Chantier Naval du Cameroun: Les grandes manœuvres de Kwi-Ho Moon, Directeur Général Délégué

YAOUNDE - 29 MARS 2012
© L'Equation | Correspondance

Malgré des échecs cuisants et des bilans pour le moins décevants, Kwi-Ho Moon, le Sud-coréen directeur général délégué au Chantier Naval, fait feu de tout bois pour être maintenu au poste. En dépit du désaveu de l'actionnaire majoritaire et de la Présidence de la République.

D’avoir longtemps vécu au Cameroun et bien que ne parlant pas un traitre mot du français ou de l'anglais, Kwi-Ho Moon, le Sud-coréen qui nous a été présenté comme ingénieur et architecte naval avait toutes les présomptions d'efficacité avec lui. La Corée du Sud est le leader mondial de la construction navale, devant la Chine ou le Japon. De plus, contrairement aux bruits sur le ralentissement de l'économie globale, 2500 navires sont sortis des chantiers en 2010 et les carnets de commandes sont consistants.

C'est au milieu de cette conjoncture favorable que Kwi-Ho Moon arrive au Cameroun. Son cahier de charges, tel que lui martèle Louis Claude Nyassa, le président du conseil d'administration, consiste à assurer les objectifs de performance du contrat de management signés entre le gouvernement camerounais, le chantier naval et industriel du Cameroun et la société coréenne, Marine technology and information (Mît) ...

Pour la mission qu'on devine colossale, le Coréen ne dispose que d'une période de un an, éventuellement renouvelable. Un an, c'est plutôt court. Mais on pense que le Coréen est un surhomme. Il arrive du pays des Daewoo, Hyundai et de Samsung, les fleurons mondiaux de la construction navale. Mais au bout de sa première année, on en est à se mordre les doigts à Yaoundé pour avoir choisi un tel quidam. Il n'a pas tenu un seul objectif de performance du contrat de management et l'entreprise traîne aujourd'hui un déficit évalué à quelque 7 milliards de francs Cfa.

Sur un tout autre plan, celui du chiffre d'affaire qui est une mesure objective du niveau d'activité, Kwi-Ho Moon annonce une progression du chiffre d'affaires à 11 milliards. Mais sur la même période, il a continué à creuser le déficit d'exploitation. Cette progression du chiffre d'affaire n'est pas à mettre à l'actif du Coréen. Le niveau d'activité est au tassement depuis 2009, du fait entre autres de la crise économique mondiale. Mais selon des rapports internes fiables du Chantier naval, de relever le niveau de son activité. Personnellement, Kwi-Ho Moon, n'a strictement rien apporté à l'entreprise. Il a au contraire joué à la saigner et à s'engraisser sur son dos avec sa clique de petits copains coréens.

Au moment de la signature du contrat de management, Kwi-Ho Moon avait la promesse qu’il trouvera des commandes au Chantier Naval. Et que le Cameroun pourrait bénéficier d'un transfert de technologie massif et qui ferait du Port de Douala une destination de choix pour tous les armateurs qui sillonnent la côte ouest-africaine aux abords du Golfe de Guinée. En plus d'une offre de service naval pour les plateformes en offshore dans toute la zone. Un an après, on fait les bilans, Kwi-Ho Moon n'a ramené aucune commande. Pas plus qu'il n'aura intéressé la coopération technique coréenne au développement du chantier naval camerounais.

En revanche, les frasques n'ont pas manqué. On relève par exemple son entêtement à vouloir redimensionner le yard pétrolier de Limbe. Il aura fallu le veto des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds pour le faire reculer. En revanche aussi, il a fait payer pour près de 200 millions une fumeuse étude de faisabilité réalisée par la société MTI, sans le visa du directeur général adjoint qui doit contresigner les ordres de paiement, et sans l'avis du Conseil d'administration qui est mis devant le fait accompli. Une manœuvre qui s'apparente à un détournement de deniers publics. Ce qui explique que le Dga, Antoine Bikoro, ait pris sur lui de le dénoncer devant le procureur de la République. Un Coréen devant le procureur, le tableau est plutôt cocasse. Il pourrait bien finir à New-Bell parce qu'il n'est couvert d'aucune immunité diplomatique. C'est une bonne raison de crier sur les toits que sa vie est en danger.



