Chronique d'une réélection annoncée de M. Biya

Yaoundé, 06 Jan. 2011
© Dominique Mbassi | Repères

L'élection présidentielle aura bel et bien lieu en octobre 2011. Mais depuis bientôt deux ans, le président sortant et le Rdpc, sa machine électorale, travaillent pour lui assurer un autre mandat...

Des observateurs avertis continuent de s'accrocher à une telle hypothèse. Celle qui veut que le président de la République, passé maître dans l'art de la dissimulation de son jeu, donne l'impression jus­qu'au dernier moment d'être candidat à sa propre succession. Et que le moment opportun, il mette en scelle le successeur qu'il aura désigné. Les tenants de cette thèse l'accréditent par l'option de M. Paul Biya de ne pas laisser libre cours à un jeu de massacre des prétendus candidats à la succession au sein de sa formation politique au cas où il dévoilait tôt son intention de ne pas rempiler.

Tout en restant plausible, cette éventualité semble davantage relever de l'utopie. Tant tout convainc que le président sortant reste jaloux de son pouvoir. Aussi, au cours des 12 derniers mois, M. Paul Biya n'a-t-il cessé de poser des actes qui constituent autant de signaux susceptibles de convaincre les plus sceptiques. Le dernier geste date de la célébration les 8 et 9 décembre 2010 à Bamenda du cinquantenaire de l'armée. Si la gratification de nombreux avantages à ses éléments ne trahit pas l'esprit de cette fête des forces de défense, l'annonce de la création de l'université de Bamenda tombe comme un cheveu dans la soupe pour l'observateur non initie. Elle est pourtant lourde de signification et relève du calcul d'un fin politicien soucieux de faire basculer dans son bastion une région sans doute la plus hostile a son régime. Et visiblement, M. Biya est parvenu à raviver la flamme de son amour avec les populations d'une ville qui sont parties, en 1985, et avec lesquelles il avait rompu les amarres depuis plus de deux décennies.


L'USURE DU POUVOIR

D'aucuns ont vu là les prémices d'une campagne électorale pourtant lancée depuis 2009. Subitement soucieux de son image et, surtout, conscient des effets néfastes de sa réputation de vacancier au pouvoir, M. Paul Biya, 78 ans le 13 février prochain, se redécouvre une nouvelle jeunesse et s'illustre désormais par une hyperactivité inhabituelle comme pour faire un pied de nez à ceux qui estiment qu'il est usé par l'exercice du pouvoir depuis 28 ans.


La reprise en main s'exprime à travers entre autres la campagne d'assainissement des mœurs publiques - bien que dévoyée par certains proches collaborateurs - qui a conduit en prison une vingtaine d'anciens ministres et directeurs généraux, le lancement des grands projets structurants tels le port en eau profonde de Kribi, le barrage de Lom Pangar, etc. Sans doute, M. Biya ne voudra pour rien laisser le soin à quelqu'un d'autre d'en récolter les premiers dividendes politiques.

Dans ce sens, on se rappelle que le 6 novembre 2009, lors des festivités des 27 ans de l'accession de son fondateur à la magistrature suprême, le secrétaire général du comité central du Rdpc, le parti au pouvoir, a, sans équivoque, indiqué : «Bâtissons l'avenir avec Paul Biya». D'ailleurs, souffle un conseiller, «le Président ne fait pas mystère de son sincère souhait de voir Elecam organiser le scrutin le plus transparent de l'histoire des élections au Cameroun. Il veut être sûr que s'il gagne avec 80 % ou même 50 % des suffrages, que c'est véritablement le choix des Camerounais». En d'autres termes, M. Paul Biya, sachant bien que l'opposition, laminée, ne constitue plus qu'un épouvantail qui ira à l'élection présidentielle en victime résignée, n'envisage nullement l'hypothèse de son échec.


UNE ÉLECTION TRANSPA­RENTE

Si 2011 vibrera essentiellement au rythme de l'élection présidentielle, la chronique de la réélection annoncée de M. Biya commencera à s'écrire au sein du Rdpc. Le parti qui régule la vie politique du Cameroun depuis 25 ans devrait au préalable renouveler le mandat de son président national, son candidat "naturel" à l'élection présidentielle. Réélu pour cinq ans au cours d'un congrès extraordinaire tenu en juillet 2006, M. Paul Biya, qui a toujours veillé à être personnellement en phase avec les statuts de son parti, convoquera à coup sûr cette instance qui pourrait être couplée au 3è congrès ordinaire attendu depuis 14 ans. Un événement dont les préparatifs sont bouclés depuis deux ans avec la remise en mars 2009 au secrétaire général de son comité central d'un projet de révision des textes de base du parti.

C'est dire si ces assises sont annonciatrices d'une nouvelle ère dans le Rdpc, notamment parce qu'elles devraient conduire à la levée du flou qui entoure les conditions de suppléance à la présidence du parti. Car, jusqu'ici les textes du parti sont muets non seulement sur le mode de désignation du président national, mais surtout sur les cas de vacance, d'empêchement ou de démission de ce dernier. Plus, souffle un cadre du parti, elles pourraient permettre de mettre fin à la polémique liée au statut incestueux de M. Biya à la fois comme président de la République et président national d'une formation politique. Une posture à l'origine du déni d'impartialité dont on l'accuse vis-à-vis des partis politiques.

Si la reconduction de M Paul Biya à la tête de l'Etat ne souffre d'aucun doute, reste maintenant à savoir ce qu'il fera de ce mandat, le dernier sans aucun doute. A son terme en 2018, il aura officiellement 85 ans. M. Biya peut-il donc mettre ce mandat a profit pour réaliser enfin ses ambitions, lui qui veut passer à la postérité comme l'homme qui a apporté la démocratie et la prospérité au Cameroun ? Même si la foi permet de soulever les montagnes, des observateurs ne croient pas le Président capable d'un sursaut au soir de sa carrière après avoir placé presque tout son bail présidentiel sous le signe de l'inertie. Du coup, soutiennent d'aucuns, M. Biya sera plus enclin à organiser sa succession tant à la tête de l'Etat que du Rdpc.


09/01/2011
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