Charles Ateba Eyéné: “Le sport peut déclencher une révolution”

YAOUNDE - 30 DEC. 2011
© Jacques Bessala Manga | Le Jour

L’essayiste prolifique a commis un nouvel ouvrage pour fustiger l’inorganisation du sport au Cameroun... L’auteur explique par ailleurs les risques que le désordre observé peut provoquer au sein de la population.

Livre: Le tacle glissé d’Ateba Eyéné

L’essayiste prolifique a commis un nouvel ouvrage pour fustiger l’inorganisation du sport au Cameroun.

Le livre de Charles Ateba Eyéné est une sentence. « Le mouvement sportif camerounais pris en otage par des braconniers », dès le titre, annonce le ton que l’auteur utilise tout au long de sa violente diatribe.

Une provocation volontaire, dont il a déjà fait usage dans « Les paradoxes du pays organisateur », un précédent succès éditorial.

L’ouvrage préfacé par Mathias-Eric Owona Nguini est une autre contribution sur une littérature sportive camerounaise en fusion. Surtout depuis que les Lions Indomptables, tête de proue de ce qu’il est convenu d’appeler « mouvement sportif camerounais », sont dans une tourmente qui perdure. L’exercice amorcé par Charles Ateba Eyéné est un acte d’accusation délivré contre l’équipe nationale de football, en particulier, et qui trace à grands traits le sillage des nombreuses récriminations faites à l'endroit des dirigeants sportifs camerounais. La démarche de l’auteur est tour à tour exploratoire, historique et prospective. Elle est « l’analyse historico-économique et politico-diplomatique du sport ». Tout un programme.

La recension encyclopédique apprend au lecteur qu’il y a eu 24 ministres en charges des questions de sport au Cameroun depuis 1959, que le Cameroun compte 46 fédérations sportives, que la Fécafoot est née en 1959, que le Cameroun a participé à 16 coupes d’Afrique des Nations et en a gagné quatre. Même si elles ne sont pas inédites, les révélations de Charles Ateba Eyéné permettent de camper le lit de la dégénérescence du football camerounais, et partant, l’ensemble du sport camerounais. Sans concession, l’auteur tance tous les dirigeants qui se sont succédés tant au ministère des Sports qu’à la Fécafoot. Englués dans une prévarication improbable, des hommes sans foi ni loi, se comportent au quotidien comme des maffieux. Au point d’avoir finalement pris en otage le sport camerounais. A dessein, l’auteur désigne ses victimes « braconniers ». D’où l’appel à un revirement. L’urgence de la mise en œuvre des réformes devient un impératif.

Même si le livre donne l’impression d’avoir été écrit trop rapidement, comme pour respecter un calendrier dont seul l’auteur maîtrise les enjeux, là semble se trouver sa principale faiblesse. Parce qu’il met sur la touche des anecdotes autrement intéressantes des turbulences du sport camerounais dans sa variété, tout le mérite est à l’actif de Charles Ateba Eyéné. L’actualité sportive tumultueuse que la suspension de Samuel Eto’o fils, le joueur le plus payé du monde, suscite dans l’opinion publique, en fait un livre d’une actualité à brûle-pourpoint. Les facsimilés qui illustrent ses propos en annexes, à l’instar de ce rapport sur la désignation d’Otto Pfister comme l’ancien sélectionneur de l’équipe nationale de football, sont la preuve de tout le travail de recherche et le devoir de vérité qui l’ont guidé dans son projet éditorial.

Jacques Bessala Manga


Charles Ateba Eyéné
Le mouvement sportif camerounais pris en otage par des braconniers
L’urgence de la mise en œuvre des réformes

Une analyse historico-économique et plolitico-diplomatique du sport
Editions Saint-Paul
Décembre 2011
En vente à la librairie des Peuples noirs
Prix : 10 000Fcfa




Charles Ateba Eyéné: “Le sport peut déclencher une révolution”

L’auteur explique les risques que le désordre observé peut provoquer au sein de la population.


Que pensez-vous de la suspension de Samuel Eto’o fils par la Fécafoot ?

D’abord, cette affaire est ténébreuse. La décision est un vilain chantage à l’égard d’Eto’o et de l’Etat du Cameroun. Pour ma part, il s’agit d’une injustice grave qui veut détourner les responsabilités que devraient porter les vrais fossoyeurs du football camerounais. En réalité, la Fécafoot a des comptes à rendre aux Camerounais. Voyez-vous, cette structure est comme une propriété d’Iya Mohamed. La commission de discipline est dirigée par Sali Dahirou. Tandis que son rapporteur est Abdoulaye. Tous sont curieusement ressortissants du grand nord. On peut facilement penser qu’il y a désormais un complot « nordiste » contre Eto’o. Est-ce à dire que le football camerounais est dirigé par les nordistes, seuls compétents en la matière ? Je félicite Eto’o de n’avoir pas interjeté appel. Pour que la Fécafoot aille jusqu’au bout de sa logique destructrice. Les conséquences à long terme sont dramatiques tant pour le football camerounais que pour l’image du Cameroun en général. Un tel phénomène nous conforte dans notre position qui a conduit à la rédaction de notre ouvrage, à savoir que, le Cameroun ne tient pas véritablement compte des enjeux du sport aux plans politique, diplomatique, économique et culturel pour son émergence.


Quels sont les problèmes du sport camerounais, au terme de votre diagnostic ?
Il ya d’abord le manque de prospective et de perspective, l’absence d’infrastructures, le manque de professionnalisme, les logiques rétrogrades de marabouts et de jeux de hasard. On continue de fonctionner au Cameroun avec des générations spontanées. Or, le sport moderne ne s’accommode pas de l’improvisation et du charlatanisme.


Que proposez-vous pour résoudre ces problèmes ?

Il faut recréer un nouvel environnement. Les dirigeants sportifs camerounais, au niveau des fédérations notamment, semblent ne pas savoir ce qu’ils ont à faire. Ils accèdent à des responsabilités en soudoyant les électeurs, créent des pôles de pouvoir qui bravent parfois même l’Etat, et quittent leurs fonctions sans se croire obligés de rendre compte. Il faut résoudre la question des infrastructures. On ne peut pas croire que le Cameroun ne dispose pas de stades capables d’accueillir une coupe d’Afrique des Nations. Si personne n’y prend garde, la crise du sport que nous vivons actuellement peut déclencher une révolution sociale. Il ya eu des cas comme ceux-là dans l’histoire. Il est temps de mettre en application les réformes impulsées sous Michel Zoah.


Que recherchiez-vous en commettant cet ouvrage ?

En tant que citoyen de ce pays, il n’ya pas de sujet dont je ne doive pas parler. Le mouvement sportif camerounais est malade. J’ai voulu faire un diagnostic froid de ce qui mine le sport camerounais. C’est dans le même esprit que j’ai écrit « les paradoxes du pays organisateur » pour poser les problèmes qui minent la région du sud. Ce livre permet à chaque Camerounais de comprendre les raisons profondes de comprendre le déclin du mouvement sportif camerounais et propose des pistes pour en sortir. In fine, il interpelle la Conac à s’intéresser à la gestion des fédérations sportives camerounaises qui sont des temples de la corruption.

Propos recueillis par JBM



02/01/2012
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