DÉSAVOUÉ EN HAUT LIEU

A Yaoundé, l'heure est à l'exaspération face aux fumisteries du Coréen. Avec un boulet de sept millions au pied, des centaines de temporaires en rade qui demandent à être payés, l'entreprise a besoin d'être renflouée par l'actionnaire majoritaire, la SNH. Le Coréen est plutôt mal tombé. Adolphe Moudiki ne veut rien entendre. Il n'est surtout pas question pour lui de remettre la main à la poche tant que Kwi-Ho Moon sera encore aux commandes. Même son de cloche à la Présidence de la République. Bello Bouba Maigari, alors ministre des Transports et artisan de la nomination du Coréen au Chantier naval, a entrepris de négocier la prorogation du mandat de son protégé. On ne s'est même pas fatigué de répondre à sa correspondance.

Avec le temps, Kwi-Ho Moon n'a donc plus de mandat légal au Chantier naval. Nommé en septembre 2010, il aura bientôt passé 18 mois à son poste. Et son mandat ne risquera pas d'être renouvelé. Pour attirer l'attention sur son sort, il a décidé de hurler avec les loups. Il a financé une poignée de journaux qui crient à un complot visant à l'éliminer physiquement (sa vie serait en danger) et pour l'éloigner du projet du yard pétrolier de Limbe. Il est acquis, au vu de ses états de service en un an et demi, qu'il n'apportera rien au Chantier naval qui puisse le sauver de la léthargie. Or l'urgence des autorités camerounaises est justement de sauver l'entreprise.



FORUM: Le problème sans fins des employés temporaires

Ils observent à nouveau un sit-in devant le Chantier naval, avec femmes et enfants, pour revendiquer le paiement de leurs droits. Un problème récurrent et chronique à en croire une étude menée par un cadre de la maison. Nous publions in extenso ici un extrait de ladite étude qui a le mérite d'éclairer la situation des personnels au Chantier naval.

Depuis le 07 mai 2008, date de l'incarcération de Zaechaeus FORJIN¬DAM, alors DG du Chantier Naval et Industriel du Cameroun, cette société n'arrête pas de faire des gorges chaudes. Si les poursuites judiciaires qui ont été engagées par le Ministère public contre le sus nommé, sur une dénonciation des faits délictueux constatés dans la gestion de cette société, par son Commissaire aux comptes, en conformité avec les dispositions de l'article 716 de l'acte uniforme OHA DA relatif au droit des sociétés et du groupement d'intérêt économique, et le procès qui s'en est suivi, ont jusqu’ici été le principal sujet d'intérêt public, il n'en demeure pas moins que le quotidien de cette société après le départ de FORJINDAM aura été marqué par des tumultes sociaux, pour le bonheur de la presse et des média en mal de sensation.


QU'EST-CE QUI FAIT DONC COULER TANT D'ENCRE ET DE SALIVE DANS CETTE SOCIÉTÉ?

Il faut remonter aux années 1997 à 2001, époque à laquelle le CNIC connaît une croissance brutale des activités. A l'origine, cette société qui est une émanation de l'ancienne Direction des équipements et du matériel de l'ex-ONPC, est créée en février 1988, avec un capital social de 800 millions de FCFA. Elle compte à peine 35 employés. Son activité est limitée à la réparation des remorqueurs et des pilotins de la société mère, et quelques bateaux de pêche. Le chiffre d'affaires atteint rarement la barre du milliard de FCFA C'est avec l'arrivée des premières plates-formes pétrolières en 1998 que la société va entrer dans une période faste, et qu'elle sortira de l'anonymat, au point où en 2004, le Président de la République sera amené à la citer en exemple.

Cette croissance aura eu pour corollaires, l'augmentation des effectifs ainsi que celle du chiffre d'affaires. Mais cette croissance soudaine, à laquelle le management de la société ne s'était pas préparé produira également des effets pervers, notamment, la non maîtrise de la gestion des ressources humaines et de la gestion financière.


