alassane Ouattara, le chef de l'ex-rébellion des FN Guillaume Soro, ont vite dû rebrousser chemin, alors qu'à l'avant du cortège s'affrontaient les FN et les FDS, selon l'envoyé spécial à Abidjan du Nouvel Observateur, Christophe Boltanski.
Vers 13h, on entendait toujours résonner des tirs à l'arme lourde, de l'Hôtel du Golf où les manifestants s'étaient repliés, a indiqué notre envoyé spécial, qui précisait que l'hôtel était encerclé. Guillaume Soro lui-même est resté pendant tout ce temps dans l'hôtel, a-t-il ajouté, racontant qu'une fois les manifestants repliés dans le bâtiment, Alassane Ouattara avait fait une brève apparition pour rassurer ses troupes.

Guillaume Soro a néanmoins appelé, jeudi en début d'après-midi, la population à poursuivre "la mobilisation" contre le régime de Laurent Gbagbo. Guillaume Soro "appelle les populations à la mobilisation et les invite à ne pas se laisser distraire par cette dictature des chars, et à réclamer la liberté de l'information pluraliste par les médias d'Etat", indique un communiqué publié par ses services.

L'objectif visé par Guillaume Soro était de s'emparer d'un pilier du pouvoir du chef de l'Etat sortant Laurent Gbagbo, en y mettant en place un nouveau directeur général : la RTI est, depuis l'éclatement de la crise née de la présidentielle, tout entière dédiée à la défense du régime. Cette manifestation devait être une étape majeure dans l'affrontement entre les deux hommes, tous deux présidents proclamés après l'élection du 28 novembre.
Une opération, annoncée en début de semaine par Guillaume Soro, qui risquait de tourner à l'affrontement, s'était-on inquiété à l'étranger.
Vendredi, Guillaume Soro et les siens comptent, cette fois, prendre possession de la "Primature", occupée par le Premier ministre du camp adverse, Aké N'Gbo. Ces bureaux sont voisins du palais présidentiel où siège Laurent Gbagbo, tandis que le camp Ouattara est retranché dans l'Hôtel du Golf.

En photos [EN IMAGES] Côte d'Ivoire : la marche des pro-Ouattara à Abidjan


Quatre morts dans les quartiers populaires

Dans la matinée de jeudi, de premiers incidents avaient été rapportés dans les quartiers populaires d'Abidjan. Quatre personnes ont été tuées par balles au moment où les forces de l'ordre fidèles à Laurent Gbagbo ont dispersé des manifestants qui voulaient marcher sur la télévision d'Etat à l'appel du camp de son rival Alassane Ouattara, ont rapporté des journalistes de l'AFP et des témoins.

Dans le quartier populaire d'Adjamé (nord), un photographe de l'AFP a vu les corps de trois personnes tuées par balles. Dans un autre quartier populaire, Koumassi (sud), un journaliste de l'AFP a vu la Croix-Rouge emporter le corps d'une victime également tuée par balle. La tension était très vive dans cette zone, où une trentaine de personnes faisaient face à une dizaine de policiers armés, a-t-il constaté.

Un peu plus tôt, entre 300 et 400 jeunes qui tentaient de quitter le quartier d'Abobo (nord) un fief d''Alassane Ouattara, avaient été dispersés à l'aide de gaz lacrymogènes par une quinzaine de membres des Forces de défense et de sécurité (FDS) qui leur faisaient face. Un journaliste de l'AFP avait pu voir trois jeunes étendus à terre, inertes, sans qu'il soit possible dans l'immédiat de déterminer leur état.

Dans le quartier d'Adjamé, situé à proximité d'Abobo, d'autres jeunes manifestants avaient barré une route et jeté des pierres, mais des gendarmes les avaient dispersés en tirant en l'air.
En plus des tirs de sommation, d'autres coups de feu avaient été entendus par l'AFP dans ce quartier et avaient cessé vers 9h locales (8h heure française). Aucune précision n'était dans un premier temps disponible sur l'origine de ces coups de feu.

Ces deux quartiers populaires se trouvent au nord du quartier chic de Cocody où est situé le siège de la télévision publique RTI.

Mercredi, déjà, plusieurs manifestants pro-Ouattara ont été blessés par balles dans la capitale politique Yamoussoukro (centre) quand les FDS ont voulu empêcher un défilé.



Ban Ki-moon redoute un "retour à la guerre civile"

L'inquiétude se fait sentir à l'étranger.

Paris appelle "à la retenue de part et d'autre" en Côte d'Ivoire, avait affirmé jeudi matin Michèle Alliot-Marie. "Je crois à l'acceptation par Gbagbo des résultats de l'élection où les Ivoiriens ont très clairement désigné Ouattara comme leur président, nous appelons également à la retenue de part et d'autre", avait déclaré la ministre des Affaires étrangères à LCI. "Je crois effectivement qu'il faut éviter toute violence. La Côte d'Ivoire n'a pas besoin de ça", avait répondu la ministre à une question sur l'opportunité ou non de demander l'annulation de la marche annoncée par les partisans d'Alassane Ouattara.

Le chef de l'ONU Ban Ki-moon redoutait un "retour à la guerre civile" dans ce pays coupé en un sud aux mains du camp Gbagbo et un nord FN depuis le putsch manqué de 2002. L'armée avait averti qu'elle tiendrait les Nations unies, qui selon elle soutiennent la marche, pour responsables d'éventuelles violences.

Le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, a lui, prévenu, qu'il engagerait des poursuites contre quiconque serait responsable de violences meurtrières en Côte d'Ivoire.

Alassane Ouattara a été désigné vainqueur de la présidentielle par la commission électorale et reconnu président par une communauté internationale quasi-unanime.

Mais le Conseil constitutionnel ivoirien, acquis au sortant, a invalidé ces résultats et proclamé la victoire de Laurent Gbagbo. Face à ce blocage lourd de menaces, le président de la Commission de l'Union africaine, Jean Ping, pourrait se rendre d'ici vendredi à Abidjan pour relancer les efforts de médiation.


(Nouvelobs.com, avec agences et notre envoyé spécial en Côte d'Ivoire, Christophe Boltanski)

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16/12/2010
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