Cohésion nationale: Entre exploitation politique et cohabitation pacifique

Yaoundé, le 20 Janvier 2012
© © Edouard KINGUE | Le Messager

Le peuple camerounais otage des clans maffieux et de groupes de pression tribale

Le tribalisme au Cameroun, n’existe pas. Ceux qui l’ont observé et vécu a diverses occasions savent que dans le pays profond, ce terme ne renvoie à rien. Par contre, il est visible dans certaines strates organisées de la société et les hommes politiques surfent sur cette pieuvre artificielle, pour s’affirmer dans un pays où l’alternance et le partage du pouvoir entre les forces politiques et sociales doivent être institués.

Tout le monde connaît l’histoire de Baba Simon, de son vrai nom Simon Mpeke, ce prêtre né à Batombè par Edea, a passé sa vie entière à l’évangélisation des Mandara de Tokombere, dans les montagnes arides du Nord-Cameroun. Seize ans durant, Baba œuvre pour rapprocher son petit peuple de Dieu, pour apporter la lumière intellectuelle qu’offre l’école moderne. Le regretté Koloko Lévi, né à Babouantou et résidant à Douala, y a fait sa fortune. Véritable promoteur immobilier, celui qui se faisait appeler «le roi de la ferraille» était membre de la communauté locale lorsqu’il acquérait un terrain, il s’entendait avec le propriétaire afin que celui-ci perçoive une partie de l’argent, tandis que l’autre servait à lui bâtir une maison.

Propriétaire et acheteur devenait donc des voisins sans histoire. Fampou David Dagobert a vécu 50 ans à Douala, où il est mort et enterré sur sa demande, après y avoir bâtie un immeuble abritant la commune urbaine d’arrondissement de Douala 2è. A Bonamatoube, entendez Bepanda Yoyong, à Bonaloka, au lieu dit village, quartiers situés à l’entrée de Douala, vivent paisiblement diverses communautés sociologiques.

A Foreké Dschang, des parents du chef Deido ont grandi et faits souches dans la Menoua. A Bafoussam et à Bamoungoum existe une forte communauté bassa, résidents et propriétaires immobiliers. A Bonatéki non loin de la zone de conflit récent, Marguerite Donkam, originaire de Fotuni à l’Ouest, a bâti sa maison et y vit paisiblement, entretenant de bons rapports avec ses voisins à majorité sawa. Elle est même ancienne de l’église du coin. Momo Pascal, originaire de Blessing, matelassier de son état à Bonamikenguè non loin du cinéma Rex, a vécu toute sa vie à Bonadibong, quartier d’Akwa. Personne ne saurait lui reprocher d’être Bamiléké.

Asonfack Jean, infirmier breveté, né a Bonadibong a pris femme dans le coin et seconde le chef dans les règlements de conflits entre voisins. Youbissi Joseph qui a travaillé toute sa vie aux Brasseries du Cameroun vient de prendre une retraite bien méritée. Tout le monde le connaît à Bonabéri sous le pseudonyme d’Edimo.

L’ordre public

Les exemples de ce genre, quoique peu médiatisés, existent et sont la preuve d’une cohabitation pacifique des communautés «autochtones» ou ‘allogènes’ dans la ville de Douala et ailleurs. Selon le regretté Wang Sonnè, ancien collaborateur du Messager, il est des termes qui varient selon l’usage. Au départ, l’on pourrait se tirer d’affaire avec un essai de définition. Un autochtone est un individu originaire du pays ou du territoire qu’il habite. Il partage le même sol que d’autres membres de sa communauté. L’autochtone peut avoir comme voisin un allogène. Celui-ci est un individu né ailleurs. Il s’est installé sur ce territoire et y a sans doute fait souche pour diverses raisons politiques, économiques ou culturelles.

Cette définition s’appliquerait telle à Kouhékong, petite agglomération agricole dans la périphérie de Bafoussam, sur les bords du Noun. En 1936, des populations recrutées par le colon dans plusieurs régions de l’Ouest (Dschang, Baham, Bandjoun etc.) furent installées là, pour l’expérimentation de la caféiculture. Plus de deux générations plus tard, ils ont fait corps avec le paysage. Les enfants nés à Kouhekong se considèrent comme chez eux.

Pourtant, un conflit foncier opposant le chef Bafoussam à Fotso Victor de Bandjoun en 2001 va faire ressortir les termes autochtones et allogènes. Les petits fils de colons, natifs du coin, sont sommés de quitter les terres de Kouhekong avec leurs unités agricoles. Pour aller où? Plus de 70 ans sont passés et voilà qu’ils découvrent, ahuris, devant les tombes de leurs parents, qu’ils sont allogènes, donc indésirables. Les soi-disant autochtones, d’origine Bafoussam, sont accusés en représailles, de violer leurs filles, de piller ou d’incendier leurs maisons…

Cette histoire ramène sur le devant de la scène Deido à Douala et Kouhékong à Bafoussam. Des groupes de pressions qui pour des raisons inavouées, jouent sur la corde tribale, manipulent les paisibles populations en créant des identités sociologiques d’une dangerosité avérée pour la paix sociale.

A Deido, un homme est mort. Tué par un motocycliste. Fortement émues, les populations du coin s’en prennent aux motocyclistes de passage sur les lieux du crime. Jusque-là, la situation est gérable. Mais au lieu de se taire, des personnalités profitent de cette tribune qu’offre le drame pour donner de la voix, sans expertise avérée dans le maintien de l’ordre public, qui revient spécialement à l’Etat. Une corporation est instrumentalisée et un glissement s’opère vers la dénonciation des communautés. Deido n’est pas un bantoustan, entend-on dire. La saison de la chasse aux Bamiléké à Deido est ouverte par des voix amplifiées.

Les Douala sont chez eux, répondent en écho d’autres voix. Manipulés, des individus non identifiés organisent des expéditions punitives, pour se venger. Contre qui, contre quoi? De toute évidence, le fait tribal est exploité pour monter les uns contre les autres, qui au départ ne sont que des victimes collatérales sans identité sociologique affichée.




23/01/2012
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