Cette succession qui inquiète

Cameroun : Cette succession qui inquiète   Les incertitudes et angoisses liées au flou sur la succession de Paul Biya inquiètent les cabinets internationaux, les investisseurs et les milieux diplomatiques.
Le «débat» relancé au parlement au sujet du conseil constitutionnel au moyen d’un projet de loi qui en modifie la composition aurait pu rassurer quand à la vitalité d’un système politique, où des institutions vigilantes et avisées, optimisent le fonctionnement de l’Etat aux moyens de lois actualisées et adaptées à nouvelles réalités.

Pourtant, au contraire, ce projet de loi a plutôt réveillé chez le camerounais la peur du lendemain. Car il rappelle que le conseil constitutionnel dont il est question, n’existe pas, seize années après son institution. Problème : dans l’hypothèse où Paul Biya quitterait brutalement la scène politique, c’est au conseil constitutionnel qu’il reviendrait de constater la vacance, permettant au président du Sénat d’assurer l’intérim et d’organiser les élections. Or 16 années après l’adoption de la constitution qui crée ces deux institutions, le Cameroun n’a toujours ni sénat, ni conseil constitutionnel, ce qui créé un flou institutionnel et une grande incertitude mâtinée d’effroi, sur les scénarii de succession à la tête de l’état.

Cette singularité mondiale (constitution appliquée ou non, selon le bon vouloir d’un homme), inquiète, même au delà des frontières camerounaises. Il y a quelques semaines, l’agence de notation standard and poors soulignait le « haut risque politique découlant de l'incertitude sur la succession présidentielle», pour justifier la faible note du Cameroun.

Si la stabilité de la plupart des pays repose avant tout sur la transparence, la traçabilité et la prévisibilité des mécanismes de dévolution de pouvoir, le moins que l’on puisse dire c’est que le Cameroun semble s’acheminer vers les plus grandes incertitudes. On croirait que le président fait tout ce qu’il peut pour léguer à son pays une crise de succession dont personne n’a besoin et dont les conséquences, toujours imprévisibles, peuvent plomber une nation pendant des générations entières.

Spécialisée dans l’analyse prospective des conjonctures politiques des Etats, l’international Crisis Group s’en est encore inquiété il y a eu, dans une analyse recommandant au pays de préparer l’après Biya. Selon Saad Adoum d'international Crisis group, “si jusqu’à présent, Biya a réussi à imposer le black-out sur sa succession, il ne peut empêcher qu’elle soit dans tous les esprits, qu’elle conditionne les stratégies politiques (notamment à l’intérieur du RDPC) et domine son mandat (actuel). Avec un nouveau septennat qui portera à trente- six ans la durée de son règne, le président aurait de plus en plus de mal à résister aux pressions réclamant de sa part, sinon son retrait, du moins, au minimum, de mettre en place un dispositif constitutionnel clair de succession.

A ce titre, les réserves françaises et américaines sur le déroulement de l’élection du 9 octobre (2012) sont un début d’avertissement. Le dispositif constitutionnel actuel prévoit qu’en cas de vacance du pouvoir, l’intérim devrait être assuré par le président d’un sénat qui n’a jamais été mis en place. Biya a entretenu le flou quant à l’avenir du système camerounais en cas de retrait volontaire ou forcé. Une telle situation laisse le champ libre à tous les scénarios. Le président camerounais prend surtout le risque d’un pourrissement alors qu’il a actuellement toutes les cartes pour éviter au Cameroun l’évolution qu’ont connue certains pays d’Afrique ou 20 ou 30 ans de règne présidentiel sans partage  ont abouti à une crise de succession parfois sanglante”, s’inquiète Saad Adoum d'international Crisis group.

Cette inquiétude, régulièrement reprise par les diplomates, est également partagée par les milieux d’affaires. Car, il est difficile, dans ce contexte de fin de règne, que les investisseurs se bousculent alors que les chancelleries occidentales affichent une anxiété persistance sur le devenir du pays, et redoutent le pire en cas de querelles de succession. Pour le moment, Paul Biya seul peut lever cette hypothèque sur l’avenir de son pays. Car, aussi important fut-il, et quelle que soit la haute idée qu’il se fait de lui même, ses désirs ne peuvent pas être plus importants que l’avenir des 20 millions de camerounais que nous sommes. Mais qui, dans son entourage essentiellement constitué d’adorateurs et de prébendiers, est en mesure de le lui rappeler ?

© La Nouvelle Expression : François Bambou


23/11/2012
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