AMATEURISME DANS LA POLITIQUE ET LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

C'est ainsi que la société s'est lancée dans le recrutement massif du personnel temporaire pour faire face au départ, à une forte demande de personnel technique sur le chantier. Mais par la suite, l'on a retrouvé du personnel temporaire dans les services administratifs ! Quelle ineptie!

Si au plan social, le recrutement de jeunes camerounais dans un contexte de sortie de crise économique semblait être une bonne chose, il n'en demeure pas moins que le management de la société n'avait pas pris des précautions pour limiter le risque juridique qui se présentait. En effet, le code du travail camerounais en son article 25 limite la durée du contrat de travail temporaire à trois mois renouvelables une fois au maximum. Au-delà de cette limite, le contrat de travail se transforme en contrat de travail à durée indéterminée. Or certains employés temporaires se sont retrouvés dans une situation de "temporaires permanents". D'où une première fronde au cours de l'année 2001, qui avait abouti au règlement des droits légaux des contestataires qui réclamaient des contrats à durée indéterminée.

Mais le management de la société n'aura pas tiré des leçons de cette politique calamiteuse, en persistant à utiliser les mêmes employés temporaires après les remous de l'année 2001. Résultat, le 1 er mars 2010, cette catégorie d'employés s'est à nouveau soulevée lorsque le management en place depuis le 07 mai 2008 a entrepris une réforme visant à leur faire supporter sur leur rémunération mensuelle, l'impôt sur le revenu des personnes physiques et la part salariale sur les cotisations sociales. C'est le lieu de souligner que la société jusqu'à lors croyait devoir payer les impôts des personnels temporaires en leurs lieu et place. Toute chose propre à alourdir la charge de structure de la société ! Les employés temporaires ne se sont pas ainsi limités à contester cette mesure, mais en ont profité pour émettre des revendications à la limite, de nature politique, tel que le départ du DG par intérim, Antoine BIKORO AL0'0 artisan d'un train de mesures de redressement.

Au fait, pourquoi y a t-il eu tant d'agitation chez les temporaires ? Certains ont déclaré à la presse qu'il "respiraient mieux au temps de FORJINDAM, car il leur arrivait de toucher des salaires allant jusqu'à 400 000 FCFA" ; mais alors quel parfum respiraient-il si bien? Le moins que l'on puisse dire, les temporaires respiraient surtout une forte odeur de faux et usage de faux ! Tenez par exemple. Cette catégorie de personnel qui est payée à l'heure se voyait parfois pointer plus de 20 heures de travail par jour ! Quel est l'être humain qui peut raisonnablement travailler plus de 10 heures sur le jour qui en compte 24 ? Le code du travail fixe pourtant la durée hebdomadaire de travail à 40 heures, soit 08 heures de travail par jour.

Pire encore, le phénomène des employés temporaires fictifs à sérieusement grevé la charge salariale de cette société. En effet, le recrutement des employés temporaires a longtemps été opéré par des contremaîtres, sous le fallacieux prétexte de leur meilleure connaissance des compétences techniques des recrues, au grand dam de la Direction des Ressources humaines qui se contentait alors d'enregistrer sans véritable contrôle. Cette pratique s'est avérée source d'enrichissement illicite de ces recruteurs qui en outre avaient l'exclusivité des pointages horaires de leurs protégés sur les chantiers. Même le service de la paie, chose curieuse ne s'apercevait pas des incohérences dans les pointages. A moins que la chaîne de complicité ne s'y soit étendue. Au finish, un employé qui n'avait jamais été sur un chantier se voyait payer un salaire sur la base des pointages effectués par un parrain contremaître avec lequel il partageait le butin en fin de mois.

Il est donc tout à fait normal que les mesures d'assainissements entreprises par Antoine BIKORO suscitent des pleurs et des grincements de dent. En réalité, les employés temporaires devraient s'en prendre à celui-là même qui avait choisi de les maintenir dans ce statut précaire depuis les années 1997¬1998.

Le personnel permanent dont on ne fait pas souvent cas, avait pourtant de bonnes raisons de faire du grabuge. En effet depuis 1997, les avancements de cette catégorie du personnel ont été gelés.


Source: L'Equation




01/04/2012
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