Code Électoral: Le RDPC divisé

YAOUNDÉ - 09 Avril 2012
© Thierry Djoussi | La Météo

La hiérarchie du parti au pouvoir exige l'adoption tel quel du projet de loi (re)déposé, jeudi dernier, en session extraordinaire. Les députes du même bord politique ne l'entendent pas de cette oreille, et parlent d'y introduire une série d'amendements. L'arbitrage de Biya attendu.

Deux semaines seulement après avoir fêté en grande pompe (le 24 mars 2012, précisément) son 27ème anniversaire. Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) se trouve en ce moment secoué par une dissension tout aussi homérique. L'étincelle qui met le feu aux poudres est la "directive" relayée par le secrétariat général du Comité central du Rdpc (Sg/Cc) demandant aux députés Rdpc de voter à l'Assemblée nationale le projet de loi portant code électoral unique "tel quel". Un bolchevisme que ne goûte guère une immense majorité des destinataires de la directive "à problèmes". "Le projet de code électoral soumis à notre examen et adoption est bourré de contresens juridique et blesse à un certain niveau la morale même. C'est comme si on vous demandait d'avaler un gâteau plein de saletés. Nous voulons le nettoyer de part en part. Et nous l'avons clairement exprimé à l'administration du parti", a confié, au sortir de l'ouverture de la session extraordinaire, le jeudi 05 avril 2012 un élu Rdpc à La Météo. Gros hic, certains caciques du parti au pouvoir (sans même attendre la réaction officielle du SG/Cc) laissent entendre que discuter les termes dudit projet de loi revient à s'opposer à la science du chef de l'Etat, qui se trouve être également le président national du Rdpc. Ce qui est bien évidemment un grossier mensonge! "Cette fois, on ne mordra pas à l'hameçon", a glissé, résolu, un autre député du parti de la flamme. Du coup, l'on redoute un passage en force du pouvoir.

Samedi dernier, votre bihebdomadaire a appris que des parlementaires épluchaient en leur hôtel, le projet de loi susdit. La tendance serait à l'inventaire des contradictions, des atteintes à la Constitution et autres "aberrations" dont est riche le projet de code électoral unique rédigé par une équipe de bras cassés de la présidence de la République. L'issue finale en serait inévitablement l'élaboration d'une cascade d'amendements. Les députés du parti de la flamme ont pour eux la force du nombre (153/180) pour modeler le projet de code électoral selon leur convenance. A condition qu'ils restent unis, jusqu'au bout.

Pierre d'achoppement. Pour autant qu'en sait votre journal, les députés Rdpc et barons de la colline d'Akomnyada (siège social du Rdpc) sont divisés sur les principaux points ci-après: Premièrement l'instauration du mandat impératif. Dans l'esprit général, cette expression signifie que tout élu qui est exclu de sa formation politique ou en démissionne perd aussitôt sa fonction élective. "Cet esprit d'embrigadement des représentants du peuple nous ramène trente ans en arrière, s'indigne un député Rdpc. en plus cet article de loi est anticonstitutionnel. S'il venait à passer le Conseil constitutionnel ou la Cour suprême va entrer en scène pour l'abroger". Des leaders sociaux proposent d'instituer les candidatures indépendantes en cas de maintien du mandat impératif.

Deuxièmement: l'inflation des cautions. Selon le projet de code électoral, la caution pour la présidence de la République devra passer de 5 à 30 millions Fcfa. Remboursable si le candidat atteint la barre de 10% de suffrages exprimés. Pour la députation, cela pourra aller de 500 000 à... 5 millions Fcfa (appréciez la multiplication par 10). Les conseils municipaux seront astreints à l'avenir, si jamais le projet de code électoral est adopté en l'état, à une caution de 100.000 Fcfa. Bien loin des 25000 Fcfa actuels. "Si c'est le suffrage censitaire que l'on veut instaurer qu'on nous le dise clairement. Ne pourrons décider que ceux qui ont de l'argent. Une véritable prime à la "feymania", au détournement de l'argent publique. Les instituteurs, les paysans et les gagne-petit ne pourront plus être les défenseurs de leur propre cause au parlement ou dans les conseils municipaux. Rien ne justifie l'inflation abyssale des cautions. Ni le contexte, ni le niveau de vie général. A bas la discrimination", rugit dans un français impeccable un député Rdpc du Sud-ouest. Ses collègues de l'opposition n'en sont pas moins noirs de fureur.

Troisièmement: la disposition qui prévoit qu'avec ou sans carte d'électeur, l'on pourra voter. Dans un contexte où seules les inscriptions sur les listes électorales sont censées être biométriques (le vote de l'électeur ne le sera point) cette perspective semble ouvrir les portes à la fraude électorale sur fond de rétention intentionnelle des cartes d'électeur.

Paul Biya qui a juré, dès les premiers matins de sa présidence, qu'il voudrait que les Camerounais gardent de lui le souvenir de quelqu'un qui leur aura "apporté la démocratie et la prospérité"a encore là une belle occasion de désavouer ceux-qui se prévalent de lui pour torpiller son plus bel héritage au peuple camerounais qu'est la démocratie. Une rencontre de "vérité" entre le groupe parlementaire Rdpc et la hiérarchie du parti est annoncée ce lundi 09 avril au palais des Congrès de Yaoundé. Just wait and see!


10/04/2012
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