Ces honorables aux vénérables ambitions

Cameroun  : Ces honorables aux vénérables ambitionsPourquoi le Sénat fait courir les députés au Cameroun.

L’on a failli enregistrer une saignée dans les rangs du groupe parlementaire Rdpc à l’Assemblée nationale (AN), à l’occasion des premières élections sénatoriales de l’histoire du Cameroun. Pour la seule région de l’Extrême-Nord, cinq députés parmi les plus influents de l’institution législative sollicitaient l’investiture du parti : Cavaye Yéguié Djbril, (président de l’AN), Kamsouloum Abba Kabir (questeur), Zondol Herssesse (président de la commission des lois constitutionnelles), Sali Daïrou (ancien ministre, membre de la commission défense et sécurité) et Isabelle Silikam Manamourou, qui siège sans discontinuer à l’AN depuis 1997.

Afin de ne pas « vider, fragiliser et dévaloriser l’Assemblée nationale », le président national du parti ultra majoritaire, Paul Biya, a décidé de laisser à quai les «honorables» en quête des écharpes de «vénérables», suscitant au passage frustrations et amertume. Les autres partis politiques, notamment le Sdf et l’Udc, ont emboîté le pas au Rdpc. Cela étant, pourquoi des députés voulaient-ils « déserter » l’Assemblée nationale pour siéger au Sénat ? Dans l’édition du quotidien Le Jour du 11 mars 2013, le président de l’AN, Cavaye Yéguié Djibril, s’est expliqué sur la question : «A travers ma candidature, je veux mettre mon expérience au service du Sénat et surtout pour le développement de mon pays», déclarait-il.

Le député Sali Daïrou indique, quant à lui : « il y avait aucune intention de ma part d’aller m’engouffrer dans la chambre haute du parlement parce que je serais en fin mandat, comme les autres députés. Le travail du vote des lois et du contrôle parlementaire étant pratiquement le même dans les deux chambres, je pensais pouvoir apporter ma contribution au Sénat, mais le parti en a décidé autrement. Je me plie à la discipline de ma famille politique ».

Recalé dans la région du Sud, Me Emmanuel Mbiam se fait plus prolixe sur les raisons de sa migration avortée vers le Sénat. « Le parlement, ce n’est pas une seule chambre, mais deux : l’Assemblée nationale et le Sénat. Pour siéger dans ces chambres, le mode de scrutin n’est pas le même. Les députés sont élus au suffrage universel direct alors que les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect. Donc, pour devenir sénateur, il y a moins de complications. Du reste, l’investiture pour les législatives est plus contraignante : les primaires au Rdpc nécessitent beaucoup de moyens financiers et d’engagement physique ».

Le député de la Vallée du Ntem ajoute : « En cas de vacance ou d’empêchement du président de la République, c’est le président du Sénat qui assure l’intérim et organise des élections dans des délais précis. Il peut modifier le gouvernement. Donc, la succession se jouera au Sénat et je pense qu’on gagnerait à y siéger. Et puis, le Rdpc étant majoritaire au parlement, le Sénat passe un peu pour un reposoir, puisque tout sera mâché à l’Assemblée nationale et je prédis que le Sénat ne modifiera pas grand chose ».

Pour finir Me Mbiam rappelle l’adage « tout nouveau, tout beau». Pour lui, le titre de sénateur est nouveau dans l’environnement camerounais. «Ça fait snob, en référence au sénateur américain».

D’autres députés insistent, sous cape, sur l’argument des primaires qui, si les textes du Rdpc sont respectés, offriront à voir des joutes fratricides en prélude aux législatives et municipales, sous le couvert du « vote populaire ». L’on comprend bien que rien n’est gagné d’avance, surtout pour les anciens élus qui devront répondre de leurs bilans devant les électeurs. Ces députés indiquent également que les grands électeurs, à l’occasion des sénatoriales 2013, étant majoritairement du Rdpc, le plus dur était d’être investi par le parti. Ce qui ne sera pas le cas pour les prochaines législatives. Il était donc question, à les en croire, pour certains députés, de conserver leurs « positions de rente ».

Cependant, sur le plan des avantages, même si la Constitution met le sénateur et le député sur un pied d’égalité, Me Mbiam pense que « le député en a plus que le sénateur, surtout financièrement. Outre la dotation des microprojets (que le sénateur ne percevra pas), il reçoit mensuellement une indemnité parlementaire. Je dirais aussi que le député jouit de plus de légitimité que le sénateur ».

© Mutations : Georges Alain Boyomo


21/03/2013
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